Le ministère de l'Agriculture compte offrir une aide de dix millions d'euros à la filière bio actuellement en crise. Un plan de soutien qui n'est pas à la hauteur de l'urgence pour les professionnels.
Dix millions d'euros : c'est le montant de l'aide que le ministère de l'Agriculture a consenti à octroyer aux agriculteurs biologiques, ce mercredi 1er mars. Cette enveloppe, dont les modalités de déploiement et de répartition seront précisées « dans les semaines qui viennent », aurait été initialement chuchotée par la Première ministre, Élisabeth Borne, à l'occasion d'une réunion du Conseil de l'agriculture française (CAF) lors du Salon de l'agriculture à Paris. Si Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture, affirme que le Gouvernement se donne ainsi « les moyens de son ambition », tous les professionnels de l'agriculture biologique fustigent l'insuffisance de cette « mesurette ».
Une insuffisance manifeste
Cette aide d'urgence n'est pas suffisante pour empêcher les exploitants bios qui souhaitent revenir en arrière
D'après les chiffres compilés en juin 2022 par l'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique (Agence Bio), la
vente des produits d'origine biologique a chuté en moyenne de 4 % en un an en 2021 – une première en huit ans. D'autant qu'avec seulement 6 % de produits bios retrouvés en moyenne dans la restauration collective, sur l'objectif fixé à 20 % en 2022 par la loi Egalim, l'intégration du bio dans l'alimentation par les collectivités peine sérieusement. Selon la Fédération des organisations économiques 100 % bio (Forébio), le manque à gagner nécessiterait un soutien d'au moins 150 millions d'euros pour les seules
filières fruits et légumes, porcs et lait. L'association La Maison de la bio, dont Forébio fait notamment partie, chiffrait l'aide nécessaire à 300 millions. La Confédération paysanne, quant à elle, réclamait un soutien d'urgence d'environ 15 000 euros par exploitation, soit un peu moins de 900 millions partagés entre les quelque 60 000 exploitations bios de France métropolitaine. Quel que soit le chiffre retenu, le décalage avec le plan de soutien proposé par le Gouvernement est manifeste.
« À titre de comparaison, en 2022, la filière porcine (conventionnelle) a reçu 258 millions d'euros d'aides pour dix fois moins d'exploitations », s'insurgent les organisations.
Un écart grandissant entre consommation et production
Pourquoi ce désamour du bio ?
D'après les résultats du vingtième baromètre annuel de l'Agence Bio mené sur un échantillon de 4 000 consommateurs fin 2022, cette déprise s'explique par une réduction de la consommation alimentaire au sens large en réaction à la hausse des prix. Les amateurs réguliers du bio (60 % des Français en 2022 contre 76 % en 2021) s'en désintéressent, notamment du fait d'une abondance confuse de labels, pour privilégier une provenance locale, pas toujours biologique mais moins chère. « Si nous voulons réussir à promouvoir de la transition alimentaire comme il se doit, il nous faut davantage de soutien », souligne Laure Verdeau, directrice de l'Agence Bio, qui cherche pérenniser la campagne « #BioRéflexe » lancée l'an dernier.
Et le président de l'Agence Bio et producteur laitier d'Ille-et-Vilaine, Loïc Guines, de partager ce constat à l'occasion du grand rassemblement annuel de la profession à la porte de Versailles :
« Cette aide d'urgence n'est pas suffisante pour empêcher les exploitants bios qui souhaitent aujourd'hui revenir en arrière. Les pouvoirs publics devraient pouvoir trouver plusieurs centaines de millions d'euros ! » Selon lui, les conséquences couplées de l'inflation, de la crise énergétique et d'une confusion grandissante (de la part des producteurs comme des consommateurs) sur la multitude de dispositifs et labels creusent un écart dangereux entre, d'un côté, des consommateurs s'éloignant de l'agriculture biologique et, de l'autre, un plus grand nombre de
producteurs bios qui craignent de ne plus rentabiliser leur exploitation. Si le nombre annuel de conversions à l'agriculture biologique a
« progressé de 8 % dernièrement » (avec déjà 12 à 14 % d'exploitations agricoles bios en France), le taux de retours en arrière (ou « déconversions ») a également augmenté de 6 %, selon l'Agence Bio.
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