Cookies

Préférences Cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site. Certains sont essentiels, d'autres nous aident à améliorer le service rendu.
En savoir plus  ›
AccueilAnne-Caroline UrbainPollution industrielle en Chine : situation environnementale et solutions juridiques

Pollution industrielle en Chine : situation environnementale et solutions juridiques

Anne-Caroline Urbain, avocate aux Barreaux de Paris et New York, du cabinet Jones Day, nous propose un avis d’expert sur l’essor industriel et les conséquences sanitaires et environnementales en Chine.

Publié le 03/05/2011

L'histoire montre que l'accession d'une nation au statut de puissance industrielle s'accompagne de modifications profondes de son environnement. Surexploitation des richesses et pollution environnementales semblent être consubstantielles au développement économique. Il suffit pour s'en assurer de voir ou revoir ce documentaire réalisé en France, au début des trente glorieuses, par Eli Lothar : « Gentils petits enfants d'Aubervilliers ». Il montre à quel point les préoccupations sanitaires et environnementales étaient étrangères à l'essor économique de l'après guerre dans notre pays.

La Chine aujourd'hui ne fait pas exception à cette règle : les menaces qui pèsent sur son environnement sont à la mesure de la vitesse et de l'échelle de son développement économique. Spectaculaires. La situation est d'autant plus inquiétante que nous avons commencé à comprendre ce que l'on ignorait dans les années 50 : les ressources globales en air, en eau ou en sols sont limitées, les problématiques environnementales sont planétaires, et il n'est pas d'impact local qui ne soit potentiellement porteur de conséquences à des milliers de kilomètres de là. Nous savons aussi que ces atteintes à l'environnement sont durables. La contamination résiduelle que nous constatons toujours aujourd'hui en France dans nos sous-sols est le fruit d'un développement industriel et économique à une époque où la législation environnementale n'était pas aussi contraignante et nos connaissances scientifiques pas aussi poussées qu'aujourd'hui.

L'une des conséquences de la très forte croissance chinoise est l'urbanisation très rapide du pays, la population urbaine passant de 430 millions en 2001 à plus de 850 millions prévus en 2015. Elle explique en partie les graves problèmes d'accès à l'eau potable, de qualité d'eau, de pollution atmosphérique urbaine et de déforestation que connaît actuellement la Chine et qui font peser une menace sur son développement même.

Pollution aux métaux lourds

La pollution par ce que l'on appelait autrefois les métaux lourds, ensemble hétérogène d'éléments métalliques toxiques plus ou moins lourds, désignés aujourd'hui sous le terme d'« éléments traces métalliques », regroupant entre autres le plomb, le mercure, le cadmium, le chrome et le nickel, est l'une des composantes majeures du stress environnemental en Chine aujourd'hui. L'origine de cette pollution est multiple : mines de métaux, fabrication de piles et de batteries au plomb ou au cadmium, centrales à charbon, tanneries, fonderies,…

En cas de rejets dans l'environnement sans traitement, les eaux et les fumées issues de ces industries sont susceptibles de s'incorporer à la chaîne alimentaire via l'eau de boisson, l'eau d'irrigation des aliments, ou en se déposant sur les cultures. On estime que sur les 100 millions d'hectares de terres cultivées en Chine, 20 millions sont contaminés par des éléments trace métalliques issus d'activités humaines [Chang & Chi, 2001]. Le riz dont la culture est très consommatrice d'eau est particulièrement concerné par cette situation. Cette céréale qui constitue la première source alimentaire de 60% des chinois est un indicateur clé de la qualité alimentaire du pays.

Une étude réalisée dans la province de Guangdong [Yang, 2006] aux alentours d'une petite mine de plomb et de zinc, montre une teneur moyenne en cadmium dans le sol des rizières voisines comprise entre 2 et 30 µg/g de terre, avec une moyenne à 13,6 µg/g. A titre de comparaison, la concentration moyenne dans les sols français est de 0,42 µg/g [Bèze, 1997].

