L'arrêté du 29 mai 2009, dit "arrêté TMD", réglemente en France les transports de marchandises dangereuses par voie terrestre en complément des réglementations internationales applicables (ADR/ RID/ADN). En décembre dernier, il a fait l'objet d'une nouvelle modification par un arrêté du 11 décembre 2018, lui-même corrigé par un arrêté du 24 avril 2019, qui a introduit des dérogations permettant le transport en vrac des déchets amiantés. Ces nouvelles possibilités pourraient permettre d'améliorer la sécurité sur les chantiers du bâtiment ou des travaux publics.
Quelles sont les nouvelles possibilités offertes par cette dérogation ? Elles concernent le transport de déchets issus de chantiers routiers ou de chantiers de démolition/réhabilitation d'immeubles sinistrés contaminés par l'amiante non lié relevant des numéros ONU 2212 ou 2590. Elle autorise, sous réserve de respecter un certain nombre de prescriptions, le transport en vrac de ces déchets dans des véhicules découverts depuis le chantier vers un centre agréé de stockage de déchets.
Jusque-là, le transport des déchets d'amiante ne pouvait se faire que "dans un emballage supplémentaire conforme aux prescriptions de l'ADR (doubles sacs étanches puis conditionnés en GRV) et muni obligatoirement d'un scellé numéroté", rappelle le Syndicat des entreprises de déconstruction, dépollution et recyclage (Seddre).
Dans le cadre de cette dérogation sont exclusivement admissibles :
- les déchets solides issus de déchets routiers, tels que les fraisats d'enrobés, contaminés par l'amiante non lié, ou
- les déchets solides contaminés par l'amiante non lié issus de chantiers de démolition ou de réhabilitation d'ouvrages ou d'immeubles après sinistre (terres contaminées, déchets de chantiers ou objets contaminés sous condition de volume).
Est interdit le mélange avec d'autres déchets contaminés (flocage contenant de l'amiante non lié, équipements de protection individuelle contaminés) qui peuvent être emballés conformément aux instructions d'emballage de l'ADR. De même que le mélange avec des déchets non contaminés par de l'amiante non lié.
Les déchets doivent être emballés dans des grands sacs, dits "conteneurs-bags : sacs dépliables aux dimensions de la benne et qui sont refermés de manière étanche de façon à ce que les fibres d'amiante ne puissent s'échapper durant le transport. Ces "conteneurs-bags" doivent être conçus d'une telle manière qu'ils résistent aux sollicitations survenant dans des conditions normales de transport et durant le déchargement au centre d'enfouissement. Ils doivent être constitués au minimum de deux enveloppes, solidaires ou non.
La Commission d'évaluation des innovations techniques dans le domaine de la détection et du traitement de l'amiante dans le bâtiment (Cevalia) a donné un avis favorable pour une durée de cinq ans à la gamme de conteneurs-bag souples de la société LinerBenne. D'autres conteneurs-bags sont proposés sur le marché mais ils ne bénéficient pas de cette labellisation.
Certains bennages interdits
La procédure de chargement et de déchargement doit respecter les dispositions des articles R. 4412-94 et suivants du code du travail relatifs à la protection contre le risque d'exposition à l'amiante. Le déchargement des conteneurs-bags doit s'effectuer "de préférence" avec la benne de transport déposé à terre. Le déchargement par bennage est interdit, à l'exception des conteneurs-bags chargés de déchets issus de chantiers routiers contaminés ou de terres contaminées, à condition de respecter un protocole de déchargement établi conjointement par l'entreprise de transport et l'exploitant du centre de stockage agréé.
L'arrêté TMD impose également des prescriptions en termes de document de transport. Ce dernier, ou le bordereau d'élimination des déchets, doit comporter un certain nombre de mentions supplémentaires et être accompagné de plusieurs documents : fiche technique du type de conteneur-bag utilisé, certificat d'acceptation préalable des déchets et, le cas échéant, procédure de déchargement. L'arrêté rappelle également les prescriptions de placardage et de signalisation de l'ADR applicables au transport en vrac, de même que l'obligation de respecter les autres prescriptions du règlement applicables au transport d'amiante non lié.
"Cela évite des situations ubuesques"
Ces conditions de transport, explique le ministère de la Transition écologique, "offrent, par rapport aux conditions applicables de l'instruction d'emballage P002 du chapitre 4.1.4 de l'ADR, une meilleure facilité de chargement et donc une meilleure protection des ouvriers face à l'amiante". Ce qui a permis de recevoir le feu vert de la Commission européenne (qui a autorisé cette dérogation par une décision du 17 juin 2019.
"Cela permet une meilleure organisation de chantier", confirmait Anita Romero-Hariot de l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) à l'occasion d'une conférence sur le salon Préventica Paris. "Tout peut être fait à partir d'engins de manutention et cela évite des situations ubuesques de reprise manuelle des déchets en big-bags", expliquait l'ingénieur chimiste.