Le gouvernement allemand a adopté, lundi 6 juin, lors d'un conseil des ministres extraordinaire, le projet de loi sur la sortie du nucléaire. La fermeture des centrales nucléaires allemandes d'ici 2022 avait déjà fait l'objet d'un accord entre les partis membres de la coalition gouvernementale. Huit des plus anciens réacteurs sur les 17 que compte l'Allemagne sont déjà fermés et le resteront. Ils constituaient 6,8 % de la production électrique allemande. Les autres réacteurs devront être fermés progressivement d'ici 2022. L'Allemagne devra alors se passer des 22 à 23 % d'électricité nucléaire sur lesquels elle comptait jusque-là. A titre de comparaison, les énergies renouvelables représentent pour l'heure 18 % de l'électricité allemande.
Pour compenser, le gouvernement allemand entend miser sur la construction d'éoliennes en mer, de centrales au gaz ou au charbon déjà planifiées et réduire les consommations énergétiques de 10 % à l'horizon 2020, selon un document que s'est procuré Reuters le 30 mai dernier. L'Allemagne devrait en fait accélérer son programme d'efficacité énergétique déjà mis en place dans le secteur du bâtiment, de l'industrie...
Une décision critiquée en France et en Belgique
''L'Allemagne "sort" du nucléaire. Elle a le droit. Elle est souveraine. Mais ça va lui coûter cher. Prix, CO2, indépendance'', réagissait Eric Besson sur Twitter le 30 mai dernier. Celui-ci a depuis changé de ton : ''l'Allemagne est souveraine. Mais les conséquences de sa décision sont européennes. Je demande une concertation à Bruxelles'', a-t-il ''twitté'' le 6 juin. Le ministre de l'Energie a déclaré sur LCI avoir écrit au commissaire européen de l'énergie ''pour lui demander de bien vouloir organiser (...) une réunion de concertation entre les ministres de l'Energie pour essayer d'évoquer les conséquences des décisions nationales que chacun d'entre nous peut être amené à prendre''.
Paul Magnette, ministre belge de l'énergie, regrettait déjà dimanche sur RTBF ''une décision complètement unilatérale, sans aucun débat européen ni information des partenaires''.
Pour de nombreux détracteurs, la décision allemande met en danger les objectifs de réduction de gaz à effet de serre du pays, va augmenter les importations d'électricité allemandes (notamment de France) et le prix de l'électricité.
En 2010, selon le réseau de transport d'électricité RTE, la France a exporté 9,4 térawattheures (TWh) en Allemagne, l'Allemagne a exporté 16,1 TWh vers la France. Même tendance début 2011, sauf en avril où elle s'est inversée : la France a exporté vers l'Allemagne 1.018 GWh et l'Allemagne a exporté vers la France 509 GWh. Météo ou impact de la fermeture de sept réacteurs après Fukushima ?
Greenpeace : une sortie du nucléaire est possible dès 2015
Pour Greenpeace international, qui a défini un scénario de sortie du nucléaire pour l'Allemagne d'ici 2015, le pays dispose d'une surcapacité de production électrique. Les projets de centrales électriques supplémentaires déjà planifiés devraient permettre ''une élimination progressive du nucléaire d'ici à 2015'' sans risque de black-out. L'ONG mise également sur la cogénération (qui devrait être multipliée par 3 par rapport à 2007) et une réduction de 12 % de la consommation énergétique. Certaines centrales au charbon pourraient de ce fait être fermées, ce qui permettrait à l'Allemagne de respecter ses objectifs sur le climat.
''Au cours des cinq prochaines années, quelque 20 nouvelles centrales gaz et 10 fermes éoliennes offshore seront raccordées au réseau. En outre, d'ici 2020, les sources d'énergie renouvelables auront une capacité accrue. Environ 30 GW seront générés par l'énergie solaire et 20 GW par l'énergie éolienne'', estime l'ONG.