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Les principes de la charte de l'environnement vont pouvoir être invoqués à l'encontre des lois

En annulant le décret d'application d'une loi, le Conseil d'État a consacré l'opposabilité de la charte de l'environnement à l'égard des citoyens. Une décision essentielle qui ouvre la voie vers de nouveaux espaces de progrès pour le droit de l'environnement.

Publié le 08/10/2008
À l'heure où le Parlement entame la discussion autour du Grenelle, le Conseil d'Etat vient de rendre une décision très importante pour le droit de l'environnement.

Par arrêt en date du 3 octobre 2008, rendue sur les conclusions du commissaire du gouvernement Aguila, le Conseil d'État a consacré l'opposabilité de la charte de l'environnement à l'égard des citoyens. En effet, la Haute Assemblée a annulé le décret relatif aux lacs de montagne pour incompétence. Le décret d'application d'une loi modifiant la loi littoral pour réduire la protection autour des lacs déterminait en effet les conditions d'élaboration des décisions de délimitation. La commune d'Annecy critiquait ce décret au regard du principe de participation du public*.

Se posait donc la question de savoir si un citoyen pouvait invoquer la charte de l'environnement à l'encontre d'un décret. Le conseil d'État répond positivement. Considérant que le principe renvoie la loi, il en déduit que seul le législateur pouvait déterminer les conditions de participation du public pour délimiter les zones à protéger.

Par cet arrêt, le Conseil consacre donc le principe de participation du public et affirme que ''les dispositions de l'article 7 comme l'ensemble des droits et devoirs définis dans la charte de l'environnement, à l'instar de toutes celles qui procèdent du préambule de la constitution ont valeur constitutionnelle ; qu'elles s'imposent aux pouvoirs publics et autorités administratives dans leurs domaines de compétence respectifs''.
Cette décision très importante qui doit être rapprochée de celle rendue par le Conseil Constitutionnel dans le domaine des OGM, consacre également le rôle fondamental du législateur dans le domaine de l'environnement, pour fixer les conditions et limites du droit de participation du public.

Dans son dossier de presse, le Conseil d'État rappelle les grands arrêts qu'il a pu rendre dans le domaine de l'environnement. S'il est de fait que la Haute assemblée s'est parfois montrée assez souple à l'égard de l'administration lorsqu'il s'agissait d'autoroute ou de centrales nucléaires, elle a néanmoins su rendre des décisions de principe comme l'annulation des couloirs de lignes prévus dans le Verdon, les autorisations de pesticides ou encore des opérations violant la loi littoral.
Cette affirmation par le juge administratif de la valeur constitutionnelle de la charte de l'environnement est essentielle à l'instar de la volonté du juge judiciaire d'affirmer, il y a quelques mois, la nécessité de la réparation du préjudice écologique dans l'affaire Erika.

Cette montée en puissance des juges pour défendre les principes fondamentaux de l'environnement apparaît d'autant plus importante que d'une part certains acteurs économiques cherchent à bénéficier de régimes dérogatoires de droit commun - en pleine contradiction avec les principes fondamentaux affirmés par le droit communautaire et par la charte de l'environnement - et que d'autre part les débats autour du Grenelle montrent la difficulté politique à faire progresser effectivement le droit.

En revanche, la part prise par les organisations non-gouvernementales dans le changement d'état d'esprit de nos concitoyens et dans l'évolution d'une grande partie de la société économique démontre, si besoin était, que les citoyens continueront à être les acteurs majeurs, comme ils l'ont été depuis 40 ans, des progrès accomplis par le droit de l'environnement. Or, il ne peut y avoir de progrès pour autant qu'un juge, quel qu'il soit, accepte de prendre un dossier et de rendre une décision progressiste.

Les efforts des juridictions françaises et plus précisément l'arrêt d'assemblée qui vient d'être rendu apparaissent donc d'autant plus intéressants que la modification constitutionnelle qui vient d'intervenir ouvre désormais la voie à l'inconstitutionnalité des lois. Cela signifie tout simplement que nos concitoyens pourront désormais, à l'occasion d'un recours dirigé contre un acte administratif ou à l'occasion d'une procédure judiciaire, soulever le caractère inconstitutionnel de la loi.

Dans la mesure où le Conseil d'État vient de reconnaître une valeur constitutionnelle et directement invocable par les citoyens à toute la charte de l'environnement, il est clair que ses principes pourront être invoqués à l'encontre des lois existantes. Dans la mesure où les principes fondamentaux donnent une liberté au juge, les citoyens pourront donc dès lors aisément faire valoir de nouveaux espaces de progrès pour le droit de l'environnement. Et ce, qu'elles que soient par ailleurs les réticences actuelles du législateur pour donner au Grenelle de l'Environnement toute la mesure qui devrait être la sienne.

Corinne LEPAGE
Avocate, ancien Ministre de l'Environnement, Présidente de Cap21.

Les Chroniques de Corinne Lepage et Yves Cochet sont publiées tous les mois et en alternance, sur Actu-Environnement.


