La "légitimité géographique" de l'Union européenne sur l'Arctique ne fait pas de doute, explique le sénateur écologiste André Gattolin (Hauts-de-Seine) lors de la présentation de son rapport "Arctique : préoccupations européennes pour un enjeu global", jeudi 10 juillet. En effet, le Danemark (Groenland), la Finlande et la Suède, membres de l'Union européenne, sont traversés par le cercle polaire (66° nord) et appartiennent ainsi à ce que l'on nomme la "région arctique". C'est aussi le cas de la Norvège et de l'Islande, membres de l'Espace économique européen (EEE).
L'Union européenne doit réparer les erreurs du passé
Dans ses conclusions du 12 mai, le Conseil de l'Union européenne a demandé à la Commission de lui soumettre, avant la fin 2015, "des propositions sur la poursuite du développement d'une politique intégrée et cohérente pour la région arctique", relaye le rapport sénatorial. L'objectif est de passer d'une approche européenne "embryonnaire" à une véritable politique "intégrée", explique André Gattolin.
Mais l'Union doit "réparer les erreurs du passé", avertit le rapport. Le député incite ainsi à "surmonter le traumatisme causé par l'interdiction du commerce des produits du phoque", décidée par l'Union européenne en 2009. En interdisant les produits dérivés du phoque sur son territoire, "pour des raisons éthiques liées au bien-être de l'animal", l'Union "a contribué à considérablement réduire l'activité de la chasse et les ressources des populations autochtones". Or, au Canada, 600.000 personnes (locaux et inuites) dépendent de la chasse au phoque, explique l'étude.
En outre, la résolution du 9 octobre 2008 du Parlement "a considérablement dégradé l'image (…) de l'Union elle-même auprès des Etats et des populations de l'Arctique", ajoute le document sénatorial. Cette résolution visait à sanctuariser l'Arctique, à la manière de l'Antarctique qui a le statut de "réserve naturelle consacrée à la paix et à la science". En effet, "à la différence de l'Antarctique, l'Arctique n'est pas un continent sans habitants, mais un océan entouré de continents et peuplé de quatre millions d'habitants", clarifie le rapport.
Une politique intégrée, mais laquelle ?
André Gattolin pointe les "dangers de l'exploitation en mer et le risque de marée noire". Mais quelle sera la politique européenne "intégrée" et "cohérente" sur l'exploitation d'hydrocarbures en Arctique ?
Le sénateur évoque les "coûts d'exploitation off-shore bien trop élevés" et donc dissuasifs, ainsi que les sociétés pétrolières "conscientes" du risque pour l'environnement et, par conséquent, pour leur image. "Du pétrole sur le Groenland, ce serait un désastre. Une fuite causerait trop de dommages à l'image à la compagnie", avait déclaré le président de Total, dont les propos sont cités en exemple du "recul provisoire" des sociétés pétrolières en Arctique. De toute évidence, ces garanties n'en sont pas. En témoignent les projets de forage du pétrolier Shell en Arctique, dénoncés par une campagne de Greenpeace.
Pourtant, la question est cruciale. "Aujourd'hui, pour beaucoup d'experts, il serait tout à fait impossible de lutter contre une marée noire en milieu polaire", alerte le rapport. Or, une marée noire est statistiquement inévitable. En effet, selon l'agence américaine Minerals Management Service, "les blocs de concessions situés dans l'océan Arctique ou à proximité de l'Alaska ont une chance sur cinq d'être à l'origine d'une marée noire au cours de leur durée d'exploitation", précise l'étude.
Ainsi, ces possibilités économiques doivent faire l'objet d'une position claire de la France, qui prépare actuellement sa feuille de route pour l'Arctique, et surtout de l'Union européenne. L'arbitrage entre opportunités et risques reste donc ouvert, et c'est à se demander si cette "légitimité européenne" sur l'Arctique résulte d'un droit économique plutôt que d'un devoir écologique.