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« Si l'on veut concilier densification et biodiversité, les continuités écologiques sont indispensables »

Alors que la Première ministre a annoncé un plan de renaturation des villes, Morgane Flégeau présente les formes urbaines les plus favorables à la biodiversité, et leur articulation avec l'objectif de densification.

Interview  |  Aménagement  |    |  L. Radisson
Actu-Environnement le Mensuel N°427
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°427
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« Si l'on veut concilier densification et biodiversité, les continuités écologiques sont indispensables »
Morgane Flégeau
Maître de conférence en géographie et aménagement - Université de Lorraine – Laboratoire Loterr
   

Actu-Environnement : Vous êtes l'auteur d'un ouvrage sur les formes urbaines et la biodiversité publié en 2021 aux éditions du Puca en collaboration avec la Fondation pour la recherche sur la biodiversité. Quelles sont les formes urbaines qui se révèlent les plus favorables à la biodiversité ?

Morgane Flégeau : Dans cette publication, nous avons mis en avant les résultats d'une revue systématique de la littérature scientifique, réalisée en 2019, qui avait permis de collecter des articles scientifiques en écologie et en biologie de la conservation, d'une part, et en urbanisme, géographie et paysage, de l'autre. Les articles soulignaient l'intérêt des formes péri-urbaines, en périphérie des villes-centres, pour le maintien de la biodiversité. Cela correspond à des formes de faible densité, qui ont un tissu urbain relâché et très hétérogène du point de vue de l'occupation de l'espace, avec de l'agriculture, des parcs de grande superficie et des zones résidentielles avec maisons individuelles et jardins. Au contraire, dans les formes denses, de centre-ville, les espaces végétalisés occupent une place beaucoup plus restreinte. Le plus important, c'est la place que prennent les jardins privés dans ces formes, qui caractérisent notamment les zones pavillonnaires ou les lotissements à l'extérieur des zones denses des villes. La richesse de la biodiversité dans ces jardins va dépendre de leur superficie, de la diversité des espèces végétales plantées, de la variété des strates de végétation et, bien sûr, de la gestion qui est faite de ces espaces. Une maison individuelle entourée d'une pelouse à ras et très entretenue n'est pas le plus intéressant d'un point de vue écologique. Les clôtures utilisées pour délimiter les parcelles sont aussi importantes. Plus les clôtures seront perméables, plus elles permettront la circulation des espèces animales et la dispersion des espèces végétales. Un article de notre corpus parle d'une forme urbaine idéale pour le maintien de la biodiversité en ville. Ce serait une forme constituée de maisons en bande alignées le long d'une rue avec des jardins en arrière ayant des perméabilités importantes. Ce qui évoque le modèle anglais, qui n'est pas incompatible avec une certaine densité.

AE : Peut-on concilier densification des agglomérations et maintien, voire enrichissement, de la biodiversité ?

MF : Il y a d'abord une question d'échelle, il y a celle du bâtiment au sein de sa parcelle et celle du quartier. C'est à cette dernière échelle que l'on peut penser les continuités écologiques. Dans le cas des jardins en arrière des maisons en bande par exemple, ce qui compte, ce n'est pas le jardin seul mais bien l'organisation des différents jardins à l'échelle du quartier. Les continuités écologiques sont particulièrement importantes si on essaie de concilier densification et maintien de la biodiversité. J'estime que l'on peut tenter de concilier les deux en prêtant une attention assez forte à la conception en amont d'un quartier. L'échelle du quartier a un autre intérêt : les pouvoirs publics peuvent y intervenir. Les municipalités ont moins de prise sur les jardins privés, et ce qui les compose, mais elles peuvent avoir une action forte sur les espaces publics. Derrière la question de la densification, on met aussi en avant des enjeux environnementaux : économie d'énergie, diminution des déplacements, limitation de l'étalement urbain avec l'objectif zéro artificialisation nette. Ne pas s'étendre sur des terres agricoles ou naturelles est une idée louable en soi si on considère l'échelle de la ville entière. En revanche, si l'on densifie, en particulier dans les quartiers aux périphéries urbaines, le danger, c'est de perdre au passage les maisons avec jardins qui permettent d'avoir une biodiversité au niveau du quartier mais aussi de toute la ville. Pour qu'il y ait de la diversité biologique spontanée dans le centre urbain, il faut qu'il y ait cette zone tampon qui permette la présence de corridors écologiques entre les réservoirs de biodiversité autour de la ville et en son sein.

AE : Le plan gouvernemental de renaturation des villes est-il cohérent à cet égard ?

MF : Le plan du gouvernement met en avant d'autres priorités que la présence de nature en ville. Il s'agit de rendre la ville plus soutenable. D'un point de vue théorique, il y a deux modèles qui s'opposent : le land sharing et le land sparing. Dans le premier, on conçoit un partage harmonieux de la nature avec les activités humaines. On répond à l'enjeu social de l'accès des populations à une certaine biodiversité. Mais cette biodiversité est a priori moins riche que dans le deuxième modèle qui concentre l'urbain d'un côté, et maintient, de l'autre, des espaces entièrement préservés de la présence humaine. Une biodiversité qui n'est pas dans l'urbain est a priori beaucoup plus riche, car les contraintes de la ville font que toutes les espèces n'y sont pas présentes et que celles qui le sont ont été obligées de s'adapter. D'un point de vue purement naturaliste, il vaudrait donc mieux privilégier le land sparing. Si on se place en revanche d'un point de vue social, la vision de land sharing est plus appropriée. Le plan de renaturation des villes, qui s'apparente à cette deuxième conception, relève d'une approche assez servicielle. Il faut répondre au changement climatique et, pour cela, il faut avoir plus de nature en ville. C'est une vision des choses. Les plans « canopée » qui se mettent en place un peu partout dans les métropoles participent de cette même dynamique. Le changement climatique constitue ici un levier pour donner plus d'importance à la biodiversité, tout comme peuvent l'être aussi les considérations sanitaires.