* Les grands lacs de montagne (lacs d'une superficie supérieure à 1000 hectares) sont en principe soumis à une double législation : la loi montagne, mais aussi la loi littoral. Les communes riveraines bénéficient ainsi d'un niveau élevé de protection. Le recours portait sur un décret d'application d'une loi qui visait à réduire cette protection (L. 145-1 du code de l'urbanisme) : elle prévoit que la loi littoral est applicable uniquement au sein d'un périmètre restreint autour du lac (périmètre qui reste à délimiter par des décisions particulières), et non plus sur l'ensemble du territoire des communes riveraines. La commune d'Annecy, qui souhaitait maintenir un haut niveau de protection, avait formé un recours contre ce décret.

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6 Commentaires

Berny

Le 09/10/2008 à 7h30

Depuis Janvier 2008 l"article 44 de la loi du 5 janvier 2006 devrait etre appliqué.
Cette loi obligerait les entreprises effectuant des travaux a utiliser dans le maériel hydraulique des huiles biodegradables pour réduire les risques de pollution environementale.
Cette loi concerne les huiles de graissage des chaines de tronçonneuse,les huiles de decoffrage et les graisses.
Cela concerne le secteur forestier, agricole, construction.
Le decret d'application n'a toujours pas été publié!!!

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Esteban2

Le 09/10/2008 à 14h51

Ces dispositions vont dans le bon sens; ce dans la mesure où les citoyens désireux d'en découdre avec untel ou untel ne l'utiliseront pas comme arme juridique ... à d'autres fins.
L'esprit procédurier de beaucoup nos contemporains ne permet pas de juger ce texte avec un a priori favorable.

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KLODANRI

Le 09/10/2008 à 17h58

à l'atention de Me. LEPAGE,
Merci en général pour votre action.
ne pourrait -on pas s'appuyer sur cette affaire pour surveiller et arrêter les incinérateurs POLLUANTS qui sévissnet en France et en Europe et détruisent - au prix fort - au bénéfice de QUI ?? - des matières plastiques issues de produits fossiles non renoouvelables à l'échelle humaine ?
Quand donc l'Administration et en particulier les DRIRE favoriseront le recyclage au lieu de favoriser l'incinération ???
A qui profite le crime ??

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Paysan

Le 10/10/2008 à 0h57

Bonsoir,

Comme vous je suis sensible aux atteintes portées à la nature, mais ne tombons pas dans l’excès.

Une pollution,
C’est le dépassement de la capacité d’absorption et/ou de recyclage d’un élément étranger à un milieu en équilibre ou en auto-équilibre par ce dernier dans un délai raisonnable
La miction d’un chat sur la moquette d’un appartement provoque une pollution, la même miction dans votre jardin sera absorbée par le milieu. La répétition fréquente de cet acte à un même endroit de votre jardin entraînera une pollution
Etes vous sûr que le rejet des produits d’origine minérale que vous citez « huiles de graissage des chaînes de tronçonneuse, huiles de décoffrage et les graisses » soient une pollution tels que je l’ai défini ci-dessus.
Avec quoi graissez-vous la chaîne de votre vélo.
Les pneumatiques d’un vélo, les semelles crêpe des chaussures sont des atteintes à l’environnement à longs cycles.
Je ne veux pas ici remettre en cause les textes élaborés par nos élus.
Parfois ces derniers, pour avoir cédé à un lobby, n’ont pas d’autre solution que de s’adresser à la sagesse et à l’expérience du Conseil d’Etat pour modérer l’impact d’un article élaboré sous la seule pression.

Cordialement

Paysan

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Flo

Le 12/10/2008 à 15h28

Objet : Un document visant à contourner l’application de la loi Littoral en Corse, sera soumis au vote de l’assemblée de Corse dans quelques semaines.

trois exemples :
• les espaces remarquables sont déclassés. Le Padduc déclasse nombre de ces espaces et les ouvre à l’urbanisation.
• La limite des Espaces proches du rivage est systématiquement rapproché du littoral.
• Les terres à haute potentialité agricole sont ouvertes à l’urbanisation (pour infrastructures d’activités de loisir, hameaux nouveaux, routes...) bref elles ne sont plus protégées.

Le Padduc demande une modification législative : la non application de la loi littoral au profit de la loi montagne au-delà des Espaces proches du rivage.

Cette urbanisation ne va, ni dans le sens de la sauvegarde de la biodiversité, ni dans celui du tourisme durable.
Si elle grève gravement l’avenir de la Corse, elle ouvre une brèche juridique dans l’application de la loi littoral.

Ce que je vous demande ?
De faire savoir ce qui se passe en Corse (peut-être en faisant suivre ce mél).
De vous informer, sur toutes les incidences environnementales de ce Padduc mais aussi sociales, économiques, culturelles.

Et, peut-être, si vous en êtes d’accord, de soutenir le mouvement public qui s’organise en signant l’appel destiné à être entendu des élus territoriaux.
Un grand merci pour votre écoute.

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Kine

Le 12/10/2008 à 21h30

bonsoir,
dans bien des cas,ce sont les communes qui sont demandeurs d'incinérateurs;c'est tellement plus simple.Malheureusement,de nombreux contrats stipulent que les communes doivent fournir un tonnage minimum de déchets à incinérer.Ce qui ne favorise pas le tri évidemment.De plus le rendement énergétique de ces centrales est très mauvais,car les apports de déchets "humides" sont très importants.Ils doivent d'abord ètre séchés!!!

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