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Aires marines protégées : la France, bonne élève

La création des aires marines protégées se heurte à divers obstacles, notamment en haute mer. Des outils de gestion ainsi qu'un renforcement du cadre juridique s'avèrent donc nécessaires.

Biodiversité  |    |  C. Cygler
   
Aires marines protégées : la France, bonne élève
   

Normalement prévu pour 2012, l'objectif de 10 % d'aires marines protégées (AMP) a été repoussé en 2020 lors de la Conférence de Nagoya fin 2010. Actuellement, seulement 1,17 % de la surface globale des océans et des mers ont été classés en AMP. Ce faible pourcentage doit donc inciter les pays à se mobiliser rapidement ainsi qu'à développer des outils d'identification et de gestion de ces aires. Avec la création de l'Agence des aires marines protégées en 2006, structure unique au niveau mondial, la France s'est dotée de moyens pour y parvenir, mais également pour aider les autres pays à bâtir une vraie stratégie nationale.

Les AMP au niveau mondial

En 2011, 5.878 AMP, correspondant à 4,4 millions de km2 ont été comptabilisées. Ces zones de protection de la biodiversité présentent avant tout une grande disparité à la fois géographique, de taille et de répartition. "Le pourcentage de 1,17 % d'AMP ne reflète pas exactement la situation pays par pays. Cette moyenne internationale est surtout due aux nations qui ont déclaré, ces dernières années, de nombreuses et vastes zones à préserver", précise Christophe Lefebvre, Président du Comité français de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et également Conseiller régional de l'UICN pour l'Europe. En effet, à partir de la conférence de Johannesburg en 2002, quelques Etats comme les Etats-Unis, le Canada, l'Australie, le Japon ou l'Equateur ont  mis en place de vraies stratégies nationales pour identifier et créer un nombre important d'AMP. A l'inverse, la très grande majorité des pays n'ont encore rien entrepris, ni défini de réelles politiques de préservation.

Cette situation pourrait retarder une nouvelle fois l'atteinte de l'objectif qui a pourtant été repoussé à 2020. "Malgré la mise en place d'obligation de résultats pour chaque pays à Nagoya, la création d'AMP ne peut se faire qu'à travers une démarche volontaire. Du fait de l'absence d'une organisation mondiale de l'environnement, les Etats sont malheureusement conscients qu'ils ne risquent aucune sanction s'ils ne fournissent pas les efforts nécessaires", s'inquiète Christophe Lefebvre.

Par ailleurs, mal réparties, ces AMP se concentrent quasi-exclusivement dans les eaux sous juridiction nationale, une petite dizaine de zones ayant seulement été créée en haute mer jusqu'à maintenant. Sur les 5.878 AMP, 50 % sont qualifiés de “No Take”, correspondant à des zones où les activités de pêche et d'exploitation des minéraux sont complètement interdites. Mais, cette interdiction ne garantit pas que la protection et la surveillance de ces AMP soient vraiment optimales, voire assurées. D'après les chiffres de l'Agence des AMP, 20 % du total des aires, soit un peu plus de 1.000, serait correctement gérés grâce à des outils efficaces (gardiennage, bateaux de surveillance…). Enfin, 15 % des AMP sont des “Paper cartes", c'est-à-dire des zones définies uniquement sur papier sans qu'aucun suivi ne soit mis en place.

La France sollicitée de toute part

Avec son agence et ces nombreux outils d'identification et de gestion, la stratégie de la France intéresse un grand nombre de pays. En effet, les canadiens ou américains qui utilisaient des outils terrestres (réserves et parcs nationaux) transposés à la mer, ont souhaité modifier leur approche peu adaptée. La révision de leur système a pour but d'obtenir comme en France, une gestion plus flexible, plus adaptée, moins contraignante, moins communicante et surtout faisant appel à la gouvernance ou aux autorités locales. "Pour l'instant, les autres pays cherchent à comprendre comment l'agence travaille. Un accord de coopération avec la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) a même été signé à Hawaï pour collaborer avec eux sur le point technique pendant quatre ans. Cela donne une idée de l'intérêt qu'il porte à l'agence française", se félicite Christophe Lefebvre.
Le retard de la France rattrapé

