Dans le cadre de la seconde stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE 2) (2019-2022), l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) vient de publier deux avis portant sur ses travaux relatifs à l'évaluation de ces substances chimiques. La SNPE 2 prévoit en effet la publication d'une liste officielle des substances perturbatrices endocriniennes classées en trois catégories : avérées, présumées et suspectées. Cette liste doit permettre d'informer le public et, pour les industriels, d'anticiper les substitutions qui s'avèreront nécessaires. L'Anses a donc débuté ses travaux de listing.
Pour arriver à ses fins, l'Agence va se baser sur la définition des substances PE établie par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Cette définition date de 2002, et est actuellement la plus largement reconnue : « Un perturbateur endocrinien est une substance ou un mélange de substances, qui altère les fonctions du système endocrinien et de ce fait induit des effets néfastes dans un organisme intact, chez sa progéniture ou au sein de (sous)-populations ». L'Anses rappelle toutefois qu'une définition des PE pour les substances contenues dans les produits phytopharmaceutiques et les produits biocides a été adoptée en 2017 au niveau européen. Pour les substances phytopharmaceutiques et biocides, l'Agence se base donc sur la définition européenne. Mais également sur la méthodologie développée dans le document guide conjoint de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) et de l'Agence européenne des produits chimiques (Echa) publié le 5 juin 2018.
Sans oublier les travaux qu'elle a déjà menés : « De nombreuses substances chimiques sont suspectées d'avoir ces propriétés telles que les bisphénols, les phtalates, les parabènes, les composés bromés, perfluorés, alkylphénols… », rappelle l'Agence. Elle a déjà identifié le bisphénol A comme perturbateur endocrinien pour l'Homme et plus récemment « le TNPP contenant du nonyl-phenol et le bisphénol B ».
Une liste de 906 substances chimiques d'intérêt recensées
Cette liste de 906 substances d'intérêt regroupe donc « un certain nombre de substances déjà interdites ou fortement encadrées en Europe, et d'autres qui n'y sont pas utilisées », précise l'Agence. Ces substances ont des « usages multiples » : certaines sont uniquement employées lors des processus industriels, d'autres sont présentes dans des produits de consommation courante, des produits phytopharmaceutiques, des biocides ou des médicaments. Certaines d'entre elles font déjà l'objet, dans le cadre réglementaire européen, de dispositions d'évaluation de leurs propriétés de perturbation endocrinienne.
16 substances prioritaires à évaluer
Dans un second temps, l'Anses a hiérarchisé cette liste de substances d'intérêt et en a retenu seize qu'elle juge prioritaires à évaluer. Ces substances doivent « faire l'objet d'une évaluation de leur danger en tant que perturbateur endocrinien ». Parmi ces 16 substances figurent l'éthylbenzène, la mélamine, le tétrachloroéthylène ou encore le nitrite de sodium et le chlorure de zinc.
Les travaux de priorisation sont limités aux substances dont l'Anses pourrait être chargée, dans le cadre de son activité dans le champ des substances chimiques soumises au règlement européen Reach. L'Agence privilégie ainsi l'évaluation des substances chimiques ayant une quantité de données susceptibles de lui permettre de l'examiner au regard de la définition de l'OMS. Par ailleurs, les substances actives phytopharmaceutiques et biocides, qui font l'objet de leur propre calendrier d'évaluation au niveau européen, ne sont pas soumises à priorisation.
L'Agence formulera sa recommandation aux ministères chargés de la SNPE 2, sur ces substances prioritaires à inclure à son programme de travail dès l'année 2021. « Ces travaux s'inscrivent en complément des processus d'évaluation européens déjà à l'œuvre pour évaluer le caractère de perturbation endocrinienne de substances », ajoute l'Anses.
Déterminer les PE avérés, présumés ou suspectés
Pour classer ces substances, l'Agence propose une méthode pour déterminer s'il s'agit d'un
Ainsi, les substances sont considérées PE avérées pour lesquelles la probabilité qu'elles soient PE « est forte (plus de 90 %) ». Les substances sont présumées PE « pour lesquelles on ne peut pas affirmer qu'elles sont un PE mais pour lesquelles la suspicion est forte (probabilité entre 66 % et 90 %) ». Enfin, les substances sont suspectées PE pour lesquelles « il y a des informations préoccupantes, mais pas assez pour permettre un jugement approfondi (probabilité entre 5 % et 66 %) ».
L'Anses insiste sur la nécessité qu'une évaluation de substance « au titre du danger PE en vue de sa catégorisation soit faite, de manière unique, indépendamment de tout contexte règlementaire ». De plus, cette catégorisation des PE « permettra de mettre en place des mesures de gestions adaptées selon les règlementations sectorielles, ce qui n'est actuellement pas le cas », conclut l'Agence.
Par ailleurs, des discussions sont en cours pour créer une classe de danger pour les perturbateurs endocriniens dans le cadre du règlement européen CLP (Classification, étiquetage et emballage des substances et mélanges).