Cette étude montre que 28% de la concentration de cadmium contenue dans le sol des rizières est ingérée via l'alimentation, conduisant à des expositions quotidiennes de l'ordre de 2,2 µg/kg de poids corporel pour les adultes et de 1,5 µg/kg pour les enfants, supérieures à la valeur maximale de 1µg/kg/j fixée par l'OMS et la FAO.

Ces expositions répétées au cadmium, mais aussi au mercure et au plomb peuvent entraîner des pathologies chroniques potentiellement graves. Elles menacent en particulier les enfants consommant des aliments produits dans des zones proches des sources de pollution.

Protection juridique de l'environnement et des ressources aquatiques en Chine

Face à cette situation, il convient de s'interroger sur l'arsenal législatif et règlementaire adopté et mis en œuvre par les autorités compétentes chinoises afin prévenir et lutter contre la pollution industrielle de l'environnement et plus particulièrement de l'eau en Chine.

Les grands principes en matière de protection de l'environnement et des ressources en eau émanent des trois lois nationales suivantes : la loi de 1984 modifiée sur la prévention et le contrôle de la pollution de l'eau, la loi de 1988 modifiée sur l'eau et la loi de 1989 modifiée sur la protection de l'environnement. Des réglementations d'application provinciales et locales viennent compléter cet arsenal législatif national.

La loi sur l'eau de 1988 vise au développement, l'utilisation et la protection de la ressource en eau (eaux de surface et souterraines). Selon cette loi, le gouvernement chinois doit protéger les ressource en eau en adoptant des mesures de contrôle et de protection Selon la loi plus générale de 1989, il appartient au gouvernement chinois de veiller et contrôler les rejets de polluants dans l'environnement. Cette loi générale érige la protection de l'environnement en droit et obligation pour tous les citoyens chinois.

La loi de 1984 modifiée sur la prévention et le contrôle de la pollution de l'eau s'intéresse plus particulièrement à la problématique de prévention et du contrôle de la pollution de l'eau en Chine (eaux de surface et souterraine) afin notamment de garantir la qualité de l'eau destinée à la consommation humaine. Selon cette loi, il appartient aux autorités publiques compétentes chinoises d'adopter les normes de qualité de l'eau pour les différentes ressources en eau ainsi que les normes de rejets aqueux.

Les industriels dont les activités entraînent des rejets dans l'eau (visés par la loi) sont soumis, avant la mise en service de leurs activités, à l'obtention d'une autorisation préalable et à une obligation de déclaration, aux autorités locales compétentes, de leurs installations de rejets ainsi que des catégories, quantités et concentrations de polluants rejetés. Ils doivent également mettre en place des systèmes d'évacuation des eaux usés et de contrôle de rejets dans l'eau et s'acquitter d'une taxe pour activité polluante. En cas de dépassement des seuils de rejets autorisés ou de déversements accidentels, les autorités locales compétentes peuvent enjoindre l'exploitant à l'origine du rejet de cesser ses activités, d'adopter des mesures de remise en état ou lui imposer une amende.

Après l'accident industriel de la province de Jilin, située au Nord-Est de la Chine en 2005, ayant entraîné un déversement d'environ une centaine de tonnes de substances chimiques dans la rivière Songhua, la loi de 1984 précitée a été modifiée en 2008 afin de renforcer les sanctions existantes. Dans l'hypothèse d'une pollution accidentelle d'une gravité « extrême et exceptionnelle », une amende peut être imposée à chaque personne physique directement responsable de la pollution d'un montant maximum de 50% de leur revenu de l'année précédente ; la personne morale pouvant être soumise à une amende équivalent à 30% du montant des préjudices causés par la pollution, sans que la loi ne fixe de montant monétaire maximum pour cette amende.

A la suite d'un déversement accidentel de déchets acides en Juillet 2010 dans la province de Fujian, située au Sud-Est de la Chine, l'exploitant concerné s'est vu retirer son statut protecteur de société « high-tech », cette sanction ayant entraîné de lourdes conséquences sur son statut fiscal et son taux d'imposition.