AE : Le concept de renaturation lui-même est-il valable ?

MF : Cela dépend de ce qui était en place avant. Ce qui pose question, c'est que ça n'est pas forcément idéal de renaturer. Les friches urbaines peuvent être des espaces importants pour la biodiversité en ville, justement parce qu'elles sont délaissées par les activités anthropiques. Les espaces renaturés sont forcément plus anthropisés. Il s'agit dans certains cas plus de verdir que de redonner à un espace la possibilité d'avoir un bon fonctionnement écologique. Si la ville est densifiée d'un côté et renaturée de l'autre, la biodiversité risque d'y perdre car tous les espaces auront une vocation anthropique. On parle aussi beaucoup des murs et toitures végétalisées aujourd'hui. C'est un bon exemple car les municipalités le mettent en avant comme une solution pour avoir plus de nature en ville. Mais si on part d'une friche pour arriver à un bâtiment de sept étages avec une toiture végétalisée avec 30 centimètres de substrat, ce sera toujours moins intéressant d'un point de vue écologique.

AE : Est-ce que l'on n'a pas tendance à oublier certaines formes de biodiversité ?

MF : Oui, dans les études sur la biodiversité en ville, c'est un biais assez commun de privilégier certaines espèces comme les oiseaux et d'oublier, par exemple, la biodiversité des sols. Mais beaucoup de progrès ont été faits depuis 2019 sur ce dernier point. Dans les projets d'aménagement, on va par exemple définir des espaces de pleine terre pour que les arbres puissent y développer leurs racines. La connaissance progresse sur la microfaune des sols qui est très importante pour toute la chaîne trophique. Une autre question qui se pose au regard des continuités écologiques est celle des espèces exotiques envahissantes, vraie problématique pour les gestionnaires. Ces espèces peuvent, elles aussi, circuler et étendre leurs habitats si les continuités écologiques sont efficacement mises en œuvre.

AE : Quels outils faudrait-il mettre en place pour aller vers les configurations urbaines les plus appropriées ?

MF : Je mettrais en avant deux outils présents dans les documents de planification. Des orientations d'aménagement et de programmation (OAP) thématiques peuvent être mises en œuvre dans le cadre des plans locaux d'urbanisme (PLU). Elles constituent un premier outil intéressant. Ce peut être par exemple une OAP thématique qui s'appuie sur les trames vertes et bleues. Avec cet outil, l'Eurométropole de Strasbourg a ainsi choisi de sanctuariser des bandes de terres non artificialisées en limite d'opérations de lotissements ou de zone d'aménagement concertée par exemple. C'est intéressant car on réfléchit ici, à l'échelle d'un quartier, aux espaces qui pourraient permettre de préserver des continuités écologiques.

AE : Quel est le deuxième outil ?

MF : En complément, le coefficient de biotope par surface (CBS) me parait intéressant pour les projets d'urbanisation. Berlin est la première ville à l'avoir mis en place mais il existe aussi un certain nombre d'exemples en France. On définit une part d'espaces de pleine terre, non imperméabilisés, à préserver pour permettre à la biodiversité de se maintenir. Ce coefficient peut varier en fonction des différentes zones de la ville. On pourrait envisager de mettre un coefficient élevé dans les quartiers particulièrement importants pour préserver la biodiversité à l'échelle de la ville : quartiers de lotissement, quartiers périphériques ou en limite d'agglomération. Il reste que cet outil ne permet pas de réfléchir en termes d'organisation spatiale. Pour penser la manière d'organiser les espaces bâtis et végétaliser dans les projets urbains, il serait nécessaire d'impliquer les professionnels de l'écologie dès le départ d'un projet. Ce sont eux qui sont à même d'identifier l'intérêt de chaque zone, en prenant en compte la topographie, l'hydrographie, les conditions géographiques et les espèces déjà présentes, avec l'idée d'être le plus possible dans la conservation de l'existant. Enfin, les communes et intercommunalités ont un certain pouvoir pour embrasser les enjeux environnementaux. La sanctuarisation de certaines zones, notamment en périphérie des villes, en cohérence avec la définition des trames vertes et bleues, constitue une solution afin de préserver certains espaces de l'artificialisation. Cela relève d'un choix politique.

Réactions2 réactions à cet article

pas très convaincant! et on en revient à la trame verte et bleue

Boulard | 05 juillet 2022 à 09h30 Signaler un contenu inapproprié

Interview intéressante sur de nombreux points mais néanmoins lacunaire, me semble-t-il (la faute peut-être aux contraintes liées au format de publication). Elle passe ainsi sous silence l'intérêt de conserver en ville comme à la campagne ce qui est vieux et donc très souvent "HLM à biodiversité" : arbres séculaires, vieux murets en pierre sèche et les talus, haies multicentenaires, mares anciennes, bâtiments anciens, etc.
De même, il fait l'impasse sur l'intérêt de considérer le bâti, ancien et neuf, comme offrant un potentiel d'accueil pour la biodiversité "ordinaire" : les hirondelles se font rares aussi du fait de la disparition de sites de nidification propices dans les étables, granges, dépendances, sommets de murs d'habitation et coins de fenêtre. Cela est essentiel pour la biodiversité dans les projets de construction mais aussi de rénovation, où la biodiversité est très généralement oubliée - car méconnue ou redoutée - par les maîtres d'ouvrage et les maîtres d’œuvre.

Pégase | 05 juillet 2022 à 13h39 Signaler un contenu inapproprié

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