Jean-Louis Bal, directeur des énergies renouvelables de l'ADEME, fait le point sur les résultats de ce rapport.
Comparer l'impact environnemental des différentes filières
L'étude de l'ADEME dresse un bilan environnemental ''du champ à la roue'' de toutes les filières d'agrocarburants de première génération utilisées en France. Elle permet de comparer l'impact des filières bioéthanol (betterave, maïs, blé, canne à sucre), des filières biodiesel (colza, tournesol, soja, palme, graisses animales, huiles alimentaires usagées) et des huiles végétales pures à cinq niveaux : émissions de gaz à effet de serre, consommation d'énergie non renouvelable, oxydation photochimique, toxicité humaine et eutrophisation.
''La première conclusion que l'on peut tirer de cette étude est qu'en dehors des changements d'affectation des sols, les biocarburants utilisés en France représentent un intérêt en terme de consommation d'énergie et d'émissions de gaz à effet de serre à des degrés divers. Les esters d'huiles végétales et l'éthanol affichent de bons résultats. Pour l'éthanol sous forme d'ETBE (ndlr : mélangé avec une base pétrolière), le résultat est plus mitigé…'', note Jean-Louis Bal.
L'ETBE est pourtant l'agrocarburant le plus utilisé en France actuellement, mélangé à l'essence SP 95 et SP 98 à hauteur de 15 %. Son développement réside dans le fait qu'il ne nécessite pas d'adaptation du véhicule.
''Les résultats de l'étude nous poussent à accorder une préférence à l'éthanol par incorporation directe.'' Aujourd'hui, cet agrocarburant, très répandu au Brésil et qui nécessite une adaptation spécifique des véhicules, est très peu utilisé en France, même si l'E85 a été introduit sur le marché en 2006.
Changements d'affectation des sols directs et indirects
''Le changement d'affectation des sols peut avoir un effet très négatif sur les émissions de gaz à effet de serre''. Pourtant, l'étude a pris le parti de ne traiter ce point qu'en annexe, d'où les vives critiques des associations environnementales. L'une des grandes problématiques liées aux agrocarburants repose en effet sur la mise en concurrence des différents usages des sols.
''Pour les biocarburants produits à partir de filières françaises ou européennes, il n'y a pas de changement d'affectation des sols direct contrairement aux filières des pays en développement (Brésil, Indonésie…). Nous devons donc accorder une préférence aux biocarburants issus de productions françaises ou européennes. Les changements d'affectation des sols indirects sont en revanche extrêmement difficiles à évaluer. Par exemple, le développement de biocarburant à base d'huile de colza peut entraîner des changements positifs et négatifs. L'huile alimentaire de colza peut être remplacée par l'huile de palme, les effets seront alors négatifs. En revanche, la valorisation des coproduits pour l'alimentation animale peut éviter l'importation de tourteaux de soja, les effets sont alors positifs…''.
Le directeur des ENR de l'ADEME est catégorique : ''si nous ne voulons pas de changements d'affectation des sols indirects de grande ampleur, nous devons maintenir les niveaux actuels de production, ne pas chercher à atteindre 10 % des consommations avec les premières générations.''
Reconsidérer le rôle des agrocarburants
Pour Jean-Louis Bal, la question est beaucoup plus large que ça : ''faire des biocarburants, c'est bien, mais ça ne dispense pas d'autres efforts dans les transports pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les biocarburants ne constitueraient que 4 % des réductions possibles d'émissions…''.