Après trois ans de négociations et un trilogue chaotique, le Conseil européen, la Commission européenne et le Parlement européen ont trouvé un accord sur la future politique agricole commune (PAC) pour la période 2023-2027. Après un accord en octobre sur un premier lot de mesures, une tentative d'accord sur les mesures restantes avait échoué fin mai dernier. En cause, selon le Gouvernement français, « des positions trop rigides du Parlement européen » et « une Commission européenne peu facilitatrice », sur les questions d'ambition environnementale notamment.
Il semblerait que les choses se soient apaisées puisque les négociations sont conclusives cette fois-ci et chacun s'en félicite : « L'accord politique provisoire conclu vendredi [25 juin] par le Parlement européen et le Conseil ouvre la voie à une PAC plus équitable, plus verte, plus respectueuse des animaux et plus souple », commente la Commission européenne. « L'ambition environnementale de la PAC sera renforcée sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne selon un cadre harmonisé applicable à tous les États membres, permettant d'accompagner la transformation durable des exploitations agricoles », estime Julien Denormandie, ministre français de l'Agriculture.
La France et les autres États membres de l'UE ont officiellement validé l'accord, lundi 28 juin, lors d'un conseil Agriculture et Pêche. « L'accord prévoit une PAC modernisée qui accompagne la transition vers une agriculture plus verte et plus respectueuse du climat », met en avant Maria do Céu Antunes, ministre portugaise de l'Agriculture, dont le pays est à la présidence de l'UE.
Plus d'éco-conditionnalité
Les discussions interinstitutionnelles ont porté sur les trois règlements qui constituaient le paquet de réforme de la PAC et se sont concentrées, la semaine dernière, sur certains des points de négociation encore en suspens, notamment les sujets environnementaux comme le budget minimal alloué aux paiements directs pour les programmes écologiques (éco-régimes) et la mise en place d'une période d'apprentissage pour les États membres ; et l'alignement de la PAC sur le pacte vert pour l'Europe. L'idée est de récompenser les agriculteurs mettant en place des pratiques vertueuses pour l'environnement.
Dans cet accord, la Commission européenne met en avant plusieurs nouveautés. Les conditions minimales de versement des aides sont désormais plus exigeantes. Par exemple, dans chaque exploitation, au moins 3 % des terres arables seront consacrées à la biodiversité et à des éléments non productifs, avec la possibilité de recevoir une aide par l'intermédiaire de programmes écologiques pour atteindre 7 %. Toutes les zones humides et les tourbières seront protégées.
Les États membres seront également tenus de proposer des programmes écologiques. Ce nouveau dispositif est basé sur le volontariat des agriculteurs. Il récompensera financièrement ceux qui adoptent des pratiques respectueuses du climat et de l'environnement (agriculture biologique, agroécologie, lutte intégrée contre les organismes nuisibles, etc.). Les États membres devront allouer au moins 25 % de leurs aides aux programmes écologiques. Au moins 35 % des fonds de développement rural seront alloués à des engagements agroenvironnementaux.
Tout se jouera avec les plans nationaux
« Grâce aux députés, la préservation et le renforcement de la biodiversité ainsi que le respect des engagements de l'UE dans le cadre de l'accord de Paris deviendront l'un des objectifs de la future PAC », ajoute le Parlement européen. Lors de son évaluation des plans stratégiques nationaux, la Commission devra en outre vérifier leur contribution aux engagements environnementaux et climatiques de l'UE ainsi qu'aux objectifs 2030 des stratégies européennes « de la ferme à la table » et en matière de biodiversité. « Aucun plan stratégique national ne pourra être approuvé par la Commission s'il n'est pas conforme à des législations telles que celles sur les pesticides, sur l'habitat des oiseaux ou sur l'élimination du carbone dans les sols - cela change la donne et cela sera renforcé à chaque fois que ces législations seront révisées dans le cadre du déploiement du Green Deal », se satisfait l'eurodéputé Pascal Canfin (Renew Europe), qui estime que sur le plan environnemental l'accord « est un pas en avant indéniable ».
Mais le Parlement aurait voulu aller plus loin. « Nous voulions que l'interdiction de produits importés comportant des pesticides non tolérés en Europe figure dans la nouvelle PAC. Le Conseil a toujours refusé une telle interdiction, explique l'eurodéputé Eric Andrieu (S&D). Nous avons alors exigé et obtenu de la Commission européenne qu'elle s'engage, dans les plus brefs délais, à mettre en place une législation spécifique sur la question et donc que les résidus de pesticides interdits en Europe présents dans les produits importés ne soient plus tolérés ! ».
Du nouveau pour les agriculteurs les moins engagés
Pour la FNSEA, cet accord est de bon augure côté timing pour réussir une mise en œuvre en France « dans de bonnes conditions ». « [Cette nouvelle PAC] est tout sauf un statu quo pour les agriculteurs. En plus des mesures déjà en vigueur, ils appliqueront une nouvelle conditionnalité des aides, des « éco-régimes » qui représentent un quart du budget du premier pilier, et des mesures agro-environnementales et climatiques renforcées », détaille le premier syndicat agricole.