Le 29 octobre 2012, Amorce a publié deux études relatives à la gestion des mâchefers d'incinération de déchets non dangereux (MIDND) en France. La première présente un état des lieux. La seconde rend compte des résultats de l'enquête sur l'utilisation des mâchefers en travaux publics menée auprès des Conseil généraux par l'association représentant des collectivités et des acteurs des déchets.
"Un certain nombre de blocages à la valorisation des mâchefers a donc été identifié dont la concurrence avec d'autres matériaux naturels ou recyclés et le manque de connaissance du matériau de la part des acteurs des travaux publics", analyse Amorce qui précise que "d'après les premières analyses réalisées par les unités d'incinération des ordures ménagères (UIOM) et par les installations de maturation et d'élaboration des mâchefers (IME), il semblerait que les valeurs limites fixées dans la nouvelle réglementation vont occasionner une diminution des MIDND considérés comme valorisables".
Afin d'augmenter la part de la valorisation en technique routière, l'association plaide pour la sensibilisation des maîtres d'ouvrages et des entreprises de travaux publics "aux intérêts techniques et économiques de l'utilisation des MIDND" ainsi que "le renforcement de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les matériaux d'extraction, prévu dans la feuille de route environnementale du ministère de l'Ecologie faisant suite à la conférence environnementale de septembre 2012".
Selon l'association, environ 3 millions de tonnes de mâchefers ont été produits en 2010 en France, soit l'équivalant de 20 à 25% du tonnage incinéré. Après avoir été déferraillés, ils sont utilisés en technique routière, pour environ 80%, ou envoyés en installation de stockage de déchets non dangereux (ISDND).
En 2011, le gouvernement a introduit une réforme particulièrement controversée de la réglementation relative à la valorisation des mâchefers d'incinération. L'arrêté publié le 18 novembre 2011 introduit l'analyse de nouveaux paramètres par rapport à la circulaire de 1994, modifie les normes d'analyses et abaisse les seuils pour certains polluants.
Interrogés par Amorce en avril et mai 2012, 24 UIOM (soit 44% du panel composé de 55 incinérateurs) ayant déjà réalisé les nouvelles analyses, déclarent ne pas respecter les nouveaux seuils.
"Les seuils posant le plus de problème concernent le plomb (75% des sites rencontrent des difficultés, ce qui laisse penser que pour la plupart de sites, il s'agit de mâchefer pas ou peu maturé), puis l'antimoine (29% des sites) et la fraction soluble (25% des sites)", détaille l'association, ajoutant que "la teneur élevée en plomb s'explique par le fait que les analyses ont probablement été réalisées sur mâchefer peu maturé".
Concernant les plateformes de maturation et d'élaboration, "ce sont les dioxines qui posent le plus de problème [ce qui impose à] certaines installations d'incinération [de] devoir améliorer la qualité des mâchefers produits afin de pouvoir les recycler en technique routière".
Variété des causes possibles
Certaines installations d'incinération ont recherché les causes de dépassement des seuils et huit UIOM ont avancé des hypothèses. Trois sites mettent en cause la nature des déchets (présence de piles et/ou de déchets industriels banals (DIB)). Un site évoque l'utilisation d'un four à lit fluidisé ; un autre la mauvaise régulation de la combustion et un autre l'ancienneté de l'installation. Un site considère le manque de maturation des mâchefers et un dernier la recirculation de l'eau extraite des mâchefers en circuit fermé pour leur refroidissement.
Par ailleurs, "la présence de déchets non ménagers co-incinérés (boues, déchets d'activité de soins à risques infectieux (Dasri)) ne semble pas avoir de conséquence significative sur la qualité chimique des MIDND", indique l'association, ajoutant qu'"en effet, que ce soit pour les boues ou les Dasri, 50% des UIOM qui en incinèrent respectent les valeurs limites pour les MIDND alors que 50% ne les respectent pas".
Enfin, la recherche de facteurs géographiques, via l'analyse des résultats par région, a été infructueuse.
Un enjeu économique
Par ailleurs, la part des mâchefers valorisables mais non valorisés est passée de 20% (208.426 tonnes) en 2010 à 27% (275.157 tonnes) en 2011. Si le nombre d'installations qui produisent des MIDND non valorisables est quasiment stable (8 sites en 2010 et 9 sites en 2011), le nombre de sites qui n'ont pas pu écouler leurs mâchefers valorisables a augmenté passant de 16 à 21 sites.
Les mâchefers non valorisables et valorisables mais non valorisés sont voués à être enfouis en ISDND, si un stockage de la part valorisable n'est pas possible. "Cela représente un enjeu économique important pour les collectivités", avertit Amorce, rappelant que "d'un coté le prix de l'enfouissement est très élevé et de l'autre côté, l'enfouissement des MIDND sature les ISDND alors qu'ils pourraient être valorisés".
Concernant les coûts d'enfouissement, l'enquête révèle une grande variabilité. Les coûts, hors transport et TGAP (sachant que la TGAP ne s'applique plus depuis juillet 2011 à l'enfouissement des mâchefers non valorisables) varient de 27 à 150 euros la tonne, avec une moyenne à 66 euros. Le transport affiche des tarifs allant de zéro à 25 euros la tonne, pour une moyenne de 11,28 euros. La TGAP varie quant à elle de 11 à 20 euros la tonne, selon les caractéristiques des mâchefers.
"En additionnant le coût de l'enfouissement, du transport et la TGAP, le coût d'élimination des MIDND en ISDND revient en moyenne à plus de 90 euros la tonne", conclut Amorce, ajoutant qu'"en comparaison au prix moyen de 10,15 euros par tonne pour l'évacuation de mâchefers valorisables lorsque les entités paient les sociétés de travaux publics, le surcoût de l'enfouissement est important puisqu'il y a en moyenne un facteur 9". Un surcoût "impacté sur le prix de traitement des ordures ménagères", prévient l'association.
Les chiffres produits par Amorce pointent la baisse de la valorisation en technique routière qui passe de 79% du tonnage produits en 2010 par les 56 sites ayant répondu, à 73% en 2011. A l'inverse, la valorisation en couverture et aménagement progresse, passant de 12% à 21%.
Enfin, Amorce rappelle qu'à partir du 1er juillet 2012, l'usage en tant que remblais de friches industrielles est interdit lorsque les remblais ainsi créés doivent accueillir un bâtiment. Il s'agit de "la plupart des remblais de friches industrielles", prévient l'association qui ne précise pas quelle part des mâchefers trouvent là un exutoire.