Le captage et stockage du carbone (CSC) ne semble pas être une priorité pour les Etats membres de l'Union européenne. Certains ont préféré l'interdire sur certaines parties de leur territoire, voire la totalité, et d'autres ont transposé la directive européenne en durcissant certains aspects. Et pourtant, la technologie est jugée importante dans le cadre de la feuille de route Energie 2050, rappelle l'exécutif européen…
Tel est le constat qui ressort du rapport de la Commission européenne présentant la mise en œuvre de la directive 2009/31/CE relative au stockage géologique du CO2. Le document lui-même, rendu public fin février 2014 et rédigé en application de son article 38, aurait dû être rendu avant le 31 mars 2012…
Une dizaine d'Etats interdisent ou restreignent le CSC
Premier constat, seul un Etat membre avait transposé la réglementation européenne encadrant le CSC à la date prévue par la directive, soit le 25 juin 2011. La Commission a donc sévi et en octobre 2013 l'ensemble des pays ont finalement indiqué avoir transposé le droit européen. Néanmoins, sept Etats membres restent sous le coup d'une procédure d'infraction, la Commission jugeant les transpositions incomplètes ou lacunaires.
Finalement, la Commission constate que la Finlande, le Luxembourg et la Belgique ont décidé d'interdire sur tout ou partie de leur territoire le CSC, compte tenu de l'inadéquation de leur sous-sol. De même, l'Autriche, l'Estonie, l'Irlande, la Lettonie, la Slovénie et la Suède ont totalement interdit le CSC sur leur territoire et l'Allemagne et la République Tchèque l'ont restreint. L'Allemagne, par exemple, a limité le stockage annuel sur son territoire à 4 millions de tonnes de CO2 (MtCO2) et le stockage de chaque site à 1,3 MtCO2.
Par ailleurs, plutôt que d'amender à la marge leur législation, la plupart des pays ont décidé d'adopter des textes spécifiques au CSC. Dix-sept Etats membres ont dû réviser leur législation environnementale et huit d'entre eux ont aussi modifié leur législation minière. La plupart des Etats membres ont choisi de désigner plusieurs autorités compétentes pour suivre les différents volets des activités de CSC. Pour 18 Etats membres, ces autorités sont issues du domaine environnemental.
Quant à savoir quelles sont les zones favorables au stockage du CO2, la Commission constate que très peu d'Etats membres ont finalisé l'évaluation de leur potentiel géologique. Les seuls chiffres avancés dans le rapport sont ceux issus du projet européen GeoCapacity. Ils datent de 2009.
Le rapport constate aussi la quasi-absence de projets concrets dans l'Union. En effet, la Commission n'a eu à émettre qu'un seul avis relatif à une demande de permis d'enfouissement de CO2, pour un projet de stockage de 8,1 MtCO2 aux Pays-Bas. Or, toutes les demandes de permis déposées dans un Etat membre doivent impérativement être validées par Bruxelles…
En revanche, l'Espagne, la France, l'Italie, la Pologne, la République Tchèque et le Royaume-Uni ont déjà accordé, ou s'apprêtent à accorder, des permis d'exploration qui permettent de vérifier la nature du sous-sol avant d'envisager un projet de CSC.
Une législation précisée, voire renforcée
D'autre part, la législation européenne a parfois été précisée lors de sa transposition. Ainsi, la directive stipule que le flux de CO2 injecté doit être le plus pur possible sans pour autant fixer de limite aux divers résidus qui pourraient être enfouis avec. Certains Etats membres ont précisé ce point en fixant des seuils. De même, le contrôle de la pureté du CO2 a été précisé. L'Estonie a imposé un contrôle mensuel de la qualité du flux et l'Allemagne a choisi un contrôle semestriel.
Une fois l'enfouissement du CO2 achevé, la directive prévoit le transfert de la responsabilité de l'opérateur vers une autorité ad hoc. La plupart des Etats membres ayant autorisé le stockage dans leur sous-sol ont choisi de fixer à 20 ans la période minimale entre la fermeture de l'installation et le transfert à l'autorité. Mais certains ont préféré fixer cette période à 30 ou 40 ans et d'autres ont préféré des mesures au cas par cas.
Enfin, les garanties financières imposées aux industriels sont globalement conformes à ce que prévoyait la législation. Mais, là encore, certains pays ont choisi de renforcer ce point lors de la transposition. C'est le cas de la Hongrie qui a retenu un montant issu de son droit minier pour la garantie financière couvrant la période d'activité. Afin d'assurer les risques une fois le site fermé, l'Allemagne a pour sa part imposé que l'industriel dépose auprès de l'autorité compétente l'équivalant de 3% de la valeur du CO2 enfoui, valeur calculée à partir des cotations sur le marché carbone.