C'est un plan global contre l'amiante que la Commission européenne a présenté, mercredi 28 septembre. « Bien que, depuis 2005, l'amiante soit interdit sous toutes ses formes dans l'UE, on en trouve encore dans les bâtiments les plus anciens. Cela constitue une menace pour la santé, notamment lorsque l'on intervient sur des matériaux contenant de l'amiante, ce qui libère des fibres qui sont ensuite inhalées, par exemple lors de rénovations », rappelle l'exécutif européen.
Les chiffres sont dramatiques. « Jusqu'à 78 % des cancers professionnels reconnus dans les États membres sont liés à l'amiante », rapporte la Commission. Celle-ci a comptabilisé plus de 70 000 travailleurs décédés, en 2019, dans l'UE, du fait d'une exposition à la fibre tueuse, sachant que le délai moyen entre l'exposition et les premiers signes de la maladie est de trente ans. Aujourd'hui, on estime qu'entre 4,1 et 7,3 millions de travailleurs européens sont exposés, dont 97 % dans le secteur de la construction et 2 % dans celui des déchets. Or, les rénovations énergétiques des bâtiments vont se multiplier, Bruxelles prévoyant de doubler d'ici à 2030 le taux annuel de rénovation par rapport à 2020, alors que plus de 220 millions de bâtiments ont été construits avant l'interdiction de la fibre de 2005.
Si ces rénovations améliorent la facture énergétique des habitants et réduisent les émissions de gaz à effet de serre, elles augmentent dans le même temps les risques d'exposition à l'amiante, en particulier pour les travailleurs du bâtiment. C'est la raison pour laquelle la Commission a prévu de réviser la directive du 30 novembre 2009, qui encadre la protection de ces travailleurs, mais aussi d'intégrer cette révision dans une stratégie plus globale.
Diviser par dix la VLEP
La modification principale de la directive (1) sur la protection des travailleurs vise à diviser par dix la valeur limite d'exposition professionnelle (VLEP), qui passerait de 0,1 fibre par centimètre cube (f/cm3) à 0,01 f/cm3. La VLEP actuelle n'a pas été mise à jour depuis 2003 et ne tient pas compte des dernières évolutions scientifiques et techniques, avait expliqué la Commission, en mars dernier, lors du lancement d'un appel à contributions sur ce projet.
La proposition de directive doit maintenant être examinée par le Parlement européen et le Conseil. Une fois adoptée, les États membres auront deux ans pour la transposer dans leur droit national.
Stratégies nationales de désamiantage
Cette proposition de révision de la directive s'inscrit dans une stratégie globale, synthétisée dans une communication (2) présentée simultanément par la Commission européenne. En complément, celle-ci prévoit d'actualiser les lignes directrices permettant aux États membres et aux employeurs de mettre en œuvre la directive révisée. Elle l'accompagnera d'une campagne d'information sur la sécurisation du désamiantage. La communication prévoit également d'améliorer le soutien aux victimes de l'amiante. Pour cela, la Commission consultera le Comité consultatif tripartite pour la sécurité et la santé sur le lieu de travail (CCSS) en vue de reconnaître de nouvelles pathologies liées à l'amiante comme maladies professionnelles. Cette instance consultative réunit des représentants des États membres, des syndicats et des organisations patronales.
Afin d'améliorer la gestion de l'amiante dans les bâtiments, Bruxelles annonce, par ailleurs, une proposition législative sur la détection de la fibre dans les bâtiments. « Les États membres seront invités à élaborer des stratégies nationales de désamiantage », annonce la Commission. Celle-ci proposera également la création de journaux de bord numériques des bâtiments, afin « d'améliorer le partage et l'utilisation des données relatives aux bâtiments, de la conception à la démolition, en passant par la construction ».
Révision du protocole de traitement des déchets de démolition
La communication promeut également l'élimination sûre des déchets amiantés, dans une optique « zéro pollution ». Pour cela, le Commission annonce la révision du Protocole européen de traitement des déchets de construction et de démolition, un document non contraignant présenté, en septembre 2018, pour « accroître la confiance » dans le processus de gestion de ces déchets et dans la qualité des matériaux recyclés. De même, elle révisera les Lignes directrices relatives aux audits de déchets avant les travaux de démolition et de rénovation, un document publié en mai 2018. Enfin, l'exécutif européen lancera une étude destinée à recenser les pratiques de gestion des déchets amiantés et les nouvelles technologies de traitement.
« Plusieurs financements de l'UE sont disponibles pour soutenir les actions des États membres en ce qui concerne la prévention en matière de santé, le traitement des maladies et le désamiantage », rappelle la Commission. Parmi ceux-ci figurent la Facilité pour la reprise et la résilience (retrait de matériaux, formation des travailleurs, soins de santé), le Fonds social européen plus (FSP+ ; formation des travailleurs) ou encore le Fonds européen de développement régional (Feder ; désamiantage).