Seulement 3% de Surface agricole utile (SAU) seraient actuellement dédiés à la bio, ce qui situe la France au 22e rang européen alors que 20% sont fixés par le Grenelle en 2020. Le premier objectif de 6% de SAU bio prévus en 2012 (soit le double attendu) est déjà hors de portée… malgré ''la dynamique'' de conversions des agriculteurs.
Autres ''constats amers'' des producteurs bios : moins de 2% des ingrédients dans la restauration scolaire publique sont bio alors que le Grenelle visait 20% en 2012. A un an de l'échéance, on est encore très loin de ces objectifs tandis que ''pendant ce temps là, la France est toujours le premier consommateur de pesticides'', dénoncent les producteurs regroupés au sein de la fédération nationale de l'agriculture biologique (Fnab).
Alors que le gouvernement prépare les bilans politiques du Grenelle, que les objectifs pour l'agriculture biologique ne seront pas atteints ''malgré la dynamique historique'', les partis politiques ''vont devoir préciser les programmes en fonction des candidats avérés à l'élection présidentielle. Le temps est venu de présenter des propositions concrètes, transversales pour la prochaine mandature. Il s'agira notamment de montrer l'efficacité économique et budgétaire d'une politique publique de développement de la bio'', a expliqué Dominique Marion, président de la Fnab en soulignant ''le potentiel positif du bio'' en termes d'impacts environnementaux et sanitaires, d'économie de dépollution de l'eau et de création d'emplois. La fédération a présenté hier
''Priorité au bio'' via une réforme du foncier
Parmi les mesures phares proposées par la Fnab : ''un soutien public clair'' aux conversions afin de favoriser la production, assorti d'un engagement de 5 ans minimum de la part de l'Etat et du producteur et d'un montant incitatif par rapport aux mesures de réduction des phytosanitaires. Les producteurs demandent également aux candidats ''d'octroyer prioritairement les soutiens additionnels aux exploitations qui contribuent à la préservation de l'environnement''. Comment ? En mettant en place "un nouveau mode de calcul des aides, basé sur le principe des coûts de pollution évitées ou les services environnementaux'' ou en tenant compte des emplois plus que de la taille des exploitations (aide au projet ou une aide surfacique modulée). Autre appel des agriculteurs : réformer la politique foncière et par conséquent le rôle des Safer (Société d'aménagement foncier et d'établissement rural) ''en privilégiant'' toujours les installations bio ''par rapport à un projet conventionnel ou un agrandissement''. Les producteurs demandent également d'introduire les notions ''des zones agricoles protégées et ceintures vertes'' dans les outils de gestion du territoire (Agenda 21, Scot, PLU) mais aussi de développer les productions bio dans les zones à enjeu eau pour les préserver.
Structurer les filières biologiques ''innovantes'' permettant ''une régulation collective des volumes, des prix et de la qualité'' des produits, développer les formations sur l'agriculture biologique et mobiliser ''20% des fonds de recherche publique" et des fonds professionnels (CASDAR) figurent aussi parmi les propositions. Pour une bio locale ''accessible à tous'', les producteurs demandent en outre la création d'un plan national via notamment l'introduction de 20% de produits bio locaux dans la restauration hors domicile pour 2015, le soutien aux circuits courts et le renforcement des campagnes d'information et de sensibilisation des consommateurs ''soucieux de leur santé''.
Avec quels moyens ? Les agriculteurs bios proposent notamment le relèvement de la TVA sur les pesticides qui est actuellement à 5,5% à 19,6%, ou encore la fin des avantages accordés aux agrocarburants. ''C'est chose faite grâce au vote du Sénat'',dans le cadre de l'examen du projet de budget 2012, s'est félicité le président de la Fnab. Le 21 novembre, les sénateurs ont en effet supprimé l'allégement partiel de la taxe intérieure de consommation (TIC) dont bénéficient les agrocarburants et auraient également passé mercredi 23 novembre la TVA à 19,6% pour les pesticides. L'Assemblée nationale doit encore toutefois entériner ces amendements. Les agriculteurs proposent aussi la suppression des fonds publics pour les technologies OGM en agriculture.
Quel est le candidat à la Présidentielle le plus bio ?
Les représentants agricoles des principaux candidats à l'élection présidentielle (Ump, Modem, Parti socialiste et Europe écologie-Les verts- EELV, Front de gauche) étaient présents hier au colloque pour venir débattre des propositions de la Fnab et faire part de leur programme. Antoine Herth, secrétaire national Agriculture à l' UMP a rappelé la ''mise en œuvre du Grenelle'' par le Président Sarkozy qui a permis ''la fixation de l'objectif de 20% en 2020, l'intégration par l'Inra (2) d'un plan de recherche sur l'agrobiologie, et la réduction des produits phytosanitaires de moitié'' via le programme EcoPhyto 2018. ''Ce sont les collectivités locales qui doivent impulser une démarche bio'', considère-t-il en affirmant que dans sa région en Alsace, ''4,5% des SAU" étaient dédiés au bio. Ce dernier plaide en faveur du maintien du budget de la Politique agricole commune (PAC) et un développement de la ''recherche participative'' et une politique de financement des Safer. Un avis partagé par Marc Fesneau du Modem et représentant de François Bayrou ''pour qui l'essentiel des aides directes de la PAC suffisent sur ces sujets là''.
M. Fesneau a aussi appelé à développer une agriculture bio de ''haute technologie" pour favoriser l'installation de jeunes agriculteurs et "réformer le code des marchés publics" en faveur des circuits courts à l'instar de Laurent Levrard, du Front de Gauche qui demande ''d'inclure dans le code des marchés l'obligation d'approvisionnement des restaurants collectifs publics'' et ''l'appui à l'installation et la conversion des agriculteurs''. Le représentant de Jean-Luc Mélenchon a souligné que la "transition écologique de l'agriculture" ne concernait pas seulement l'objectif de 20% de bio mais aussi les 80% cultures restantes. Il a aussi plaidé en faveur de la révision de la gouvernance des Safer via la présence des syndicats et ''une nouvelle Pac basée sur des prix rémunérateurs" des paysans et appelé aussi ''à la reconquête de l'indépendance protéique" via une rupture du traité du Lisbonne et ''l'autonomie des engrais chimiques azotés''.
De leur côté, les écologistes et les socialistes ont conclu le week-end du 19 et 20 novembre un accord en faveur d'un soutien au bio, de la suppression des politiques de soutien aux agrocarburants, de la refonte de la gestion foncière, ou encore de la relocalisation de l'agriculture favorisant les productions de proximité. Pour Pascal Durand représentant d'EELV et de la candidate Eva Joly : ''Il n'y a qu'une seule agriculture conforme à l'éthique et c'est le bio (…) Nous sommes dans un processus de transition et la recherche et l'innovation, comme tout le monde l'a dit, sont importantes (…) L'Europe actuelle subventionne la surproduction et il faut réorienter ses aides''. Si Stéphane Le Foll du PS et représentant de François Hollande est pessimiste sur le budget de la PAC en cette période de crise risquant ''de remettre en cause les politiques agricoles'', il est toutefois pour un développement de l'exploitation agricole "collective" via des groupements économiques et écologiques et notamment une réorientation de la fiscalité agricole. ''L'enjeu dans les 20 ans qui viennent est d'assurer la diversité agricole européenne'', selon lui.
Il s'agit "d'un premier pas" des candidats, estime le président de la Fnab mais ''nous n'avons pas toutes les solutions''. Dominique Marion donne rendez-vous fin mars 2012 pour faire le bilan des propositions des présidentiables interrogés avant les élections.