
Le lendemain de cet événement, en ce même lieu, commençait le premier séminaire international sur la surveillance environnementale des stockages de déchets radioactifs organisé par l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) dans le cadre du réseau international DISPONET d'échanges sur le stockage des déchets de faible activité. C'est dire que le CSM, premier centre de stockage de déchets nucléaires français situé sur la presqu'île du Cotentin à quelques kilomètres du centre de retraitement de La Hague exploité par Areva, et plus grand centre de stockage de déchets nucléaires d'Europe, sert d'exemple de l'excellence française dans le domaine de la gestion des déchets nucléaires !
Pourtant, dans un communiqué de presse publié hier, Greenpeace France crie au scandale : ''nappe phréatique contaminée, structure d'entreposage qui s'effondre, déchets de longue vie stockés dans des conditions inadmissibles : le bilan du Centre de stockage de la Manche (CSM), le seul centre de déchets nucléaires « fermé » en France est accablant''. Déchets de longue vie ? Dans l'historique du CSM publié sur le site Internet de l'Andra, il est précisé : « Les déchets stockés dans ce centre sont des déchets solides de faible et moyenne activité ». Ce qui ne dit pas s'ils sont de courte ou de longue durée de vie. Mais le rapport de 58 pages réalisé par le laboratoire indépendant d'analyse de la radioactivité ACRO à la demande de Greenpeace France fait état de la présence au CSM de près de 100 kg de Plutonium venus du centre de Valduc du CEA/Direction des Applications Militaires (DAM), qui eux, relèvent de la catégorie HAVL.
Les téléspectateurs du documentaire de Esther Hoffenberg « Au pays du nucléaire » diffusé sur France 2 le jeudi 17 septembre à 22h50 auront sans doute été frappés par l'intervention en réunion de la Commission de Surveillance du CSM de Christian Kernaonet, ancien directeur d'exploitation du CSM. Véritable lanceur d'alerte plein de culpabilité, il s'efforce de faire valoir la nécessité de reprendre les colis de déchets stockés à même le sol dans la première tranchée creusée à l'ouverture du CSM, comme cela s'est fait pour les tranches 2 et 3. Son combat dure depuis 1994-95, date à laquelle il a été muté et, selon lui mis au placard, tandis que les tranches étaient bétonnées pour être recouvertes, que le stockage s'arrêtait portant à 527.000 m3 le volume de déchets radioactifs stockés sur le site et que le centre fermait pour rentrer dans la phase de surveillance. Et que le centre de l'Aube s'ouvrait, en prenant soin de recouvrir d'un toit les alvéoles de stockage le temps du remplissage, pour éviter l'infiltration de la pluie et la contamination des eaux de ruissellement.
''Le CSM a servi de retour d'expérience pour le centre de l'Aube, déclare David Boilley, président de l'Acro. En ré-ouvrant la partie nord et en reprenant les fûts métalliques qui risquent de rouiller et de contaminer la nappe phréatique, le CSM pourrait servir de retour d'expérience sur la capacité de rendre réversible un stockage de déchets nucléaires, la réversibilité étant une des conditions retenues pour le stockage souterrain de déchets nucléaires HAVL''. Il semble que le projet ne soit pas dans l'air du temps. ''En décembre 2008, l'Andra a transmis à l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) un dossier sur l'intérêt de mettre en place une nouvelle couverture en vue d'assurer de façon passive la sûreté à long terme du stockage'', précise l'ASN dans un communiqué.
En attendant, l'ACRO s'inquiète à propos de la rémanence d'un lanceur d'alerte d'un autre genre : le tritium, l'hydrogène radioactif d'une durée de vie de 12 ans. Cet élément présente la caractéristique d'être très mobile. ''Un fût en métal perd spontanément 1% de tritium, précise David Boilley. Cet élément sert malheureusement d'annonciateur de la fuite d'autres éléments radioactifs à l'avenir''. Selon lui, à l'extérieur du site, au pied d'une maison, l'eau à la source du ruisseau Le Grand Bel qui sert d'abreuvoir aux animaux, présente toujours une contamination de 700 Becquerels par litre, soit bien plus que le seuil d'alerte de l'OMS qui impose une surveillance au-delà de 100 Bq/l. A l'intérieur du site, selon les endroits, les piézomètres du réseau de surveillance des eaux souterraines permettant à l'Andra de réaliser des prélèvements donnent des résultats pouvant aller de plusieurs centaines à plusieurs milliers de becquerels par litre. Des résultats de contamination de la nappe phréatique - qui ne sert pas heureusement à l'alimentation en eau potable - expliqués officiellement non par des fuites, mais par un accident du passé. ''En 2006, après la publication de la première version de notre rapport et au moment de l'adoption de la seconde loi sur la gestion des déchets radioactifs, Greenpeace avait fait une percée sur le site et effectué un prélèvement que nous avions analysé, raconte David Boilley. Nous avions trouvé 20.000 Bq/l, soit deux fois plus que les résultats de l'Andra''.
Un véritable combat se joue face à l'Andra avec, au milieu, l'ASN qui s'efforce d'y voir plus clair notamment sur la réalisation des prélèvements. Sans pour autant soutenir l'idée d'une réouverture du site pour un meilleur confinement, aux regards des résultats de la Commission Turpin instituée par Corinne Lepage au moment de la fermeture du site. Alors l'Acro s'interroge : le CSM, un Centre Sans Mémoire ?