Deux textes adoptés par consensus dans la nuit du 10 au 11 décembre forment la base de l'accord de Cancun. L'un, de deux pages, décide de la continuation du Protocole de Kyoto au-delà de 2012. L'autre pose en 30 pages un ensemble de résolutions et de mécanismes prolongeant l'architecture de la Convention climat. Parmi ceux-ci, trois volets majeurs prennent acte des aspirations des pays du Sud : l'adoption d'un fonds vert pour le climat, un mécanisme de lutte contre la déforestation tropicale, et un cadre international inédit sur l'adaptation au changement climatique.
L'année prochaine, à la COP 17, à Durban (Afrique du Sud), les pays industrialisés devront parvenir à remplir les dernières cases manquantes : celles de leurs engagements futurs de réductions d'émissions. Même s'ils reconnaissent que leurs engagements d'émissions ne sont pas à la hauteur de leurs ambitions, la décision sur l'avenir du protocole de Kyoto se borne à ''prendre note'' des intentions communiquées par les pays industrialisés à l'issue de la conférence de Copenhague, en janvier 2010. La fourchette de réduction globale de 25% à 40% de gaz à effet de serre d'ici à 2020 (par rapport à 1990) n'est mentionnée qu'à titre indicatif, en référence aux préconisations du quatrième rapport du GIEC. Les non dits des objectifs quantifiés et des dates butoirs demeurent.
Cancun résulte d'un compromis entre les tenants d'un protocole contraignant, et les pays du groupe de l'Ombrelle, Japon et Russie en tête, qui refusent de reconduire Kyoto si tous les grands émetteurs, Chine autant qu'Etats-Unis, ne s'y rallient pas. Le ministre indien de l'environnement, Jairam Ramesh, s'est distingué par son esprit constructif. Arrivé avant le début du segment ministériel, il a joué un rôle positif en entraînant la Chine à débloquer sa position sur les ''MRV'', acronyme désignant l'instauration d'un système de ''mesure, vérification et rapportage''. Le MRV est devenu une des clés de voûte du système. Son acceptation par les nouveaux grands émetteurs que sont la Chine et l'Inde marque un pas vers leur engagement dans un système international de comptabilisation transparente et de contrôle des émissions.
Succès de Cancun, l'adoption d'une décision sur la protection des forêts tropicales lève les ambiguïtés sur le mécanisme REDD (réduction des émissions liées au déboisement et à la déforestation). La mobilisation internationale des ONG et des peuples autochtones a été entendue depuis son point de départ à la conférence de Bali en 2007 : la conservation de la biodiversité des forêts anciennes est reconnue, ainsi que la participation des communautés locales et des habitants des jungles. Ces mesures seront financées par des ''fonds prévisibles et stables'', ce qui élimine en principe le risque de spéculation sur des fonds forestiers alimentés par les marchés carbone.
Vers une négociation perpétuelle ?
Les pays d'Afrique et les Etats insulaires ont tiré une fois de plus la sonnette d'alarme sur l'accélération du réchauffement de la planète. L'année 2010 a été confirmée par la NASA comme la plus chaude enregistrée depuis 131 ans. La Bolivie est allée jusqu'à refuser l'accord. Son porte-parole, Pablo Solon, a estimé que le texte manquait de substance, accréditait une hausse de 4°C des températures au cours de ce siècle, et revenait à ''un écocide''. Isolé, il n'est pas parvenu à enrayer le consensus. L'accord de Cancun reprend l'intention, actée à Copenhague, de plafonner la hausse des températures à +2°, plutôt qu'à 1,5°C, comme le souhaitent les pays les plus vulnérables. Une position de principe dénuée d'engagement réel.
Parmi les nouveautés, l'adoption du fonds vert pour le climat marque une avancée importante. Les pays du Sud ont accepté que ce fonds soit transitoirement géré par la Banque mondiale, sous la forme d'une entité financière séparée et transparente. Ce fonds sera piloté par un bureau de 24 membres, provenant à parité des pays développés et en développement. Le fast start (financements précoces) est débloqué dès 2010 et doit rassembler 30 milliards de dollars additionnels d'ici à 2012 pour financer des mesures de réduction des émissions dans les pays en développement et des mesures d'adaptation aux impacts du réchauffement.
Les pays contributeurs, tels que la France, sont ''invités'' à rendre compte chaque année des sommes assignées et des projets financés auprès du Secrétariat de la Convention climat dans le cadre de ce fonds, afin d'assurer une certaine transparence et de vérifier qu'ils sont additionnels par rapport aux circuits de l'aide au développement. Au-delà de 2012, le fonds vert pour le climat devra prendre le relais et atteindre une dotation de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020. Reste à remplir cette coquille vide. La France ayant pris la présidence du G20, stimulera-t-elle l'adoption de financements innovants, tels que la taxe Tobin ou la taxe sur les bunkers maritimes ?
Pour autant, la dérive de l'accord sur le climat continue. Rien ne semble réellement acquis à Cancun, car rien n'oblige les pays industrialisés à poursuivre le processus, sinon un engagement formel, mais révocable à Durban l'année prochaine. Les pays industrialisés semblent plus prompts à inclure la capture et séquestration du carbone dans le mécanisme dit de développement propre que de réduire leurs émissions à la source. Comme si le monde était tenté de se diriger vers une négociation perpétuelle.