La décision ne faisait guère de doute. Par une ordonnance du 21 octobre, le Conseil d'État a suspendu les arrêtés du ministre de la Transition écologique du 4 octobre qui autorisaient la capture de plus de 100 000 alouettes à l'aide de pantes (filets) et de matoles (cages) dans quatre départements du Sud-Ouest, pour la saison 2022-2023.
La suspension de ces textes avait été demandée par l'association One Voice et par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). S'appuyant sur une jurisprudence bien établie, le Conseil d'État relève le doute sérieux sur la conformité de ces autorisations avec la directive Oiseaux. Celle-ci interdit les techniques permettant de capturer massivement des oiseaux, sans distinction d'espèces. Elle prévoit toutefois une dérogation, mais uniquement s'il n'existe pas une technique alternative pour capturer une espèce particulière et si cette technique permet de capturer cette seule espèce exclusivement.
Le juge des référés relève, d'une part, que ces méthodes de chasse traditionnelles ne sont pas les seules permettant la capture des alouettes, dont la consommation peut être obtenue par la chasse au tir ou l'élevage. D'autre part, elles ne peuvent pas être considérées comme sélectives. Enfin, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, l'objectif de conserver une méthode de chasse traditionnelle ne peut être considéré par lui seul comme suffisant pour autoriser de telles chasses.
La LPO rappelle que le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, s'était engagé à attendre une décision au fond du Conseil d'État sur ces chasses avant de signer de nouveaux arrêtés. Ce qu'il n'a pas fait. Par ailleurs, la France est visée par une procédure d'infraction lancée par la Commission européenne sur ce dossier depuis 2019. « Pour tenter de satisfaire les lobbies cynégétiques, Emmanuel Macron impose chaque année la reconduction d'arrêtés déjà jugés illégaux à maintes reprises en sachant pertinemment qu'ils seront suspendus peu après par le Conseil d'État. Ce petit jeu ne trompe même plus les chasseurs. Il est temps que ces récidives consternantes cessent enfin », réagit Allain Bougrain Dubourg, président de la LPO.
De son côté, la Fédération nationale de la chasse (FNC) conteste une décision prise par un juge unique, qui a « balayé les études sérieuses et récentes qui démontrent pourtant la sélectivité de ces chasses et l'absence de toute atteinte à la conservation de l'espèce ». « Le Conseil d'État, une nouvelle fois, répond aux sirènes des anti-chasse sans tenir compte du travail exigeant réalisé par les services du ministère de la Transition écologique avec la FNC et les fédérations des chasseurs concernées », réagit Willy Schraen, président de la FNC. Et d'ajouter : « Ce pilier de l'État de droit est manifestement plus enclin à donner raison à tous ceux qui n'hésitent pas à lui tordre le cou au nom d'une idéologie anti-chasse primaire, qu'à ceux qui travaillent à la modernisation de leurs pratiques. »