La coexistence des cultures génétiquement modifiées avec l'agriculture bio fait partie "des questions vitales pour les futures réflexions concernant l'avenir de l'agriculture biologique", estime la Commission européenne dans un rapport sur l'application du règlement relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques.
Ce rapport répond à une préconisation du Conseil qui estimait, lors de la préparation de ce règlement, qu'un certain nombre de questions, notamment celle des OGM, devraient être réexaminées à la lumière de l'expérience acquise lors de l'application du texte, entré en vigueur le 1er janvier 2009.
Pour établir ce premier bilan, la Commission a interrogé les Etats membres et d'autres parties prenantes. Si elle estime qu'il est trop tôt pour avancer des propositions de modification du règlement, la Commission souhaite ouvrir le débat et invite le Parlement et le Conseil à plancher sur le sujet.
Ne pas abaisser le seuil de contamination OGM
Les aliments pour animaux sont considérés comme particulièrement à risque sur la question de la contamination et quelques cas de très faible présence d'OGM autorisés ont été signalés dans du soja et du maïs, à un taux inférieur à 0,1 %, note la Commission.
Faute de réglementation spécifique, c'est le seuil de 0,9 % de présence fortuite ou techniquement inévitable d'OGM ou de produits obtenus à partir d'OGM qui s'applique aux produits utilisés dans la bio. Bien que quelques Etats membres aient opté pour un seuil de 0,1 à 0,3 % maximum de présence d'OGM et que certaines certifications privées se basent sur des seuils inférieurs à 0,9 %, "il est à noter qu'une majorité des acteurs interrogés sont favorables au maintien du seuil de 0,9 % pour la présence fortuite d'OGM dans les produits biologiques, souligne la Commission. L'introduction d'un seuil spécifique augmenterait à la fois la complexité des procédures et les coûts devant être supportés par les producteurs et les consommateurs".
Des outils de gestion des risques à l'étude
Quant aux conditions de coexistence, "le règlement précise que les règles générales en matière de présence inévitable d'OGM s'appliquent. Il introduit par ailleurs, dans son article 9, paragraphe 3, des dispositions spécifiques relatives à l'obligation pour l'opérateur biologique d'éviter la présence d'OGM dans les produits biologiques et à sa responsabilité en la matière". La Commission a d'ailleurs publié en juillet 2010 des principes directeurs pour éviter les contaminations.
"Les opérateurs déploient des efforts considérables et prennent des initiatives communes pour empêcher la présence fortuite d'OGM dans les produits biologiques. Ils supportent également le coût de ces actions de prévention", note la Commission, ajoutant : "Dans certains États membres, des outils spécifiques d'analyse et de gestion des risques ont été mis au point, qui offrent une approche systématique en vue de décider de visites de contrôle ou de prélèvements d'échantillons supplémentaires. La Commission suivra le développement de ces outils et proposera, le cas échéant, leur application à l'échelle de l'UE".
La Commission admet aussi que dans certains cas, la coexistence est difficile et c'est pourquoi elle a présenté, en juillet 2010, une proposition de règlement afin de permettre aux Etats membres de restreindre ou d'interdire la culture d'OGM sur leur territoire pour des raisons autres que celles fondées sur une évaluation scientifique des risques pour la santé et l'environnement. Mais cette proposition n'a toujours pas abouti, les Etats membres ne parvenant pas à un consensus sur le sujet. Le texte devrait être remis sur la table lors du prochain Conseil environnement le 11 juin prochain.
Face à l'indécision, la jurisprudence tranche
En attendant, deux décisions de la Cour européenne de justice (CJUE), datant de septembre 2011, ont donné lieu à une interprétation du règlement sur la coexistence.
La première, jugeant illégale la clause de sauvegarde française sur le MON810, précisait toutefois que des mesures équivalentes pouvaient être adoptées en vertu de l'article 34 du règlement concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés. Cela est possible lorsqu'est établie, "outre l'urgence, l'existence d'une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l'environnement". Mais la CJUE soulignait aussi que seul cet article s'appliquait aux produits existants déjà autorisés.
La seconde décision indiquait de son côté que la commercialisation d'un miel contaminé par du pollen issu d'OGM devait être soumise à autorisation. "La Commission, conjointement avec les États membres, est en train d'évaluer ce jugement et ses incidences, notamment en matière de coexistence". Cette réflexion aboutira-t-elle à une révision des règles de coexistence ?