
L'Afssa indique que, sur la base de l'évaluation réalisée par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), ''le calcul des résidus de BPA susceptibles de migrer dans l'alimentation, en particulier au niveau du chauffage des biberons par micro-onde, conduit à écarter tout risque de dépassement des doses maximales admissibles''. Conformément à l'avis rendu par l'Afssa, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot-Narquin considère désormais que cette substance chimique n'est pas dangereuse pour la santé.
Mais aux côtés de cet avis, plusieurs études scientifiques continuent de souligner l'impact sanitaire du Bisphénol A, dont la consommation pourrait selon elles, entraîner des troubles hormonaux et favoriser le développement de maladies cardio-vasculaires et de cancers du sein ou de la prostate. ''La position de l'Afssa sur le dossier Bisphénol A (BPA) repose sur la Dose Journalière Admissible (DJA) de 50 µg/kg/j fixée par l'Agence Européenne de Sécurité Alimentaire (AESA). Or plusieurs dizaines d'études montrent des effets chez l'animal à des doses d'exposition inférieures à cette DJA'', s'était indigné le Réseau Environnement Santé (RES) qui regroupe ONG, médecins, scientifiques et citoyens.
Vers une interdiction du Bisphenol A ?
Ce 30 septembre, à l'occasion d'une conférence de presse, le RES a donc de nouveau demandé à l'Agence ''de reconsidérer sa position'', suite à la parution cet été de plusieurs articles scientifiques. Le BPA est ''susceptible d'entraîner chez la descendance cancer, obésité, troubles du comportement, troubles de la fertilité et d'atténuer chez les personnes exposées l'efficacité des thérapies du cancer du sein et de la prostate'', a rappelé le RES, soulignant des effets ''transgénérationnels''.
Alors que le Bisphénol A a été interdit en octobre 2008 dans les biberons au Canada et par plusieurs Etats aux USA, les six principaux fabricants américains ont décidé en mars 2009 de le supprimer de leur production. Dans ce contexte, en France, Chantal Jouanno, la secrétaire d'Etat à l'écologie, a demandé en juin à l'Afssa de rendre un nouvel avis d'expertise sur les effets du BPA intégrant les études les plus récentes affirmant que ''nous devons être extrêmement vigilants sur les effets de cette substance sur les nourrissons''. Neuf sénateurs ont également déposé fin juillet une proposition de loi pour interdire ''la fabrication, l'importation, l'offre, la mise en vente de plastiques alimentaires contenant du Bisphénol A.''
Le PFOA, un autre perturbateur endocrinien ?
Si selon le RES, cette révision demandée à l'Afssa par Chantal Jouanno '' serait sans suite à ce jour'', le Réseau environnement santé a de nouveau contesté hier l'avis de l'Agence publié en mars dernier sur l'acide perfluorooctanoïque (PFOA ou APFO selon la langue), utilisé notamment dans la fabrication du téflon pour les poêles anti-adhésives et également suspecté d'être ''un perturbateur endocrinien''.
Le PFOA fait partie de la famille des perfluorés qui regroupe une centaine de substances, dont le PFOS (acide perfluorooctane sulfonique), interdit en Europe depuis 2008. Le PFOA se retrouve dans des usages comme les ustensiles de cuisine, les cosmétiques, les emballages (pizza et pop-corn), mais aussi dans les produits anti-tâches et anti-salissures présents dans les textiles, les vêtements, les chaussures, les meubles et les moquettes ou encore dans les peintures, les lubrifiants et cires pour sols et voitures.
Dans son avis consacré au PFOA, réalisé à la demande de l'UFC-Que Choisir et publié en mars, l'Afssa souligne que ''sur la base de l'ensemble des données disponibles'' l'exposition du consommateur ''liée à des conditions réalistes d'utilisation [des poêles anti-adhésives] est 600 fois inférieure à la dose journalière tolérable'' et que l'exposition par l'eau ou la consommation de poisson est ''négligeable''. Pour l'agence, ''l'exposition du consommateur, liée à la migration de PFOA à partir des matériaux, reste largement inférieure à la dose journalière tolérable (DJT) estimée à 1,5 µg/kg de poids corporel/j par l'AESA''.
Mais le RES reproche à l'Afssa de ''minimiser l'impact sanitaire de la contamination par le PFOA et les autres composés perfluorés'' et ''de ne pas prendre en compte les données les plus récentes''. Selon le RES, l'imprégnation de la population par le PFOA, ''retrouvé également dans le lait maternel est quasi-générale'' : 98 % des Américains seraient ainsi exposés selon l'agence fédérale Centers for Disease Controls, et 50% des Chinois.
''L'Afssa n'a pas pris en compte toutes les données, notamment les données gênantes'', déplore André Cicolella, chercheur en évaluation des risques sanitaires à l'Institut national de l'environnement et des risques (INERIS) et porte-parole du RES.
Selon M. Cicolella, plusieurs études épidémiologiques sur le PFOA montreraient ''un excès de cancer de la prostate chez l'homme en milieu professionnel, une baisse de la qualité du sperme''. Une étude menée par des chercheurs danois publiée en juin 2009 dans la revue ''Environmental health perspectives'' souligne ainsi que, chez les hommes les plus imprégnés de perfluorés (PFOA et PFOS), ''le niveau moyen de spermatozoïdes était 2,5 fois moins élevé''.
D'autres études suggèrent que l'exposition aux PFOA et PFOS pourrait réduire la fécondité des femmes ou entraîner une baisse du poids et de la taille du nouveau-né. Au niveau européen, le PFOA est déjà classé comme cancérogène de classe 3 (possibilité d'effets irréversibles) et toxique pour la reproduction de classe 2 (risque pendant la grossesse d'effets néfastes pour l'enfant), a rappelé M. Cicolella.
Le RES appelle donc à une nouvelle expertise sur le PFOA et demande qu' ''elle soit conduite non par la seule Afssa, mais sur un mode interagence (…) pour l'ensemble des perfluorés''. ''L'ingestion est une voie importante (de contamination) mais d'autres sources d'exposition existent'', a alerté le réseau qui demande que ces substances soient ''retirées dans tout ce qui est en contact avec les aliments''. Le porte-parole du RES a indiqué qu'il allait prochainement rencontrer le nouveau directeur de l'Afssa, M. Mortureux, sur cette question.
Le RES a également réitéré sa demande auprès du Ministère de la Santé d'interdire le BPA dans les plastiques alimentaires, notamment les biberons. Après Toulouse, Paris et Nantes, rappelons que la municipalité de Besançon a procédé en septembre au retrait des biberons au BPA dans toutes les crèches de la ville ''par mesure de précaution''.