
Conseiller régional d'Ile-de-France et auteur d'un rapport de mission sur les arbres
Actu-Environnement.com : La perception du public vis-à-vis de l'arbre en ville a-t-elle évolué ?
Yann Wehrling : Le fait que les habitants soient très attachés aux arbres n'est pas une nouveauté. Mais il est vrai que les élus et les services techniques des collectivités locales craignent de plus en plus les réactions de populations parfois très militantes. Dans certains cas, cela leur pose de gros problèmes alors que l'intervention sur les arbres est nécessaire en raison de maladies. Un travail de pédagogie est donc indispensable mais toutes les collectivités ne sont pas dotées des mêmes moyens pour le mener à bien.
AE : Cela signifie-t-il que le public a une perception erronée des nécessités d'entretien et de coupe des arbres ?
YW : Non. Dans de nombreux cas, ce sont les collectivités qui ont tort. Certains services traitent à la légère les populations d'arbres. C'est le cas par exemple de services de voirie, plus que ceux des espaces verts davantage sensibilisés, qui, quand ils éventrent des rues entières pour des travaux sur les canalisations, coupent les racines et blessent les arbres. Deux ans après, ces derniers sont coupés parce que malades. En matière d'élagage, dans bien des cas, on suit les habitudes et les opérations sont rudes, fragilisant là aussi les arbres. Quant aux coupes, je ne dis pas qu'elles doivent être totalement proscrites mais je constate que la question des alternatives n'est souvent pas posée. Résultats : les services procèdent aux coupes en catimini, la nuit ou le week-end. Mais cela ne sert à rien au final. C'est le fait de les couper qui choque. En milieu urbain tout au moins car, en milieu forestier, les coupes ne posent pas de problème dès lors qu'elles sont faites de manière durable.
AE : Les pratiques n'évoluent-elles pas en la matière ?
YW : Si, je constate une évolution de certains élus qui, convaincus ou de peur que la population ne leur tombe dessus, sont plus à son écoute et deviennent plus fermes avec les services. Car ces derniers sont souvent dans la technicité et non dans la sensibilité. Certains ingénieurs, y compris des jeunes, sont dans le mépris vis-à-vis du discours sur la protection des arbres, n'attachant d'importance qu'au chantier qu'ils ont à mener à bien. Des modules de sensibilisation devraient être généralisés dans les cours des écoles d'ingénieurs.
AE : Comment se traduit la nouvelle sensibilité des élus ?
YW : La replantation d'arbres en lieu et place, ou à proximité, des arbres coupés devient une règle générale. Mais, quand il s'agit de grands arbres centenaires remplacés par de jeunes arbres, c'est une compensation qui se moque du monde. Entre un énorme feuillage et trois ou quatre petits arbres, rien de comparable par exemple sur la fonction de rafraichissement de l'air, particulièrement importante avec le réchauffement climatique.
AE : Que proposez-vous pour améliorer la protection de l'arbre urbain ?
YW : Il faut repenser l'urbanisme en fonction des arbres, de la même manière qu'on le fait avec le patrimoine bâti historique. Il s'agit de construire avec et autour de l'arbre. Valérie Pécresse m'a confié une mission sur les arbres remarquables. Nous travaillons à leur recensement avec des critères harmonisés sur toute l'lle-de-France. L'association A.R.B.R.E.S a classé les arbres en fonction de leur intérêt historique, esthétique ou biologique avec des critères exigeants. Nous allons croiser ces critères avec les inventaires déjà menés par des collectivités comme la Ville de Paris ou le département de Seine-et-Marne. Le travail d'inventaire s'achèvera en septembre-octobre et pourrait donner lieu à un classement à trois niveaux : un niveau sévère avec les critères les plus exigeants, un deuxième recensant les arbres remarquables avec un degré de protection moindre, et un troisième niveau correspondant à des arbres signalés par la population dans le cadre d'une démarche citoyenne.
AE : Que va changer cet inventaire pour les collectivités ?
YW : Il permettra d'informer, voire d'alerter les collectivités locales dès que des travaux impacteront des arbres inventoriés. La Région n'a toutefois pas de pouvoir réglementaire. C'est la raison pour laquelle j'ai écrit au secrétaire d'Etat Julien Denormandie afin d'inscrire dans la loi Elan la protection des arbres remarquables, de la même façon qu'une protection existe pour les bâtiments classés. Dans un deuxième temps, nous publierons un guide de bonnes pratiques à destination des collectivités.