L'exploitation du gaz de schiste aux Etats-Unis impacte négativement l'industrie chimique européenne, estime Alcimed. "Si les énergéticiens européens se retrouvent en première ligne, ils ne sont pas les seuls acteurs impactés", avance le cabinet de conseil, lundi 23 juin, précisant que "des industriels européens pâtissent aussi de la nouvelle donne concurrentielle, à l'instar du secteur de la chimie". Pour contrer ce problème, il recommande aux chimistes de réduire drastiquement leurs coûts, et tout particulièrement ceux liés à l'approvisionnement en énergie et matière première.
La compétitivité de l'industrie chimique est sur le devant de la scène actuellement. En effet, cette étude intervient alors que Fréderic Barbier, député PS du Doubs, a publié fin avril un rapport d'information plaidant en faveur des entreprises énergo-intensives européennes, afin qu'elles accèdent à une énergie à bas coût. Au cœur de la démonstration se trouvait l'argument central repris aujourd'hui par Alcimed : les industriels européens, et en particulier ceux du secteur chimique, sont menacés par leurs concurrents nord-américains qui bénéficient de l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels. Un argument que devrait reprendre prochainement l'Union des industries chimiques (UIC) qui présentera le 10 juillet un rapport "stratégie gaz" commandé au cabinet Carbone 4.
Actuellement, les industriels français militent, entre autres, pour obtenir un accès à l'énergie à bas coût, à l'image de l'exonération partielle du tarif d'acheminement de l'électricité, le Turpe, obtenue par les électro-intensifs et en passe d'être pérennisée dans la loi de transition énergétique.
Le triple avantage des industriels américains
Selon Alcimed, la situation actuelle impliquerait un triple avantage compétitif pour l'industrie chimique nord américaine.
Le premier, souvent mis en avant, est lié à la baisse du prix du gaz aux Etats-Unis. "L'accroissement rapide et constant de l'offre de gaz a entraîné une forte baisse de son prix, renforcée par la crise économique de 2009", rappelle Alcimed, précisant qu'"établi en moyenne à 9 dollars par million de British thermal unit ($/MBtu) en 2008, le cours du gaz naturelatteignait moins de 3 $/MBtu en 2012 sur le marché américain". En Europe, le prix du gaz en 2012 était de l'ordre de 11,5 $/MBtu. Alcimed juge que l'écart de prix est "sans doute durable".
Le deuxième avantage est lié au prix de l'électricité qui a bénéficié de la chute des cours du gaz. En effet, de nombreux électriciens ont substitué le gaz au charbon, dont les cours étaient haussiers, "permettant aux industries électro-intensives de profiter indirectement de la baisse des coûts du gaz". Pire, selon Alcimed, la situation européenne est aggravée par une hausse des prix de l'électricité "en raison des politiques environnementales sur l'intégration des énergies renouvelables et les quotas CO2".
Enfin, Alcimed rappelle que la production de liquides de gaz naturel, c'est-à-dire la production d'éthane, propane ou encore de butane, associée à la production de gaz a elle aussi progressé. "La valorisation des gisements riches en liquides est, en effet, plus intéressante que celle du méthane, ceux-ci étant des matières premières pour l'industrie chimique", explique le cabinet de conseil. En conséquence, le prix de l'éthane a chuté de 55% entre 2008 et 2012. Or, "l'industrie pétrochimique américaine est principalement consommatrice d'éthane comme matière première", alors que "l'industrie pétrochimique européenne a construit son modèle autour de l'utilisation du naphta, dont le prix a augmenté de 19% sur la période 2008-2012". Equivalents en 2005, les coûts de production de l'industrie chimique européenne sont aujourd'hui trois fois plus élevés que ceux de son homologue outre-Atlantique.
"Par conséquent, la relocalisation d'activités chimiques sur le sol américain est observée, stimulée par de faibles coûts de production", conclut Alcimed. Avec des investissements de l'ordre de 72 milliards de dollars entre 2012 et 2020, "un nouveau choc de compétitivité [est annoncé] lorsque ces unités de production seront mises en route"… Elles devraient l'être progressivement à partir de 2016 et 2017.
Réduire la facture énergétique
Malgré tout, des "marges de manœuvre étroites" existent, selon Alcimed qui cite trois pistes "en alternative à l'utilisation des gaz de schiste". "Une réduction drastique des coûts doit être engagée", plaide Alcimed.
Le premier point avancé est la diversification des matières premières. Cela "permet de diminuer la dépendance liées à l'indexation des prix sur le cours du pétrole", avance le cabinet de conseil qui suggère que "les gouvernements peuvent jouer un rôle dans la négociation de contrat fournisseur pluri-partenaire et la mise en place de statuts préservant la compétitivité économique des acteurs fortement impactés".
Autre moyen pour réduire la facture énergétique : la mutualisation des flux d'énergie et de matières premières. "La création de plateformes chimiques intégrant plusieurs entreprises [donne] lieu à des économies d'échelle", indique Alcimed qui plaide en faveur de sites multi-flux regroupant plusieurs partenaires.
Enfin, l'industrie chimique doit opérer un glissement vers des produits à plus forte valeur ajoutée, et à une plus grande proximité avec les clients finaux pour mieux répondre à leurs attentes.