Les pratiques actuelles de l'agriculture se sont-elles à ce point éloignées de la nature ? Peut-être, à en croire le Commissariat général au développement durable qui se penche dans une étude sur l'opportunité de pratiquer le biomimétisme dans l'agriculture, autrement dit s'inspirer de la nature dans l'agriculture. Oui, à regarder de plus prêt certaines pratiques culturales, comme l'aéroponie, où les racines de la plante ne sont en contact ni avec le sol, ni avec l'eau mais alimentées grâce à un brouillard nutritif…
A l'opposé de ces approches, certains pratiquent l'agroforesterie, l'agroécologie ou encore la permaculture. Ils partent du principe que la nature, finalement, fait bien les choses et qu'en reproduisant ses systèmes ou en s'en inspirant, il est possible de pratiquer une agriculture durable. Le CGDD s'interroge sur l'applicabilité de ces pratiques à grande échelle et conclut qu'elles ne sont pas utopiques, mais bien opérationnelles. "L'approche écomimétique de l'agriculture ne constitue pas un nouveau « type » d'agriculture mais doit être plutôt perçue comme une boîte à outils mise à disposition des acteurs de la transformation de l'agriculture dans un contexte de développement durable", indique le CGDD qui, dans son étude, essaie d'identifier les principales pratiques.
Le biomimétisme en agriculture
"L'approche écomimétique de l'agriculture repose sur l'idée que la structure et/ou le fonctionnement des écosystèmes naturels peuvent être des modèles à imiter pour concevoir les systèmes agricoles (ou aquacoles). Cette approche part de l'hypothèse qu'il est possible de construire des agro-écosystèmes durables en imitant les communautés naturelles (à la fois végétales, animales, microbiennes…), qui sont durables et adaptées aux contraintes locales", définit en préambule le CGDD.
Les cultures associées (plusieurs espèces ou variétés sur une même parcelle), la rotation des cultures, la polyculture associée à l'élevage, l'agroforesterie (association de cultures et d'arbres), le couvert végétal permanent, le non labours et les zones à haute biodiversité (comme les haies) font partie des pratiques identifiées par le CGDD. "Ces pratiques peuvent être également transposées en aquaculture : association de plusieurs espèces, reconstitution des réseaux trophiques, épuration de l'eau par les algues…".
Mais au-delà de pratiques isolées, il s'agit de réfléchir de manière globale, à l'échelle du système. Tout d'abord, "en appréhendant les systèmes de production comme des écosystèmes fonctionnant en boucle fermée, grâce à des combinaisons d'organismes aux spécialités différentes et à une réflexion sur leur intégration dans l'environnement". Outre la diversification des cultures, cela implique de maintenir un couvert végétal permanent qui va nourrir et protéger la terre et de favoriser le développement des prédateurs naturels des organismes nuisibles. "Dans ces agro-écosystèmes, les intrants et les déchets sont minimisés, et les bénéfices environnementaux peuvent conduire à une augmentation de la quantité et de la qualité des productions, d'où des bénéfices d'ordre économique", analyse le CGDD.
L'écomimétisme pousse également à réfléchir à une échelle plus grande que celle de la parcelle ou de l'exploitation : le territoire. Il s'agit alors de travailler "à l'intégration de différentes productions à l'échelle des territoires, en (re)connectant différentes productions - aujourd'hui indépendantes - entre elles, ce qui induit des bénéfices sociaux grâce à une amélioration de la gouvernance de ces productions". Mais cela implique un profond bouleversement culturel et cultural ! On est bien loin du schéma actuel où les bovins en élevage sont nourris grâce à des protéines végétales produites à l'autre bout de la planète…
Une pratique à généraliser ?
Après avoir interrogé de nombreux acteurs, le CGDD souligne que divers programmes de recherche sont consacrés aujourd'hui à l'agroécologie -et qu'ils pourraient être amplifiés- et que des agriculteurs ou des agroforestiers appliquent déjà ces principes sur leurs exploitations. Selon lui, demain, "l'agriculture durable reposera avant tout sur les innovations expérimentées à grande échelle par les chercheurs et les agriculteurs, grâce aux progrès de la recherche et à la valorisation d'innovations « aujourd'hui éparpillées chez les uns et les autres » et souvent tardivement reconnues".
L'évolution de la réglementation, à la recherche d'une réduction de l'empreinte environnementale de l'agriculture, devrait favoriser le développement de l'agroécologie ou de ses principes.
Mais avant, il faudra "outrepasser le cloisonnement « traditionnel » des professions et le retard des formations professionnelles". En formant, informant, mobilisant des chercheurs aux agriculteurs en passant par les chambres d'agriculture, et en développant de nouvelles voies professionnelles (agroforestiers, ingénieurs conseil spécialisés en agro-écologie, en agroforesterie…).
Mais sans appui de la future politique agricole commune (PAC) et sans rémunération des services écologiques que l'agriculteur rend à la société, la dynamique pourrait être difficile à impulser, estime le CGDD. Il faut donc "faire en sorte que les enjeux de l'agroécologie soient au cœur des futures politiques publiques nationales et européennes en communiquant davantage sur les pratiques agricoles durables et écomimétiques à destination des décideurs français et européens".