Les Länder de Hambourg et du Schleswig-Holstein jouent un rôle crucial dans la transition énergétique. Avec une importante production éolienne et une situation géographique stratégique entre les centres de consommation situés plus au sud et les capacités de stockage scandinaves, la région entend prendre toute sa place dans le hub énergétique du nord de l'Europe.
Pour cela, elle souhaite relever le challenge du déséquilibre offre/demande et servir d'exemple pour d'autres régions allemandes ou européennes. A travers le projet New 4.0 (Norddeutsche Energie-Wende), elle veut démontrer comment, avec ses 4,5 millions d'habitants, elle peut prétendre à un approvisionnement stable 100% renouvelable à horizon 2035. Le montant des investissements sur ce projet, qui bénéficie d'un financement du ministère fédéral des Affaires économiques, s'élève à 130 millions d'euros.
Le Schleswig-Holstein exportateur d'énergie éolienne
Une soixantaine d'acteurs participant à la chaîne de valeur du secteur de l'énergie se sont réunis dans le projet New 4.0 : entreprises technologiques (Siemens, HanseWerk Natur, etc.), SSII (CBB Software Gmbh), constructeurs d'éoliennes (Nordex, etc.), fournisseurs d'énergie (Vattenfall, Hamburg Energie), opérateurs de réseaux (TenneT, HanseWerk, etc.), industriels, services publics, universités, instituts de recherche, etc. D'une durée de quatre ans, le projet, mené en étroite coopération avec le Danemark voisin, vise notamment à exploiter le processus de numérisation en cours dans l'industrie en reliant les réseaux intelligents en vue de faciliter la transition énergétique.
La métropole de Hambourg est en effet un important centre industriel présentant de grandes disparités en terme énergétique. Trois sociétés (With Trimet, Aurubis et ArcelorMittal) consomment à elles seules 25% de la demande d'électricité de la métropole. "Ces sociétés joueront un rôle important dans le projet en tant que partenaires en charge de la gestion de la flexibilité", souligne M. Beba. En analysant leur process de production, il sera en effet possible d'utiliser l'électricité excédentaire accumulée dans le réseau.
Déjà 40% d'EnR dans le mix énergétique
"En termes purement arithmétiques, 40% de la demande d'électricité de la région provient de sources renouvelables, ce qui signifie que nous avons déjà atteint les objectifs fixés pour l'Allemagne pour 2025", indique le Professeur Beba. "Fondamentalement, cela signifie que la région a environ dix ans d'avance dans le processus de transition. C'est donc un prototype idéal pour démontrer la façon de maîtriser la transition énergétique dans les années à venir".
Le principal challenge du nouveau système énergétique consiste à coordonner la production et l'approvisionnement en électricité afin de s'assurer que les installations de production d'EnR sont utilisées au mieux de leurs capacités. Au cours de la première phase du projet, les deux Länder prévoient de montrer d'ici 2025 comment la région peut être approvisionnée avec 70% d'EnR de manière sûre et efficace. Ce qui devrait occasionner une baisse de 30 à 50% des émissions de CO2. A partir de 2035, la région passera à un scénario 100% EnR, avec un objectif de 70 à 80% de baisse des émissions de CO2. "Pour y parvenir, nous avons besoin d'un système énergétique flexible et intelligent, très innovant", indique Werner Beba.
Pour cela, le projet New 4.0 prévoit une stratégie duale : augmenter les exportations d'électricité vers le réseau européen, d'un côté, augmenter la proportion d'énergie renouvelable consommée par les acteurs régionaux, de l'autre. "Les process industriels utilisent souvent le gaz, explique Werner Beba. Dans la mesure du possible, nous voulons le remplacer par de l'énergie renouvelable".
La pleine intégration des énergies renouvelables passe par une meilleure coordination de la production, de la distribution et de la consommation, mais aussi du stockage grâce à une gestion intelligente et globale, expliquent les promoteurs du projet. De nouvelles solutions techniques seront testées à cet effet : l'Alliance pour l'innovation ainsi constituée ne coordonne pas moins de 100 projets et 30 démonstrateurs. L'initiative vise par ailleurs à préparer l'acceptation sociale de la transition énergétique, ce qui passe par la présentation des projets aux habitants de la région.
Le développement de l'éolien terrestre limité par la loi EEG
Les solutions pertinentes pour résoudre le déséquilibre production/approvisionnement pourront ensuite être adoptées par d'autres régions allemandes ou du reste de l'Europe, projettent les managers du projet. "On surveillera en permanence quelles technologies ont fait leurs preuves", explique Werner Beba. Les entreprises partenaires devraient ensuite lancer leurs produits et services ainsi testés sur le marché.
L'initiative New 4.0 pourrait toutefois être bousculée par les évolutions de la législation allemande. Le projet de loi de réforme des énergies renouvelables, dite "loi EEG" (Erneuerbare-Energien-Gesetz), adopté en conseil des ministres le 8 juin et qui doit maintenant être examiné par le Parlement, vise une meilleure intégration des énergies renouvelables au marché. Pour cela, il prévoit de passer "d'un système où le montant du soutien (…) est prédéfini par la loi à un système concurrentiel où la rémunération accordée sera définie à l'issue d'appels d'offres", explique Sarah Florence Gaebler de l'Office franco-allemand pour la transition énergétique.
Concernant l'éolien en mer, le projet de loi prévoit le passage à un modèle "danois", explique cette dernière. C'est-à-dire un système où les pré-études sur les sites pressentis seront réalisées par l'Etat. Quant à l'éolien terrestre, le texte prévoit la limitation de son développement dans les régions où le réseau électrique est déjà fortement contraint. Dans ces régions, parmi lesquelles figure le Schleswig-Holstein, la puissance installée ne pourra dépasser 58% du volume annuel installé en moyenne sur la période 2013-2015.