La plainte déposée par l'association Écologie sans frontière (ESF) avait fait grand bruit lors de son dépôt en 2014. L'ONG avait porté plainte contre X pour mise en danger de la vie d'autrui après un sévère épisode de pollution aux particule fines et au dioxyde d'azote (NO2) dans plusieurs villes de France.
L'affaire vient de connaître son épilogue judiciaire et il n'est pas favorable aux associations. Par une décision (1) du 8 septembre, la Cour de cassation a en effet rejeté le pourvoi d'ESF et de l'association Générations futures qui s'étaient constituées parties civiles en 2015 après la classement sans suite de la première plainte.
Pas d'atteinte à l'intégrité physique
La Haute juridiction rejette le pourvoi des associations contre la décision de la chambre de l'instruction qui avait confirmé l'irrecevabilité des constitutions de partie civile. « En l'absence d'agrément de l'association plaignante et dès lors que celle-ci n'était pas susceptible de subir un préjudice propre, directement causé par le délit de mise en danger d'autrui, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen », juge la Cour.
Dans sa décision, la chambre de l'instruction avait relevé que, sur le fondement du droit commun, l'action civile devant les juridictions pénales était un droit exceptionnel. En raison de sa nature, il doit être strictement renfermé dans les limites des articles 2 et 3 du code de procédure pénale. En application du premier de ces articles, « l'action civile en réparation du dommage causé par une infraction appartient uniquement à ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé par l'infraction », affirment les juges.
Le délit de mise en danger d'autrui, ont-ils rappelé, se définit comme « le fait d'exposer autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ». Une association, personne morale, ne peut « par essence, exciper d'une telle exposition au risque d'atteinte à l'intégrité physique », a jugé la chambre de l'instruction. Celle-ci en a déduit qu'ESF ne pouvait arguer d'un préjudice personnel qui aurait permis d'admettre la recevabilité de son action civile.
Brider l'action judiciaire des associations non agréées
Cette décision constitue une nouvelle entrave à l'action en justice des associations. Elle porte ici sur leur action civile devant les juridictions pénales, en particulier lorsqu'elles demandent réparation du dommage causé par le délit de mise en danger d'autrui. Une incrimination sur laquelle sont susceptibles de se fonder de nombreux contentieux environnementaux, en matière de pollution de l'air mais aussi de pollution des eaux, des sols ou de diverses contaminations par des produits dangereux.
Cette décision bride les possibilités d'action judiciaire des associations qui ne sont pas agrées, alors que l'on sait que le Gouvernement limite par ailleurs drastiquement la délivrance de ces agréments. La liste des associations agréées dans la cadre national au titre de la protection de l'environnement, en ligne sur le site du ministère de la Transition écologique (2) , recense 43 associations. Leur nombre a été divisé par plus de deux depuis la réforme de 2012 qui a limité l'agrément à une durée de cinq ans.