Les chercheurs de Midas (1) , un projet de recherche basé au Royaume-Uni qui étudie les effets du réchauffement dans l'Antarctique de l'Ouest, ont observé le 1er mai 2017 un changement significatif dans la faille de la plateforme de glace Larsen C, susceptible de créer un gigantesque iceberg, de la taille du département de la Creuse.
"Cet événement va fondamentalement modifier le paysage de la péninsule antarctique. Nous avons déjà montré que la nouvelle configuration serait moins stable que précédemment, et que Larsen C pourrait éventuellement suivre l'exemple de sa voisine Larsen B, qui s'est désintégrée en 2002 à la suite d'une rupture similaire", précisent les chercheurs de Midas. Ces scientifiques ont estimé l'an dernier que la faille pourrait causer la séparation d'un iceberg d'environ 5.000 km².
Rivières et cascades
Parallèlement, des glaciologues ont rassemblé des images militaires et satellites de l'Antarctique et ont cartographié l'inimaginable : un réseau de rivières, de courants, de lacs, d'étangs et une cascade, s'écoulant depuis la plate-forme du continent dont la température moyenne annuelle est de -50°C. En 1909, Ernest Shackleton et ses compagnons d'exploration avaient déjà dû traverser des rivières et des lacs sur la plateforme glaciaire de Nansen.
Dans un article publié dans Nature le 19 avril 2017, Jonathan Kingslake (2) , un glaciologue de l'Observatoire terrestre de Université de Lamont-Doherty à l'université de Columbia (Etats-Unis) rapporte avoir compilé et étudié des clichés pris par des avions militaires depuis 1947 et des images satellites depuis 1973. Il identifie près de 700 réseaux saisonniers de lacs, de canaux et de faisceaux de rivières qui s'écoulent de toutes parts sur le continent, à seulement 600 km du pôle sud et à des altitudes allant jusqu'à 1.300 mètres.
"Nos résultats suggèrent que, dans un climat futur réchauffé, les rivières de surface pourraient exporter les glaces en fonte en dehors des grandes plateformes qui entourent l'Antarctique, à la différence des modèles actuels d'évolution des calottes glaciaires de l'Antarctique selon lesquels l'eau issue des glaces fondues s'accumule sur la surface de la glace à partir de laquelle elle entraîne la désintégration de la plateforme", explique Jonathan Kingslake.
Dans un monde qui se réchauffe rapidement à mesure que l'humanité émet toujours plus de gaz à effet de serre, les chercheurs s'attendent à observer une hausse du volume d'eau issue de la fonte de la plateforme sur la surface du pôle sud, voire un doublement du rythme de fonte d'ici à 2050. Ce qui est en question est de savoir si ce phénomène va accentuer l'instabilité de la banquise qui entoure le continent.
Rétroactions des glaces en fonte
"En période de réchauffement climatique, un drainage de surface plus intense accélérerait la perte future de masses de glaces de l'Antarctique, potentiellement via des rétroactions positives entre la surface des roches exposées, la fonte et le rétrécissement de la couverture de glace", souligne Jonathan Kingslake.
Une question de poids demeure : le niveau de la fonte de surface a-t-il augmenté durant les sept dernières décennies ? Les chercheurs ne disposent pas d'éléments suffisants pour l'estimer. Selon Jonathan Kingslake, "sans recherches plus poussées, nous ne pouvons pas l'affirmer. A partir de maintenant, il sera réellement important de comprendre comment ces systèmes vont évoluer sous l'effet du réchauffement climatique et comment celui-ci va affecter les glaces".
La plupart des systèmes d'écoulement semblent avoir pour origine les montagnes de l'Antarctique. Près des affleurements de roches, ou dans des endroits où des vents violents ont éliminé la neige qui enveloppait la glace, les roches sont sombres, la glace exposée est de couleur bleue, et pendant les longues journées de l'été de l'Antarctique, ces éléments absorberaient plus d'énergie solaire que la neige blanche ou la glace. Ce serait suffisant pour déclencher le processus de fonte.