Le Conseil d'Etat a rendu, le 26 octobre, trois décisions portant sur la légalité des arrêtés des maires de Saint-Denis (93), Pennes-Mirabeau (13) et Bordeaux qui réglementaient l'implantation des antennes de téléphonie mobile sur le territoire de leur commune sur le fondement de leur compétence de police générale, au nom du principe de précaution.
Police spéciale relevant de l'Etat
La Ville de Bordeaux, enfin, avait décidé de soumettre tout projet d'implantation d'antenne à une procédure préalable, d'interdire toute implantation à moins de 100 mètres de lieux recevant régulièrement des enfants de moins de 12 ans ainsi que toute modification des réglages "aboutissant à une augmentation significative".
En bref, la réglementation de l'implantation des antennes relais relève d'une police administrative spéciale confiée à l'Etat et non de la police générale du maire. Le Conseil d'Etat juge en effet que le législateur a organisé de manière complète une police spéciale des communications électroniques à travers le Code des postes et des communications électroniques.
Par conséquent, seules les autorités de l'Etat, ministre chargé des communications électroniques, ARCEP et ANFR, ont la compétence pour déterminer les modalités d'implantations des stations radioélectriques sur l'ensemble du territoire ainsi que les mesures de protection du public contre les effets des ondes électromagnétiques. Pour cela, elles peuvent s'appuyer sur une expertise non disponible au niveau local, relève le Conseil d'Etat.
Le principe de précaution encadré
Par ces trois décisions, le Conseil d'Etat encadre aussi le principe de précaution consacré par l'article 5 de la Charte de l'environnement.
"S'il est applicable à toute autorité publique dans ses domaines d'attributions, il ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d'excéder son champ de compétence et d'intervenir en dehors de ses domaines d'attributions", indique le Conseil.
Aussi, même dans l'hypothèse où les valeurs limites d'exposition du public aux champs électromagnétiques fixées par décret ne prendraient pas suffisamment en compte les exigences posées par ce principe, les maires ne seraient pas pour autant habilités à adopter leur propre réglementation.
Ces décisions du Conseil d'Etat ne portent toutefois que sur la question de l'autorité compétente pour édicter une réglementation générale des implantations d'antennes relais. Les maires conservent la possibilité de prendre des arrêtés individuels de police municipale, en cas d'urgence notamment, portant sur une antenne relais déterminée et au regard de circonstances locales exceptionnelles.
Pas de remise en cause du rôle des maires selon Eric Besson
Pour Eric Besson, ministre de l'Industrie, "cette décision ne réduit en aucun cas le rôle du maire, qui reste un acteur incontournable du déploiement des réseaux mobiles, dans le cadre d'un partenariat avec les opérateurs". Il rappelle à cette occasion que des expérimentations ont été organisées dans 28 villes pilotes afin d'identifier de nouvelles procédures de concertation pour accompagner les projets d'implantation d'antennes relais et d'évaluer la faisabilité d'un abaissement de l'exposition aux radiofréquences. "Ces travaux se poursuivent aujourd'hui au sein d'un comité technique, auquel participent des représentants des maires", ajoute le ministre.
"Au-delà de cette décision, les opérateurs souhaitent poursuivre le dialogue avec les élus et les citoyens", a déclaré à l'AFP Jean-Marie Danjou, directeur général délégué au collège mobile de la Fédération française des opérateurs (FFT).
Ces décisions vont intéresser également la Ville de Paris qui a annoncé le 17 octobre la suspension de toute nouvelle installation d'antennes relais sur les bâtiments lui appartenant après avoir rompu les négociations avec les opérateurs sur le renouvellement de la charte de téléphonie mobile signée en 2003. "Nous ne nous sentons pas concernés" par la décision du Conseil d'Etat, a toutefois déclaré Mao Péninou, adjoint (PS) chargé de la qualité des services publics municipaux, dans une déclaration à l'AFP. La FFT, de son côté, a fait part de sa volonté de poursuivre la négociation dans la capitale. "Nous sommes dans un esprit d'apaisement", a déclaré Jean-Marie Danjou.
Pour les associations, qui avaient appelé Paris à "tenir bon face à l'intransigeance des opérateurs", il ne s'agit pas d'une bonne nouvelle. Ces décisions pourraient venir conforter leur sentiment d'assister à un enterrement du Grenelle des ondes, sentiment manifesté à l'occasion de la publication, le 30 août dernier, des résultats des mesures d'exposition aux ondes électromagnétiques par le comité opérationnel "radiofréquences".
"Plus que jamais, c'est donc à l'Etat de prendre ses responsabilités et de mettre en place une réglementation nationale respectueuse de la santé publique des riverains d'antennes-relais", réagit l'association Priartem dans un communiqué où elle dénonce les intérêts et le pouvoir "des lobbys de la téléphonie mobile".