Par deux décisions du 30 janvier 2012, le Conseil d'Etat a annulé les arrêtés du maire de Noisy-le-Grand par lesquels il avait fait opposition aux déclarations préalables d'installation d'antennes mobiles par la société Orange, en se fondant notamment sur le principe de précaution.
En octobre dernier, la Haute juridiction administrative avait déjà rendu des décisions portant sur la question de la réglementation des antennes relais par les maires. Elle avait considéré que ces derniers n'étaient pas compétents pour réglementer de manière générale l'implantation des antennes relais sur le territoire de leur commune et que l'invocation du principe de précaution ne pouvait permettre à une autorité publique d'excéder son champ de compétence.
Une autorisation ne peut être refusée en l'absence d'éléments circonstanciés
Avec ces nouvelles décisions, le Conseil d'Etat reconnaît qu'il appartient à l'autorité administrative compétente "de prendre en compte le principe de précaution lorsqu'elle se prononce sur l'octroi d'une autorisation délivrée en application de la législation sur l'urbanisme". Mais cela ne permet pas "de refuser légalement la délivrance d'une autorisation d'urbanisme en l'absence d'éléments circonstanciés faisant apparaître, en l'état des connaissances scientifiques, des risques, même incertains, de nature à justifier un tel refus".
En l'espèce, la Haute juridiction considère que le maire n'était pas en mesure d'estimer que le projet présentait un risque de nature à méconnaître le principe de précaution. Ce dernier avait seulement invoqué des risques incertains "sans rechercher si des éléments circonstanciés étaient de nature, en l'état des connaissances scientifiques et des pièces versées au dossier, à justifier qu'il soit fait opposition à la déclaration préalable".
Jugeant l'affaire au fond, le Conseil d'Etat estime qu'il ne ressort des pièces versées au dossier "aucun élément circonstancié de nature à établir l'existence, en l'état des connaissances scientifiques, d'un risque pouvant résulter, pour le public, de son exposition aux champs électromagnétiques émis par les antennes relais de téléphonie mobile". Rien ne justifiait donc, selon la Haute juridiction, que le maire s'oppose à la déclaration préalable faite par l'opérateur de téléphonie mobile.
"Cet arrêt est intéressant en ce qu'il démontre que, lors de l'instruction d'une demande d'autorisation d'urbanisme, l'autorité administrative doit "prendre en compte" le principe de précaution", analyse Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l'environnement. "Toutefois, ajoute-t-il, cette prise en compte ne peut se borner à refuser une autorisation d'urbanisme au seul motif de l'existence d'un risque incertain".
L'Assemblée nationale à la rescousse de la jurisprudence
Il est intéressant de souligner que cette décision du Conseil d'Etat a été rendue quelques jours avant le vote par l'Assemblée nationale de sa proposition de résolution visant à encadrer la mise en œuvre du principe de précaution. Les auteurs de cette proposition ont indiqué qu'ils souhaitaient éviter de laisser la responsabilité de définir les modalités de cette mise en œuvre à la seule jurisprudence.
Lors des débats de l'Assemblée nationale du 1er février dernier, portant sur cette proposition de résolution, Alain Gest (UMP – Somme) confirmait que le débat sur les éventuels dangers pour la santé du téléphone mobile et de ses antennes relais l'avait alerté "sur les difficultés, pour la jurisprudence, de bien interpréter la volonté du législateur en matière de précaution".
"N'est-il pas curieux de constater qu'en France, alors même que l'absence de risques liés aux antennes relais réunit un quasi-consensus scientifique, c'est justement dans ce domaine que les cours d'appel de Versailles, en 2009, et de Montpellier, en 2010, ont rendu des décisions visant à démanteler des antennes relais, en se fondant sur un unique rapport dont le caractère authentiquement scientifique n'est pas reconnu, et en s'appuyant sur le principe de précaution ?", s'interroge le député.
Et d'ajouter : "Décisions judiciaires contestables, absence de jurisprudence de la Cour de cassation, divergences d'appréciation des juridictions judiciaires et administratives, notamment du Conseil d'État, tout cela concernant les antennes relais mais en aucun cas la question plus légitime de l'exposition à long terme aux téléphones mobiles eux-mêmes, et s'insérant dans un contexte médiatique qui rend, là encore, très difficile une appréciation rationnelle de la problématique du risque éventuel pour la santé".