Outre ces sanctions, la loi de 1984 prévoit également une interdiction de rejeter dans l'eau ou d'enterrer des déchets solubles hautement toxiques contenant certaines substances énumérées par la loi (mercure, cadmium, arsenic, chrome ou plomb). En revanche, cette loi  ne prévoit pas clairement comment ces dispositions s'articulent avec celles en matière d'autorisation de rejets. En outre, les textes d'application, essentiels pour la mise en œuvre des grands principes prévus par les lois environnementales chinoises, tardent souvent à être adoptés. A cela s'ajoutent des incertitudes sur l'autorité compétente locale précise pour délivrer les autorisations environnementales. La multitude des autorités potentiellement compétentes (nationales, provinciales ou locales) peut également être perçue comme une source de confusion et d'incertitude juridique pour les entreprises en Chine. L'adoption de grands principes constitue néanmoins une avancée certaine pour l'encadrement de l'impact environnemental de l'essor industriel en Chine.

Avis d'expert proposé par Anne-Caroline Urbain, avocat aux Barreaux de Paris et New York, conseil en  droit de l'environnement, santé et sécurité au cabinet Jones Day à Paris, avec la collaboration de Jordan Brandt, avocat, exerçant au sein du bureau de Pékin de Jones Day pour le conseil à la réalisation de projets étrangers en Chine, et Pascal Roux, Docteur en médecine, diplômé de l'ESSEC, consultant indépendant sur les projets comportant des enjeux de santé liés à l'environnement et au travail.

Les Blogs sont un espace de libre expression des abonnés d'Actu-Environnement.

Leurs contenus n'engagent pas la rédaction d'Actu-Environnement.

3 Commentaires

Gugu

Le 05/05/2011 à 8h15

Ah, la Chine. Mais pourquoi la Chine s'est-elle aussi rapidement industrialisée? Ne serait-ce pas parce que les sociétés de notre monde développé se sont empressées d'aller faire produire à bas prix et avec moins d'exigences sur l'environnement une bonne partie de ce que nous consommons ici? Salaires très faibles, pas d'argent dépensé pour préserver l'environnement, pas de transfert technologique pour des procédés moins polluants et ensuite notre monde développé se permet de critiquer.
Il est vrai que dans le monde développé tout va pour le mieux. En lisant les communiqués de l'EPA relatant régulièrement les amendes qui frappent aussi des sociétés américaines sur leur territoire pour pratiques illégales (oléoducs, mines des Appalaches etc) on se dit que le ménage doit être fait partout. Curieusement ces informations sont très peu médiatisées chez nous, évidemment c'est moins exotique que la Chine.

Signaler un contenu inapproprié

Raoul

Le 08/05/2011 à 5h16

CHERCHEUR INDEPENDANT EN ANTHROPO:JE VIS 6mois/AN EN CHINE.
Pour ma part,pas de jugements:trop grand,trop nombreux,trop difficile a comprendre sans la langue,la genetique,l'histoire.
Alors ma neutralite me fait office de passport,MON BAIN CHINOIS,MEME AVEC LA POLLUTION JE LE DIRIGE A MA GUISE EN RESPECTANT TOUS SUPPORTS DE VIES....pas evident mais je ne peus pas etre un colonisateur EN CHINE!!!!!

Signaler un contenu inapproprié

ELENGA EDDY DU CONGO BRAZZAVILLE

Le 11/07/2011 à 16h59

il est vrai que dans le monde developpe tous va pour le mieux il faux taxe les amendes aux usune qui ne respecte pas les lio.

Signaler un contenu inapproprié

Commentez ou posez une question à Anne-Caroline Urbain

Les commentaires aux articles sont réservées aux lecteurs :
- titulaires d'un abonnement (Abonnez-vous)
- inscrits à la newsletter (Inscrivez-vous)
1500 caractères maximum
Mot de passe oublié