© Carine Seghier
Quoi qu'il en soit, une estimation récente du CNRS et de l'INRA publiée dans la revue Ecological economics évalue le poids économique mondial de la pollinisation à 153 milliards d'Euros/ans. Et encore, cette estimation ne tient pas compte du service vital que rendent les pollinisateurs à la nature tout entière, précise la secrétaire d'Etat chargée de l'écologie Nathalie Kosciusko-Morizet.
Pour une meilleure cohésion de la filière apicole
Mettant en évidence le manque global de cohésion, le rapport parlementaire recommande d'organiser de toute urgence une filière apicole. Cela passe par la réaffirmation de l'abeille comme une filière animale et de revenir à une déclaration annuelle des ruches d'ici le 1er janvier 2010. Cette dernière mesure avait été supprimée en 2005 à des fins de simplification administrative, mais de toute évidence à tort. Le rapport préconise également de mettre en place une filière de reproduction d'abeilles reines pour assurer le renouvellement du cheptel et limiter le risque d'importation d'espèces invasives. Le député propose également la définition d'un statut de l'apiculteur et recommande la création immédiate d'une plate-forme de travail selon le modèle du Comité opérationnel du Grenelle de l'environnement Agriculture et alimentation biologiques. Celui-ci regrouperait l'ensemble des acteurs concernés par la filière. Il prône également la création d'un Institut technique et scientifique de l'abeille, chargé d'élaborer et d'analyser les programmes de recherche de la filière. Cet Institut bénéficiera immédiatement de 150.000 euros pour entamer ses travaux en 2008, a promis M. Barnier, devant les journalistes présents sur places.
En outre, pour répondre aux critiques émises quant à la dispersion des interlocuteurs dans les ministères concernés, Michel Barnier a annoncé la nomination d'un Monsieur Abeille. Jean-Pierre Comparot, chargé de la coordination de l'administration pour bâtir un plan pour une apiculture durable, sera l'homme de référence sur toutes les questions concernant la pollinisation et les abeilles, a indiqué le ministre.
Vers une nécessaire valorisation économique
Nathalie Kosciusko-Morizet a, quant à elle, souligné qu'il était temps de renouveler notre approche de la protection de la biodiversité en intégrant désormais sa valeur économique. Le Grenelle de l'environnement comme la Loi sur la responsabilité environnementale ouvre la voie à cette reconnaissance. Plusieurs de ces propositions pourraient être intégrées sous forme d'amendements aux textes de lois Grenelle 1 et 2, a-t-elle d'ailleurs confié.
Parmi les chantiers à mettre en place, le rapport du député d'Haute-Savoie suggère aussi la mise en place d'un protocole d'expertises en cas d'intoxication, l'élaboration d'un guide des bonnes pratiques apicoles aussi bien à destination des agriculteurs que des apiculteurs, la mise en place d'un véritable système assurantiel pour la perte des ruches et la mise en place d'un BTS Apicole.
Le rapport parlementaire prend également très au sérieux l'apparition d'un nouvel insecte, le frelon asiatique, identifié pour la première fois en France en novembre 2005 dans le département du Lot-et-Garonne. Un piégeage sélectif doit être généralisé, ainsi qu'une vigilance particulière quant aux risques sur la sécurité civile, note le rapport.
Une dernière série de préconisations est mentionnée dans le rapport et notamment un étiquetage différencié pour le « miel producteur » et le « miel négociant » lors de la mise en marché et l'élargissement de la dérogation des conducteurs routiers accordée aux « transporteurs ambulants » pour la transhumance.
Le rapport a plutôt été bien accueilli par le monde apicole et les chambres d'agricultures. Le Réseau biodiversité pour les abeilles a appelé à la réconciliation et au dialogue entre tous les acteurs (apiculteurs, agriculteurs, scientifiques, collectivités locales, entreprises et associations). Les Chambres d'Agriculture ont notamment souligné l'intérêt des mesures visant à une meilleure structuration de la filière.
Un véritable reflet de l'état de santé de l'Environnement
Rappelons que dans le but d'alerter l'opinion publique et de sensibiliser par la même occasion la population citadine, l'Union Nationale de l'Apiculture Française (UNAF) avait lancé en 2005, une grande opération nationale et européenne destinée à placer au cœur des villes, l'abeille en tant que « Sentinelle de l'Environnement ».
Cette campagne de sensibilisation s'inscrit dans un programme de recherche européen plus ambitieux dénommée ALARM (Assessing LArge-scale environmental Risks fot biodiversity with tested Methods). Cette étude lancée en 2004, a pour but d'ici 2009, d'évaluer les risques qui pèsent sur la biodiversité dans son ensemble (terrestre et aquatique) avec des méthodes éprouvées. ALARM comprend 4 modules : changements climatiques, produits chimiques, espèces invasives et pollinisateurs.
Pour ce dernier, il s'agit d'une part, d'évaluer l'évolution récente des populations de pollinisateurs pour confirmer leur déclin et le quantifier, et d'autre part, de mesurer l'impact potentiel de ce déclin sur l'agriculture européenne et la flore sauvage. L'INRA d'Avignon coordonne les travaux sur l'évaluation de l'impact de la faune pollinisatrice avec en 2005 une étude sur le melon en France, la fraise en Allemagne, le sarrazin en Pologne, le colza de printemps en Suède et la févérole au Royaune-Uni. Le sujet fait l'objet de recherche également au CNRS.
D'autres travaux de recherche ont pour objet les abeilles à l'instar de ceux coordonnés par James Devillers et présentés dans le cadre du colloque PNETOX qui s'est tenu au Grand Palais de Lille les 13 et 14 octobre dans le cadre du Programme National d'Ecotoxicologie. En effet, durant leur activité de butinage, les abeilles prospectent des surfaces importantes autour de leur ruche. Comme elles parcourent leur environnement d'une façon systématique pour collecter du nectar, du pollen, du miellat, et de l'eau, elles sont en contact avec les différents polluants présents dans l'environnement. D'importantes mises au point méthodologiques ont été effectuées, pour permettre l'analyse des HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques), des PCB (polychlorobiphényles) et d'un grand nombre d'éléments inorganiques à la fois dans les abeilles, les miels et les cires. Les données ont montré que les abeilles, en butinant, réalisent bien un échantillonnage des polluants et qu'elles peuvent être utilisées comme bio-indicateurs de la pollution environnementale. Leur déclin a d'autant plus de quoi inquiéter…