Prévue par le Grenelle de l'environnement, la démarche de certification environnementale des exploitations agricoles est opérationnelle depuis peu. Si le concept de départ avait séduit de nombreuses parties prenantes, aujourd'hui, le système tel qu'il a été établi soulève de nombreuses questions. La Confédération paysanne demande même un moratoire sur cette démarche afin de remettre à plat le dispositif. L'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) pour sa part "ne fait pas la promotion d'un dispositif qui comporte encore des zones d'ombres".
Une démarche peu incitatrice
Dès la mise en place du dispositif, les associations de l'environnement, à l'instar de France nature environnement (FNE), regrettaient que la démarche de certification environnementale repose sur le volontariat et ne fasse l'objet d'aucune incitation financière. Celles-ci prévoyaient déjà un faible engouement des agriculteurs, qui semble se confirmer aujourd'hui. Seules trois exploitations auraient pour l'heure été certifiées de niveau 3, le niveau le plus haut permettant de communiquer sur le produit via la mention ''exploitation à haute valeur environnementale''. Le fait que, depuis peu, d'autres démarches (Agriculture raisonnée, Plante bleue, Criterres, Area, Terra vitis Rhône-Méditerranée…) soient reconnues comme équivalentes et accèdent directement au niveau 2 de la certification devrait amplifier le mouvement, qui reste et devrait cependant rester très limité.
"Aujourd'hui, les conditions ne sont pas réunies pour engager massivement les agriculteurs dans la démarche. Or, celle-ci n'a de sens que si elle emporte le plus grand nombre. Mais aujourd'hui, quel est l'intérêt de la certification environnementale pour les exploitants ? Faire reconnaître leurs pratiques environnementales, les engager dans une démarche de progrès. Mais il faut que cela leur apporte une valeur ajoutée. Actuellement, en dehors d'un retour d'image, il n'y aucun levier économique ou fiscal les incitant à s'inscrire dans cette démarche", note Julien Aubrat, de l'APCA.
D'ailleurs aujourd'hui, ce n'est pas un hasard si ce sont surtout les viticulteurs qui s'intéressent à la certification environnementale (deux des trois exploitations certifiées HVE) : "Les viticulteurs peuvent valoriser leurs actions auprès des consommateurs. Ce qui n'est pas le cas en grande culture, polyculture ou filières longues", explique Julien Aubrat. En effet, seuls les produits agricoles et les denrées alimentaires non transformes ainsi que celles qui comportent au moins 95 % de leurs ingrédients d'origine agricole issus d'exploitations certifiées peuvent utiliser la mention HVE dans la dénomination de vente des produits ou dans le champ visuel de leur dénomination de vente. Dans les autres cas, cette mention ne peut apparaître que dans la liste des ingrédients et est donc bien moins visible.
La valorisation par le marché au cœur du débat
Autre piste : les paiements pour services environnementaux (PSE). Ceux-ci sont déjà utilisés par les agences de l'eau dans les zones de protection des captages et autour de la source de Vittel. La politique agricole commune (PAC) pourrait permettre de récompenser ces services environnementaux, mais aujourd'hui les critères pour bénéficier des paiements indirects ne sont pas assez stricts, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Ils pourraient pourtant être conditionnés à la pratique de l'agriculture biologique, la certification HVE…, comme le proposait le ministère de l'Ecologie en 2010.
Pourtant, pour Julien Aubrat, en ces temps de restriction des budgets publics, seule une valorisation économique de la HVE peut entrainer une massification de la certification. Les subventions ? Il les juge inefficaces. Les paiements verts de la PAC ? Ils ne devraient constituer qu'un levier limité.
Selon lui, la Haute valeur environnementale devrait pouvoir ouvrir des marchés, créer une différenciation avec les produits importés, à l'image du référentiel international GlobalGap qui est désormais une condition sine qua non pour pénétrer les circuits de distribution. "Si l'Etat ne fait rien, on va devoir s'en remettre au marché. Mais cela sera long : il a fallu des années pour que le Label rouge ou la certification bio soient reconnus et valorisés, déplore Julien Aubrat. Il faut réfléchir à la manière d'inciter tous les opérateurs de la chaîne alimentaire à jouer le jeu pour valoriser des produits certes un peu plus chers, mais meilleurs pour l'environnement. Il faudrait susciter un intérêt dans les filières aval (restauration collective, industrie de transformation, distribution…)".
Mais pour la Confédération paysanne, ce risque de récupération de la démarche et de la certification par l'aval pourrait déposséder les agriculteurs et représenter "un risque de concurrence déloyale vis-à-vis des véritables certifications, telles que le Label rouge, l'agriculture biologique ou encore l'AOC. Si cette certification doit se poursuivre telle quelle, il n'y a pas de justification à ce que le marché la rémunère".