Depuis le 1er janvier 2014, il ne reste plus que douze associations agréées au niveau national au titre de la protection de l'environnement. Fin 2012, avant que ne s'applique la réforme de l'agrément finalisée en 2011, elles étaient encore près de 110.
Sur la soixantaine d'associations concernées par la première série de renouvellements, c'est-à-dire parmi les associations agréées avant 1990, seules onze ont franchi le cap fin 2012. Une douzième, l'Office pour les insectes et leur environnement (Opie), a vu son agrément renouvelé en février 2013. Parmi celles-ci, il ne reste que trois associations d'envergure : France Nature Environnement (FNE), Les Amis de la Terre et la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO).
La seconde vague de renouvellement, qui concerne les associations agréées depuis 1990, affiche, pour l'instant, un résultat encore plus maigre : aucun arrêté n'ayant été publié au Journal officiel, les 46 associations concernées ont perdu leur agrément au 31 décembre 2013. En effet, le décret du 12 juillet 2011, qui encadre la procédure, précise que "le renouvellement de l'agrément est réputé refusé si aucune décision n'a été notifiée à l'association avant la date d'expiration de l'agrément en cours de validité".
Cette volonté était d'autant plus partagée que l'obtention de l'agrément peut sembler secondaire, notamment pour les associations qui n'intentent pas de recours juridiques. Celles-ci voient surtout dans l'agrément un renforcement de leur légitimité auprès de leurs adhérents et interlocuteurs.
La réforme finalisée, c'est surtout le volet relatif à la représentativité des ONG qui a soulevé l'ire d'une trentaine d'associations. Elles estimaient que "le gouvernement [s'était] attaqué avec efficacité, une fois encore, aux modestes contre-pouvoirs que notre pays compte encore". En cause, des critères de représentativité qui fermaient la porte des grandes instances de dialogue environnementales aux associations très spécialisées. Certaines ont donc déposé un recours devant le Conseil d'Etat, recours rejeté dans un arrêt rendu en septembre 2013.
Parmi les associations en attente de réagrément, figurent le Centre national d'information indépendante sur les déchets (Cniid), le Comité de liaison des énergies renouvelables (Cler, renommé depuis Réseau pour la transition énergétique), la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad), Greenpeace France, la Ligue ROC (renommée depuis Humanité et Biodiversité), le Mouvement pour le droit et le respect des générations futures (MDRGF, plus connu aujourd'hui sous le nom de Générations Futures), Paysage de France, le Réseau action climat (RAC), le Réseau sortir du nucléaire (RSN), Robin des bois et Surfrider.
Toutes les associations contactées par Actu-environnement indiquent avoir déposé leur dossier de réagrément et être sans nouvelle du ministère de l'Ecologie. Mais, certaines évoquent le "zèle" excessif de l'administration, des préfectures ayant demandé des pièces non prévues par la règlementation. Bilan : des dossiers déposés en temps et en heure en juillet ne sont parvenus que plusieurs mois après au Ministère. D'autres évoquent à mot couvert un potentiel enjeu politique. "Y-a-t-il quelqu'un qui s'occupe de l'agrément au cabinet du ministre ?", interroge un bon connaisseur du dossier qui rappelle que confier la gestion des agréments au ministère ne coule pas de source. En effet, il avait été envisagé de confier ce dossier à la préfecture du département hébergeant le siège social de l'association concernée. Le ministère a finalement obtenu cette responsabilité.
Les arrêtés "paraîtront prochainement au Journal officiel", assure le ministère de l'Ecologie contacté par Actu-environnement.
Un agrément bien utile devant les tribunaux
Reste que l'agrément confère certains droits qui peuvent être essentiels à l'action des ONG, notamment lorsqu'il s'agit de défendre une cause devant les tribunaux. En effet, une association agrée peut s'opposer à une décision publique qui porterait atteinte à l'environnement en déposant un recours devant les juridictions administratives (tribunal administratif, cour administrative d'appel ou Conseil d'État). Faute d'agrément, elle doit faire la preuve de son intérêt à agir et de sa qualité à agir.
Mais, "le principal intérêt de l'agrément est qu'il permet d'obtenir réparation du préjudice, même lorsque l'association n'a pas subi de préjudice direct et personnel", explique Raymond Léost, responsable du réseau juridique de FNE. En effet, l'agrément confère un intérêt collectif qui est souvent indispensable lorsqu'une association nationale souhaite intervenir juridiquement dans une affaire locale. Au civil, elle peut agir en réparation si elle est mandatée par une personne ayant subi le préjudice et, au pénal, elle peut se porter partie civile. Le procès de l'Erika illustre l'importance de la démarche : FNE, Greenpeace, Les Amis de la Terre ou encore Robin des Bois figuraient parmi les parties civiles.
Le recours au juge est essentiel, selon l'avocat Christian Huglo, qui estime que "le droit de l'environnement ne pourra continuer à se construire qu'à travers les actions de la société civile et en particulier lorsqu'elle se mobilise (...) pour obtenir du juge une décision que les acteurs de politique ont de plus en plus de mal à prendre". Ainsi, "les questions du nucléaire ou du gaz de schiste, démontre à l'évidence que le recours au Juge qui a prévalu à la création et à la fondation du droit de l'environnement reste encore déterminant", poursuit l'avocat, qui rappelle qu'"on oublie trop souvent que la question du dommage écologique s'est établie dans un très vieux contentieux dit de l'affaire des Boues Rouges de la Montedison".
Représentatives, mais pas agréées
Enfin, le non renouvellement des agréments soulève une question délicate au sujet des associations reconnues comme représentatives et pouvant participer aux instances consultatives nationales. Aujourd'hui, douze associations disposent du précieux sésame, mais seulement quatre disposent d'un agrément valide : FNE, la LPO, l'Opie et la Société nationale de protection de la nature et d'acclimatation de France (SNPN). En conséquence, pour l'instant, la portée de la reconnaissance de la représentativité des huit associations non agréées semble nulle.
"Toutes détenaient l'agrément délivré au titre de l'article L 141-1 à la date de leur habilitation", répond le ministère de l'Ecologie. Certes, mais c'est jouer sur les mots. En effet, la circulaire qui détaille l'application de la réforme de juillet 2011 est sans ambiguïté : les services administratifs doivent "[abroger] la décision [d'habilitation] concernant une association qui ne serait plus titulaire de l'agrément". La publication des arrêtés d'agrément clarifiera cette situation.