Sur la base des principes énoncés dans les conclusions de sa réunion de mars 2014, le Conseil européen qui réunit les chefs d'Etat et de gouvernement des 28 Etats membres de l'Union européenne (UE) est parvenu, dans la nuit du jeudi 23 au vendredi 24 octobre, à un accord sur les grandes lignes du paquet énergie-climat pour 2030. Néanmoins, pour connaître les modalités concrètes de l'accord, il faudra attendre "au plus tard (…) la fin du premier trimestre de 2015", c'est-à-dire après la conférence des parties (COP) à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (Ccnucc), qui se tiendra du 1er au 12 décembre à Lima (Pérou).
Dans les grandes lignes, l'UE s'engage à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) "d'au moins 40% d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990". Il s'agit de l'unique objectif contraignant de l'accord. Selon les calculs de la Commission, l'UE est sur le chemin d'une baisse des émissions de 32% en 2030, sans effort supplémentaire. Concernant la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique de l'UE à l'horizon 2030, l'UE se fixe un objectif d'"au moins 27%". L'accord prévoit aussi un "objectif indicatif d'au moins 27%" en matière d'amélioration de l'efficacité énergétique à l'horizon 2030 "par rapport aux scénarios de consommation future d'énergie, sur la base des critères actuels". Les deux derniers objectifs "ne seront pas traduits en objectifs contraignants sur le plan national", précise le texte de l'accord.
"Les chefs d'Etat de l'Europe choisissent le plus petit dénominateur commun", déplore le Réseau Action Climat (RAC), appelant "la Commission européenne à agir, en utilisant le "au moins" placé devant l'objectif sur les gaz à effet de serre pour proposer une augmentation de cet objectif avant [le RAC souligne, ndlr] la Conférence de Paris sur le climat".
De 2005 à 2013, l'ensemble des quotas était distribué gratuitement aux industriels. En 2011, l'UE avait décidé de les attribuer progressivement via des enchères, l'objectif étant que tous les industriels payent leurs quotas après 2020.
Le Conseil précise que "les États membres dont le PIB par habitant est inférieur à 60% de la moyenne de l'UE peuvent choisir de continuer d'accorder jusqu'en 2030 des quotas gratuits au secteur énergétique". Le montant maximum de quotas attribués gratuitement après 2020 "ne devrait pas dépasser 40% des quotas alloués [via les enchères, ou mis en réserve dans le cadre de la réduction des surplus disponibles]".
La répartition entre les Vingt-huit de l'effort de réduction des émissions de GES validé par le Conseil se fait tout d'abord en fixant un objectif de réduction de 43% par rapport à 2005 (et non pas 1990) pour les émissions couvertes par le système communautaire d'échange de quotas d'émission (SCEQE, ou EU-ETS en anglais) et un objectif de réduction de 30% par rapport à 2005 pour les émissions hors marché carbone. Cette première répartition implique une accélération de la baisse des émissions des quelque 12.000 sites industriels couverts par le SCEQE. "Le facteur annuel de réduction du plafond d'émissions maximales autorisées sera modifié, passant de 1,74 % à 2,2 % à partir de 2021", précise le Conseil. En revanche, l'attribution des quotas gratuits à certaines industries est maintenue. Objectif : "fournir un niveau de soutien approprié aux secteurs exposés à un risque de perte de compétitivité internationale".
Par ailleurs, l'effort associé à ces objectifs doit maintenant être réparti entre les 28 Etats-membres. S'agissant des émissions hors SCEQE, la méthode de répartition retenue pour l'objectif 2020, basée sur le "PIB par habitant relatif", continuera à s'appliquer. "Tous les États membres contribueront à la réduction totale prévue pour l'UE à l'horizon 2030, avec des objectifs allant de 0% à -40% par rapport à 2005", explique le Conseil, précisant que "les objectifs des États membres dont le PIB par habitant est supérieur à la moyenne de l'UE feront l'objet d'un ajustement relatif, pour tenir compte de l'efficacité au regard des coûts d'une manière équitable et équilibrée". La création d'une nouvelle réserve (voir par ailleurs) destinée à soutenir financièrement les pays ayant les PIB par habitant les plus faibles devrait faciliter les négociations.
Il s'agit sans conteste d'un des points les plus politiques du dossier. Bien sûr, il y a un aspect strictement interne à l'Europe qui fait l'objet de longues négociations. Mais il y a aussi un aspect stratégique : une répartition "équitable et équilibrée", tout au moins selon les critères de l'UE, entre des pays aux caractéristiques économiques et énergétiques si différentes sera forcément étudié et commenté par les négociateurs au niveau international. En d'autres termes, en explicitant la clé de répartition retenue, l'UE exprime publiquement ce qu'elle considère comme équitable. Une démarche qu'elle a toujours eu beaucoup de difficulté à faire, notamment parce qu'au cours des négociations européennes certains "ajustements" permettent de s'éloigner de la règle générale pour préserver certains pays, compte tenu de leur poids politique en Europe…
Deux objectifs non contraignants
Concernant la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique de l'UE, que le Conseil a décidé de porter à 27% à l'horizon 2030, l'accord indique qu'il ne sera pas opposable au plan international et qu'il ne sera pas décliné entre les Etats membres. En clair, il ne pourra être réalisé que grâce à "des contributions des Etats membres, guidés par la nécessité d'atteindre collectivement l'objectif de l'UE". Il précise par ailleurs, que les Etats membres sont libres de dépasser l'objectif européen en s'appuyant sur des aides conformes aux lignes directrices pour les aides d'État en matière d'énergie adoptées en avril dernier.
Quant à l'objectif indicatif en matière de maîtrise de la consommation énergétique, les conclusions du Conseil précise qu'il "sera réexaminé d'ici 2020, dans l'optique d'un objectif de 30% pour l'UE". Par ailleurs, il reviendra à la Commission de lister les secteurs prioritaires en matière d'efficacité énergétique.
Enfin, les conclusions du Conseil mettent aussi l'accent sur "l'importance fondamentale que revêt un marché intérieur de l'énergie pleinement opérationnel et connecté". Le Conseil juge prioritaire d'assurer de bonnes interconnexions des réseaux européens de gaz et d'électricité et d'assurer la synchronisation des activités en matière d'énergie. Pour cela, l'accord prévoit notamment un "objectif minimum de 10% d'interconnexion électrique, ce de toute urgence, et au plus tard en 2020 au moins pour les Etats membres qui n'ont pas encore atteint un niveau minimum d'intégration". Les pays concernés sont les Etats baltes, le Portugal et l'Espagne. De même, l'UE entend renforcer son indépendance énergétique via, entre autres, l'efficacité énergétique et de nouveaux réseaux d'approvisionnement en gaz.