Pendant plusieurs années, la France, à la différence des canadiens ou américains, était quasiment inexistante dans la politique de préservations des mers. Mais, avec la création de l'Agence des AMP ainsi que la mise en place d'outils adaptés, l'Hexagone s'est doté de moyens pour rapidement rattraper son retard et même être qualifié de bon élève. La France est ainsi passée de 0,01 % d'AMP en 2002 à 1,8 % en 2011, en prenant en compte également les Dom Tom. Ce pourcentage global assez bas est entièrement dû à l'absence d'AMP dans les territoires d'Outre-mer qui représentent pourtant l'essentiel du domaine marin français. Au niveau du territoire national (métropole et DOM), le pourcentage d'AMP remonte de façon importante, et se situe au-dessus des objectifs de 10 %. Selon Christophe Lefebvre, cette différence s'expliquerait par le fait que cette agence a un réel pouvoir de décision et peut ainsi choisir de façon autonome la création d'AMP, sauf dans les Tom où son rôle est réduit uniquement à un appui technique pour aider à la réalisation de stratégies régionales.

Pour arriver en quelques années à ce niveau, la France a heureusement pu compter sur un panel d'outils très diversifiés permettant d'élaborer une véritable stratégie nationale d'identification et de gestion d'AMP : les outils biotopes, les réserves nationales, les domaines publics marins rattachés au littoral et les sites Natura 2000. La création récente de la notion de parc naturel marin a également aidé la France à augmenter rapidement son taux d'AMP. "A travers l'aspect stratégique, la volonté politique ou dans la disposition d'outils, la France est dans le bon tempo par rapport aux pays. Concernant les parcs naturels marins, il faudra quand même attendre une dizaine d'année pour savoir si cet outil est efficace et adapté à la gestion d'une AMP", tempère Christophe Lefebvre.

Le flou juridique entourant les AMP en haute mer

La problématique des AMP en haute mer est totalement différente de celle des eaux territoriales, en raison du vide juridique ou, à l'inverse, de la trop grande complexité juridique. Selon la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer, l'administration et la gestion du fonds marin qui est considéré comme patrimoine mondial de l'Humanité est sous la responsabilité de l'Autorité mondiale des fonds marins. Par contre, pour la colonne d'eau, rien n'a été précisé. Les organisations régionales de pêche se sont ainsi organisées pour se délivrer des droits de pêche en haute mer. Ces organisations peuvent définir des zones d'interdiction de pêche, appelées fermeture de pêche. L'Organisation mondiale maritime qui fixe les règles sur la circulation des navires peut aussi reconnaître des zones particulièrement sensibles et interdire certains passages pour des raisons écologiques. Ce flou juridique qui empêche de définir une seule autorité compétente, freine considérablement le développement des AMP en haute mer.

Pour débloquer la situation, la Convention sur la diversité biologique a proposé d'établir l'inventaire des zones d'importance écologique et biologique. A partir de ces zones, certaines organisations régionales pourraient être intéressées de créer des AMP. En 2010, les 15 pays européens membres de la convention Ospar pour la protection de l'Atlantique Nord-Est ont ainsi désigné six aires marines protégées en haute mer. Mais, la création ne repose sur aucune base juridique, ce qui peut aboutir à des incompréhensions de la part des navigants ou pêcheurs.

"Il faut absolument construire le droit de l'environnement marin de la haute mer. Pour l'instant, la CBD met sur la pression sur la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer pour qu'il s'empare de cette question afin de définir le droit de conservation sur la colonne d'eau", espère Christophe Lefebvre. A Rio +20, ces questions de gouvernance seront abordées. Plusieurs pistes sont avancées comme l'extension de la compétence de l'autorité des fonds marins à la colonne d'eau ou la création d'une nouvelle autorité. Cette dernière pourrait avoir une approche intersectorielle en réunissant un grand nombre d'acteurs des mondes de la pêche et de la conservation afin de donner un sens aux AMP en haute mer.

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