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Agrocarburants : la Cour des comptes appelle à modifier la politique d'aide

L'atteinte de l'objectif de 10% d'énergie renouvelable dans les transports implique un changement de la politique de soutien aux agrocarburants, a estimé dans son rapport public annuel 2016 la Cour des comptes.

Energie  |    |  D. Laperche

"Les objectifs et les instruments de la politique de soutien aux biocarburants ont été initialement définis dans un environnement qui a profondément évolué, souligne la Cour des Comptes dans son rapport public annuel (1) publié mercredi 10 février. Le recours aux biocarburants, toujours nécessaire pour atteindre 10% d'énergie renouvelable dans le secteur des transports, suppose d'adapter les objectifs et les outils de cette politique". Car selon cette juridiction financière, les véhicules fonctionnant à l'électricité renouvelable ne pourront pas contribuer de façon significative à l'atteinte de cet objectif fixé par le paquet climat-énergie de l'Union européenne d'ici 2020.

Selon la Cour, le plafonnement d'incorporation de 7% (PCI) imposé à la première génération de biocarburants a rendu encore plus difficile le respect de l'engagement européen. "La différence entre cet objectif de 10% et le nouveau plafond de 7% ne peut être satisfaite ni par une production de biocarburants issus de matières premières alimentaires, ni par de l'éthanol ou des esters issus de déchets ou de résidus", constate la Cour.

Les biocarburants de deuxième génération, qui utilisent notamment les déchets issus de la forêt, sont en effet encore en phase de développement, tandis que la troisième génération, produite à partir de micro-algues, reste au stade de la recherche en laboratoire.

La production de biocarburants

Au plan mondial, la production de biocarburants s'élève de 68 à 70 Mtep en 2015, soit l'équivalent de six jours de production de pétrole, selon la Cour des comptes. La production française en 2014 a été de 0,98 Mt de bioéthanol et 1,85 Mt de biodiesel. "Elle stagne depuis cinq ans et mobilise un peu moins de 6% de la surface agricole utile en incluant les coproduits, notamment des aliments pour animaux, dont la production atteint 2,25 Mt environ", constate la Cour. A l'inverse de la production mondiale, en France la consommation totale de biocarburants se répartit à 80 % en faveur du biodiesel contre 20% pour l'éthanol.
"En France, les professionnels des biocarburants estiment qu'il est, néanmoins, important de définir au niveau communautaire un objectif de part d'énergie renouvelable dans les transports identique à celui inscrit dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, c'est-à-dire 15% à l'horizon 2030, et d'assurer une continuité claire entre les soutiens à la première et deuxième génération de biocarburants", note la Cour.

Un coût supporté par les consommateurs

En 2010, la Cour des comptes avait déjà tiré la sonnette d'alarme, estimant que la pertinence de politiques de soutien aux agrocarburants n'était pas totalement avérée et avait coûté 3,59 Mds € aux automobilistes et aux contribuables.

Dans son nouveau rapport, la Cour des comptes chiffre le surcoût pour les consommateurs, en moyenne sur les dix dernières années, à environ 2,6 centimes d'euros par litre d'essence et à 1,5 centime d'euros par litre de gazole à la pompe. En regard, le coût net pour l'Etat (2) de l'aide fiscale aux biocarburants n'a pas dépassé 0,5 Md€ en cumul sur ces dix années.

Concernant l'atteinte des taux d'incorporation, si l'objectif de 7,7% défini à partir de 2014 pour le biodiesel a été atteint, en revanche, ce n'est toujours pas le cas pour le bioéthanol (6,11% en 2014 contre un objectif de 7%), selon la Cour.

La crise limite également l'essor du marché des biocarburants. "Il reste dominé à plus de 80% par le diesel, l'essence n'ayant qu'une part résiduelle et décroissante depuis 10 ans, précise la Cour. Il est probable qu'un certain rééquilibrage intervienne entre les deux filières, ainsi qu'en témoigne la remontée des ventes de voitures neuves à essence, mais ce phénomène sera lent et n'aura que peu d'incidence à moyen terme sur le marché des carburants dans leur ensemble".

