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Repenser l'aménagement en regard de l'accélération climatique

L'aménagement du territoire est le grand absent de la transition écologique. Pourtant, il devrait être un instrument majeur de réflexion et d'action, à l'heure où la pression climatique s'accélère et sollicite de revisiter des instruments obsolètes.

Aménagement  |    |  A. Sinaï
Repenser l'aménagement en regard de l'accélération climatique

« L'aménagement du territoire est plus nécessaire que jamais, car il va falloir faire des transferts d'eau, repenser le rail, les mobilités, en regard des impacts du changement climatique. On a besoin d'une vision nationale en cohérence avec la Stratégie nationale bas carbone, on a besoin d'un pilote, d'un schéma directeur appliqué dans les territoires », alerte Magali Reghezza, membre du Haut Conseil pour le climat et codirectrice du centre de formation sur l'environnement et la société de l'École normale supérieure, lors d'un débat organisé par la Fabrique écologique, le 19 janvier.

Dans le contexte d'un climat qui change et modifie rapidement les environnements, « les valeurs, les coûts-bénéfices, les aspirations peuvent évoluer très vite. Un certain nombre de choses qui semblaient acquises ne le sont plus : coûts des énergies fossiles, pression sur l'alimentation, eau, risques, il va y avoir de nouvelles donnes dans l'équation de l'aménagement du territoire. Ce qui est très intéressant aujourd'hui, c'est qu'aucun document de planification ne prend à bras-le-corps ce climat qui change à horizon de dix à quinze ans. Notre débat va très vite être obsolète », estime la géographe.

L'attractivité tant vantée par les collectivités et les métropoles pourrait ainsi être mise à mal. L'enjeu est de donner plus de valeur aux zones de séquestration du carbone, aux captages d'eau potable, « ce n'est pas seulement le nombre d'habitants qui fait l'attractivité du territoire », souligne Hélène Peskine, secrétaire permanente du Plan urbanisme construction architecture (Puca) au sein du ministère de la Transition écologique. Un nouveau modèle économique, qui reste à décliner sur le terrain.

Rapprocher domicile et travail, une question « insaisissable »

Partir des territoires pour penser et anticiper la transition écologique, voilà qui ramène aux enjeux concrets des modes de vie et à leur diversité. A l'heure où la frontière se brouille entre villes et campagnes en raison de l'étalement urbain et de la métropolisation, et dans un contexte où la demande de mobilité individuelle ne cesse de s'accélérer, il n'est plus possible de penser l'aménagement comme une main invisible venue d'en haut qui déciderait comment les gens se répartissent ici ou là. « On ne peut pas faire faire à l'aménagement ce qu'il ne peut pas faire », souligne Magali Reghezza.

Car les modes de vie évoluent, et ne se résument plus à une seule attache territoriale. Un constat que corrobore Hélène Peskine : « Nos vies ne sont pas linéaires, il faut s'affranchir des modèles, les gens changent de compagnon, de travail, les familles, les emplois ne sont plus stables dans le temps. Mais le télétravail allège les transports en commun. Et revitalise les commerces de proximité. »

Ainsi, on constate que les mobilités excèdent les périmètres de la ville, qu'elles sont multi-appartenances. Et cette dispersion montre aussi les limites de l'opposition ville-campagne, dont les formes spatiales ont évolué au gré d'une urbanisation généralisée. « L'opposition ville-campagne n'a plus aucun sens, c'est juste un affrontement de représentations plus ou moins mythifiées, car la diffusion des modes de vie urbains est une réalité », pointe Magali Reghezza.

“ Coûts des énergies fossiles, pression sur l'alimentation, eau, risques, il va y avoir de nouvelles donnes dans l'équation de l'aménagement du territoire ” Magali Reghezza, membre du Haut Conseil pour le climat
Le rapprochement domicile-travail est le serpent de mer des politiques de réduction des déplacements. On constate dans les enquêtes d'opinion une aspiration à ce rapprochement et à une réduction du temps passé dans les transports, mais, selon Xavier Desjardins, professeur en urbanisme et aménagement de l'espace à Sorbonne Université, cette question est « insaisissable », à l'heure où les modes de vie évoluent. « Tout nous dit que nos déplacements augmentent non pas en temps, mais en distance : on fait plus de kilomètres, les transports sont plus rapides et les vies éclatées entre des lieux de plus en plus divers, ce qui entraîne des besoins d'infrastructures et en énergie. »

Rapprocher emploi et habitation ? L'objectif est souhaitable, mais complexe à mettre en œuvre à l'heure où 10 % des Français vivent dans deux logements différents et où le travail est de plus en plus multisite. La solution est à rechercher du côté du marché de l'habitat, jugé trop rigide. Pourquoi ne pas créer une bourse d'échange des logements sociaux, par exemple ?

Quant aux aspirations des Français, elles sont contradictoires, comme le montre l'enquête sur les mobilités de l'Insee, réalisée en 2019. « Rapprocher son domicile du travail, oui, mais pavillon et voiture restent des valeurs dominantes », pointe Magali Reghezza.

Repenser la propriété pour ménager l'habitabilité des territoires

En outre, il ne s'agit pas seulement de pointer les mobilités individuelles, mais de considérer l'ensemble des parties prenantes, c'est-à-dire les activités économiques, agricoles, industrielles, à l'origine non pas seulement de mobilités, mais aussi de flux très importants sur le territoire. Et qui vont jouer dans les logiques d'aménagement, selon la répartition des activités, entre territoires productifs et territoires de consommation.

Faut-il des règles plus prescriptives pour limiter l'artificialisation des sols à l'heure où chaque commune a sa zone commerciale ? Sur ce point, Magali Reghezza a des doutes. En témoigne l'arsenal juridique qui régit les zones exposées aux risques naturels. « Le problème d'une contrainte, c'est qu'il faut qu'elle soit respectée. Avec les plans de prévention des risques, pour la première fois, on articulait le droit de l'environnement avec le droit de l'urbanisme. Bilan : non seulement on a eu de l'urbanisation dans des zones inondables, mais les PPR ont été contournés en toute légalité. »

Il existe donc d'autres outils que la contrainte. On ne peut pas penser le zéro artificialisation nette (ZAN) avec une seule entrée. Les meilleures lois ne résistent pas à la pratique du terrain. La majorité des communes aujourd'hui exposées à l'étalement urbain sont souvent de petites communes, avec des élus sous pression, quasi bénévoles. Faut-il enlever le permis de construire aux maires ? Il faut aussi considérer le fait que des élus locaux, pour sauver l'école, accueillent des lotissements. « À tant d'habitants, j'ai droit à tant d'indemnités, et si l'école ferme, je perds des aménités. Beaucoup d'élus ne peuvent pas faire le ZAN dans les modalités actuelles du fonctionnement des services publics locaux », souligne Xavier Desjardins.

La question foncière demeure centrale, pointe Magali Reghezza. « Dans certains pays, le sol n'appartient pas aux particuliers, mais à l'État ou à des collectivités territoriales », souligne-t-elle. « Le changement climatique va remettre en question le foncier quand de plus en plus de territoires ne vont plus être habitables parce qu'il sera trop coûteux d'y habiter. On va assister à des déplacements plus ou moins forcés, je pense à certains littoraux, je pense à certaines régions agricoles… Aujourd'hui, il n'existe pas de moyens suffisants pour indemniser ce monde-là. Il faut voir ce que va représenter la transformation du territoire en termes de finances publiques, dans un système où le pilote n'a pas les moyens parce qu'il ne possède pas les sols. »

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