''Ce n'est pas un recul dans le temps, c'est une autre manière d'exprimer la chose, analyse Nadia Boeglin, du Commissariat général au développement durable. Nous partions au départ pour une mise en œuvre progressive de l'affichage environnemental. Finalement, que ce soit une expérimentation ou une mise en œuvre progressive, je ne suis pas sûre que ça modifie grand chose ! La dynamique est la même''.
Le texte adopté par les députés, s'il modifie la mise en œuvre du dispositif, ne remet donc pas en cause l'article 54 de la loi Grenelle 1 qui pose le droit des consommateurs à une information environnementale ''sincère, objective et complète''. Le caractère obligatoire du dispositif devrait donc être maintenu.
Quoiqu'il en soit, les travaux au sein de la plateforme Ademe/Afnor se poursuivent et le succès du colloque sur l'affichage environnemental organisé le 8 juin prouve à la fois l'intérêt et l'inquiétude des acteurs pour ce vaste chantier.
Initiative française : une approche ambitieuse
La France n'est pas la seule à plancher sur le sujet. Le Japon, le Royaume-Uni, la Suède, la Belgique travaillent également au développement de l'information environnementale. Mais l'originalité de la France porte sur le caractère obligatoire et multicritère du dispositif. En effet, dans les autres pays engagés dans une telle démarche, celle-ci est volontaire et limitée à l'empreinte carbone des produits.
Autre différence et de taille : l'objectif de ces initiatives est davantage tourné vers les entreprises alors que la France vise un dispositif ''à destination du consommateur'' afin de lui permettre de comparer les produits entre eux et d'influencer l'acte d'achat. L'affichage environnemental a donc en France un objectif discriminant quand les autres pays optent pour un travail avec les entreprises.
''L'objectif premier n'est pas la labellisation des produits mais le travail réalisé avec les entreprises. Nous voulons leur permettre d'identifier les points chauds du cycle de vie d'un produit pour qu'ils puissent les réduire'', explique Maureen Nowak, du ministère de l'environnement britannique (DEFRA). Idem pour l'EPD System développé en Suède.
La frilosité à communiquer ce type d'information au public tient à la difficulté d'obtenir une évaluation fiable, crédible et claire. ''Si l'initiative française paraît très intéressante, on ne peut pas faire ça au niveau européen. Le travail sur la méthodologie est primordial, les outils doivent être fiables. La difficulté de l'affichage environnemental porte sur la fiabilité des informations fournies : il ne faut pas tromper les consommateurs ni introduire une concurrence injuste entre les entreprises. Il faut une méthodologie robuste pour pouvoir discriminer les produits. Par contre, une utilisation minimale peut permettre aux entreprises de s'améliorer et d'en tirer des avantages économiques'', note Pavel Misiga, chef de l'unité Environnement et industrie de la Commission européenne.
Le choix des indicateurs, les modes de calculs sont en effet primordiaux. Si la plupart des initiatives portent aujourd'hui sur l'empreinte carbone, c'est qu'elle est plus facile à évaluer. L'impact sur la biodiversité, les pollutions aquatiques sont plus difficilement quantifiables.
Cependant, pour Maureen Nowak, ''il est indispensable de prendre en compte d'autres indicateurs pour éduquer le consommateur. De notre côté, nous avons commencé à travailler sur les questions de biodiversité et de pollution de l'eau''. Aucune échéance n'a pour l'instant été fixée pour l'aboutissement de ces réflexions.
En France, les travaux de la plateforme Ademe/Afnor, initiés au printemps 2008, se poursuivent pour développer une méthodologie adéquate. Près de 670 organisations, représentées par 1.000 experts, participent aux différents groupes de travail. Des expérimentations, menées en parallèle, permettent d'affiner les travaux et de confronter la théorie à la pratique.