Concernant le bioéthanol, l'augmentation du taux d'incorporation se heurte notamment aux modifications nécessaires du circuit de distribution des carburants ainsi que du moteur. Le distribution du carburant E85 a ainsi été pénalisé par le malus environnemental affecté aux véhicules à carburant modulable (VCM).

Le biodiesel doit faire face à un nouveau concurrent : l'huile végétale hydrogénée (HVO). Elle a fait son entrée sur le marché en 2011-2012, avec la montée en puissance des importations d'huile de palme en provenance des pays tropicaux. "Elle a introduit un déséquilibre nouveau et important dans la filière biodiesel, dans la mesure où cette matière première est, la plus grande partie de l'année, nettement moins coûteuse que l'huile de colza, développe la Cour. Le biocarburant qui en est issu est totalement assimilable au gazole et incorporable sans limite, contrairement aux esters de matière grasse".

Adapter les outils

Pour la Cour, la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) a vocation à devenir l'outil majeur de la politique en faveur des agrocarburants de première génération. Elle souligne toutefois que le maintien d'un niveau de taxe élevé, notamment pour la filière éthanol, risque de créer une forme permanente de taxation. "La baisse du prix du brut peut être l'occasion d'une réflexion sur le niveau pertinent de la TGAP pour l'éthanol : actuellement, la pénalité variant, suivant le cours du pétrole, de 0,45 à 0,65 € par litre manquant d'éthanol, propose la Cour. Une réduction de cette fourchette par rapport au niveau actuel préviendrait ce risque tout en conservant le caractère incitatif de la TGAP".

La Cour recommande également d'achever de soumettre à la TGAP les incorporations de biodiesel dans le gazole non routier (GNR). "Cette règle permet à un distributeur qui commercialise 10% de son gazole en GNR d'alléger artificiellement d'environ 0,7% sa contrainte d'incorporation de biodiesel", précise-t-elle.

Pour valoriser certains déchets, tels que les graisses animales issues de l'équarrissage ou bien les huiles alimentaires usagées provenant des établissements de restauration rapide, ces derniers ont bénéficié à partir de 2010 d'un coup de pouce pour leur mélange, après traitement, aux carburants fossiles : 1% d'huile provenant de ces produits compte pour 2% dans le taux d'incorporation. "Prise sans étude d'impact préalable ni définition précise des huiles usagées, cette décision a fortement déstabilisé la filière biodiesel au moment précis où la concurrence des produits importés se faisait le plus sentir et donnait lieu à des fraudes massives", regrette la Cour des comptes. De la même manière, une règle similaire a été introduite pour la filière éthanol pour les marcs de raisin et lies de vin.

La Cour préconise de réserver cet avantage uniquement aux biocarburants de nouvelle génération considérant qu'ils ont "un impact significatif et prouvé sur les émissions de CO2". Enfin, elle encourage l'harmonisation du régime de déductibilité de la TVA pour les parcs de véhicules professionnels diesel et essence (à recettes constantes pour l'Etat). "En élargissant le marché du SP95-E10, cette mesure permettrait à la filière éthanol de se rapprocher de l'objectif de 7% d'incorporation en PCI", explique la Cour des comptes.

1. Consulter la partie concernant les biocarburants du rapport annuel 2016 de la Cour des comptes
https://www.ccomptes.fr/Accueil/Publications/Publications/Rapport-public-annuel-2016
2. L'exonération partielle de TICPE sur les biocarburants étant supprimée à compter de 2016, la seule surconsommation de gazole rapportera annuellement 120 M€ à l'Etat. En revanche, la loi de finances rectificative du 29 décembre 2015 a réduit de 2 centimes d'euros la TICPE pour le SP95-E10. Cette mesure fait disparaitre la recette supplémentaire pour l'Etat correspondant à la surconsommation de ce carburant.

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