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L'Analyse de cycle de vie sociale des produits et la RSE, deux approches complémentaires ?

Marie Vuaillat, responsable de l'offre ACV sociale chez Evea et Marie Gaborit, directrice de Toovalu nous proposent un avis d'expert sur l'ACV sociale et la manière dont cet outil permet d'aller plus loin en matière de Responsabilité sociétale des entrepr

Publié le 16/02/2015
Environnement & Technique N°345
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°345
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La RSE connaît aujourd'hui un engouement certain dans les entreprises. Approche globale à portée stratégique, elle permet aux dirigeants et directeurs développement durable (DD) de prendre de la hauteur et d'avoir une vue d'ensemble sur leur activité à travers le prisme de la "responsabilité" pour ensuite s'améliorer en fonction de ses objectifs et de son avancement. La démarche ISO 26000 et les différentes approches RSE permettent de faire le bilan, d'identifier et de structurer l'ensemble des actions qui souvent étaient déjà réalisées. Certes, nombre d'entreprises n'ont pas attendu l'ère du développement durable ou de la RSE pour agir en cohérence avec leurs valeurs. Néanmoins, beaucoup admettent que la démarche RSE permet de donner du sens, une plus grande portée et de la visibilité à celles-ci.

Après le bilan vient l'heure d'identifier les vrais enjeux et la réelle responsabilité sociétale de l'entreprise. A ce stade les choses se corsent : comment dresser le tableau de l'ensemble des parties prenantes de l'entreprise (dont beaucoup sont finalement indirectes) ? Comment définir un périmètre de responsabilité cohérent ? Certes, les entreprises savent que ce périmètre s'étend au-delà des portes de leur usine ou de leur bureau, mais lorsque la chaîne de valeur est complexe et souvent internationale, l'ampleur de la tâche peut sembler démotivante. C'est à ce moment-là qu'une approche en Analyse de Cycle de Vie Sociale (ACVS) permet d'apporter un regard nouveau et pertinent.

Identifier les enjeux sociaux pertinents

Faisons un parallèle avec une entreprise qui réalise son bilan carbone et obtient une image globale de ses impacts, et peut identifier ses priorités. Souvent une entreprise qui fabrique des produits ou les transforme va voir l'importance de ses produits en terme d'impact environnemental, elle pourra alors utiliser les outils de l'éco-conception dont l'analyse de cycle de vie pour affiner la compréhension des impacts liés aux produits et identifier des pistes d'amélioration concrètes. De même, si l'entreprise positionne ses produits au cœur de sa responsabilité sociétale, l'ACV sociale peut s'avérer un relai pertinent.

L'analyse du cycle de vie (ACV) est une méthode d'évaluation environnementale qui permet de quantifier les impacts d'un produit (bien, service ou procédé) sur la totalité de son cycle de vie. Depuis l'extraction des matières premières qui le composent jusqu'à son élimination en fin de vie, en passant par les phases de distribution et d'utilisation, le produit est suivi pour évaluer ses impacts sur l'environnement. L'ACV Sociale (selon les recommandations de l'Unep/Setac de 2009) permet d'évaluer les impacts sociaux et socio-économiques, qu'ils soient réels ou potentiels, positifs ou négatifs, et cela en suivant la méthodologie précédente mais sous l'angle des parties prenantes affectées par les activités des différentes entreprises impliquées dans ce cycle de vie (travailleurs, communautés locales, consommateurs, société, etc.).

L'ACV sociale permet de prendre la mesure des risques ("points chauds") et de saisir les opportunités (points de performance) d'un produit tout au long de son cycle de vie. Elle permet également de comparer les profils socio-économiques des produits, filières, systèmes analysés.

Dans le cadre d'une démarche RSE dans laquelle on va privilégier une vision globale et plutôt centrée sur l'entreprise et son environnement immédiat, il peut arriver que les engagements sociaux des entreprises ne soient pas corrélés aux impacts qu'elles génèrent réellement. L'ACV sociale doit permettre d'identifier les enjeux sociaux pertinents sur tout le cycle de vie du produit et de les évaluer. L'ACV sociale et la RSE sont étroitement liées. D'aucuns emploient le terme de "RSE en cycle de vie" pour décrire l'ACV sociale. Ainsi l'entreprise engagée dans une démarche de RSE pourra :

  • Identifier son périmètre de responsabilité sociétale et ses impacts sociétaux en incluant ses produits,
  • Identifier l'ensemble de ses parties prenantes, y compris indirectes (celles avec lesquelles l'entreprise n'a pas de contacts directs),
  • Choisir ses indicateurs de mesure et de pilotage de son offre responsable,
  • Renforcer la crédibilité de sa démarche RSE (en lien avec la norme XP X 30-027 liée à l'ISO 26000).

Inversement, une politique RSE déjà en place permettra d'alimenter l'ACV sociale, de choisir les thématiques et indicateurs à privilégier par rapport aux enjeux du secteur ou du territoire.

Vers des démarches d'éco-socio-conception

Afin de réaliser une ACV sociale, des bases de données sociales ont été constituées par différents organismes, la plus connue est la Social hotspots database (SHDB). Ainsi, lors de la première analyse, il n'est pas systématiquement nécessaire d'aller chercher des données spécifiques auprès d'un fournisseur sous-traitant de rang 3 ou 4. L'analyse pourra être complétée par des données bibliographiques en fonction des pays impliqués dans la chaîne de valeur.

L'ACV sociale est par exemple utilisé par des entreprises qui souhaitent valider des choix industriels : mettre en place une nouvelle filière d'approvisionnement matière ou développer une filière de recyclage de ses produits. L'ACV leur permet aujourd'hui de valider l'intérêt environnemental et social de ses choix (cf. encart image), mais aussi d'identifier les points forts et points faibles de chaque étape du cycle de vie et de chaque entreprise impliquée dans le cycle de vie du produit afin de mettre en place des actions correctives.

L'implication dans une démarche RSE est source de questionnement, de motivation pour améliorer la stratégie de l'entreprise et mieux prendre en compte les externalités dans celle-ci. Rapidement, un industriel ou un concepteur va comprendre que la portée de ses impacts et sa chaîne de valeur sont très étendus. Pour éviter d'être démuni face à l'ampleur du progrès à accomplir et la grande diversité des pistes à explorer, pour mieux cibler les efforts à réaliser, la passerelle entre la vision RSE vers l'ACV sociale est puissante. Elle va permettre de prolonger l'analyse de la responsabilité globale de l'entreprise en replaçant le produit ou le service rendu au cœur de l'analyse et ainsi donner un éclairage transversal structuré et pertinent. Les entreprises doivent aujourd'hui non seulement prendre conscience de leur responsabilité, mais adresser leurs vrais enjeux et ne pas rester à un niveau de mécénat de bonne conscience, RSE de surface.

L'ACV sociale et les démarches de RSE sont des approches complémentaires, terreaux de démarches d'éco-socio-conception. Ces démarches permettront aux entreprises d'innover dans la durée, de comprendre dès aujourd'hui leurs enjeux RSE à venir, liés à leur activité pour les intégrer dès aujourd'hui dans leur R&D, leur conception et leur stratégie.

Avis d'expert proposé par Marie Vuaillat, responsable de l'offre ACV sociale chez Evea et Marie Gaborit, directrice de Toovalu

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Crédits photos : Evea Conseil

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