Suite au recours déposé par l'Union nationale de l'apiculture française (Unaf), le Conseil d'Etat a annulé ce lundi 3 octobre l'autorisation de mise sur le marché (AMM) pour l'année 2010 de l'insecticide Cruiser 350 de Syngenta Agro SAS, utilisé en traitement des semences de maïs. Il avait déjà annulé le 16 février dernier les AMM pour 2008 et 2009 du pesticide, après avoir été saisi par la fédération apicole qui accuse le thiamétoxam - la molécule active du produit - d'être à l'origine d'une surmortalité d'abeilles.
Des AMM contraires à la réglementation
Dans son avis, le Conseil d'Etat rappelle que l'Unaf estimait "que la pratique, répétée par le ministre [de l'agriculture] depuis 2008, consistant à accorder une autorisation d'une durée d'un an assortie de prescriptions destinées à s'assurer par des mesures de suivi de l'innocuité du produit, révélait l'absence de contrôle approprié."
En l'espèce, le Conseil d'Etat a jugé ''qu'en autorisant le Cruiser seulement pour une durée d'un an et en annonçant un réexamen complet du dossier à l'issue de cette année pour étudier la possibilité d'un renouvellement, le ministre devait nécessairement être regardé comme ayant justifié sa décision par le fait qu'au vu des éléments dont il disposait (notamment l'avis de l'agence de sécurité sanitaire ex-Afssa de décembre 2009), il ne pouvait tenir pour suffisamment établie l'innocuité, notamment à long terme, du produit, motif qui ne pouvait le conduire qu'à prendre une décision de refus d'autorisation''.
Le Conseil d'Etat a en outre relevé ''que la succession de décisions d'autorisation valables pour un an seulement, accordées à la préparation Cruiser puis à la préparation, identique, Cruiser 350, était justifiée par le ministre en des termes contradictoires, par le fait que l'innocuité de ce produit était suffisamment établie mais qu'il était néanmoins indispensable de décider que l'autorisation serait réexaminée au bout d'un an, même en l'absence de tout élément nouveau''. Il a jugé que ''cette manière de procéder était contraire au régime d'autorisation des produits phytopharmaceutiques''. Le Conseil d'Etat estime donc que l'autorisation pour une durée d'un an ne répond à aucune des hypothèses permettant de déroger à la règle de l'AMM de dix ans instaurée par le code rural.
Des décisions ''tardives'' du Conseil d'Etat
Cette décision permet aux apiculteurs de réclamer des indemnisations : ''l'Etat versera la somme de 3.000 euros'' à l'Unaf, indique l'avis. Pour la troisième fois, le Conseil d'Etat ''sanctionne la pratique illégalement bienveillante du ministère de l'agriculture pour un même produit d'un même fabricant'', a indiqué la fédération apicole alors qu'elle a également saisi le Conseil d'Etat pour retirer l'AMM du Cruiser 350 délivrée en 2011. ''A cause du subterfuge des autorisations annuelles du Ministre délivrées au compte goutte au lieu d'une autorisation pour dix ans prévue par la loi, les décisions du Conseil d'Etat arrivent en effet malheureusement toujours trop tard alors que le mal est fait dans nos campagnes'', avaient déjà déploré les apiculteurs.
Pour Olivier Belval, président de l'Unaf : ''en 2011, le Cruiser a encore bénéficié d'une des fameuses autorisations annuelles que nous savons illégale et sur laquelle la justice va encore statuer après coup. En violant la loi, les producteurs de pesticides et le ministère ont toujours eu un coup d'avance sur nous ! Ça suffit !''. Et de s'interroger : ''malgré les désaveux continuels du Conseil d'Etat et l'opposition résolue des apiculteurs et de grandes organisations environnementales, (le ministre de l'Agriculture) Bruno Le Maire osera t-il autoriser le Cruiser 350 pour la campagne 2012 ?"
De son côté, le ministère de l'Agriculture assure dans un communiqué que l'AMM de la préparation Cruiser 350 délivrée en décembre 2010, pour la campagne 2011 a également fait l'objet d'un avis favorable de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) du 15 octobre 2010 qui conclut que l'usage de la préparation sur le maïs ensilage, le maïs grain et le maïs porte-graine femelle ''ne présente pas de risque pour l'environnement. Cette autorisation de mise sur le marché a été délivrée pour une durée de 10 ans. Les conditions de sécurité de cette autorisation de mise sur le marché continueront à faire l'objet d'une vigilance accrue qui pourra conduire à sa suspension en cas d'incident ou de non- respect des préconisations d'emploi'', a indiqué le ministère.