Ce mercredi 4 mars, Areva a officialisé le montant de ses pertes et présenté les premières pistes de son plan de redressement. En 2014, le groupe nucléaire français a enregistré un chiffre d'affaires de 8,34 milliards d'euros (en baisse de 7,2% à périmètre constant) pour une perte nette de 4,83 milliards.
"L'ampleur de la perte nette de l'exercice 2014 illustre le double défi auquel Areva est confronté, estime Philippe Knoche, son directeur général, stagnation durable des activités nucléaires, manque de compétitivité et difficile gestion des risques inhérents aux grands projets".
Résultat opérationnel en chute libre
L'excédent brut d'exploitation, qui traduit la performance industrielle et commerciale de l'entreprise avant amortissements et provisions, s'élève à 735 millions (en baisse de 257 millions). Après prise en compte des amortissements et provisions, le résultat opérationnel affiche une perte de 2,64 milliards, contre un résultat positif de 34 millions en 2013.
Un rapprochement avec EDF avant une possible recapitalisation ?
Dans un communiqué publié ce mercredi, Ségolène Royal, ministre en charge de l'énergie, Emmanuel Macron, ministre de l'Economie, et Michel Sapin, ministre des Finances, indiquent "[prendre] acte" des résultats publiés. "Ces chiffres traduisent la situation difficile dans laquelle se trouve l'entreprise qui appelle des mesures fortes de redressement", estiment-ils.
"L'Etat accorde la plus haute importance à Areva (…) dont il est, directement ou indirectement, le principal actionnaire", expliquent les ministres, annonçant "[examiner] les propositions des directions générales d'EDF et d'Areva qui se sont engagées dans des discussions en vue d'une refondation industrielle de la filière [nucléaire] française".
Quant à un éventuel renflouement du groupe via une recapitalisation, elle viendra "le moment venu".
Ces opérations comptables, censées apurer les comptes de l'entreprise pour repartir sur des bases saines, constituent la deuxième opération de ce type après celle de 2011 qui avait abouti à une perte de quelque 2,4 milliards. Quant à la trésorerie du groupe, elle s'enfonce dans le rouge avec un cash flow net, qui traduit le flux de trésorerie disponible pour investir, négatif à -1,30 milliard.
S'adapter à un marché déprimé
Après cette année noire, le groupe explique devoir s'adapter à de nouvelles données du marché. Ainsi, il doit faire face à une chute de 30% du prix de l'uranium et de 40% du prix de l'enrichissement. Quant aux marchés matures, ils sont sous pression économique compte tenu de la forte baisse des budgets de grandes maintenances et du décalage des projets de constructions neuves. Areva entend donc cibler les marchés en croissance. Enfin, le groupe voit évoluer les besoins de ses clients sous l'effet de leurs contraintes économiques.
Pour se relever, le groupe propose un "plan de transformation" qui, pour l'instant, ne prend pas en compte l'impact d'éventuelles cessions ou opérations capitalistiques et de refinancement.
Ce plan mise tout d'abord sur "une feuille de route stratégique" articulée autour du recentrage sur le nucléaire, la refonte du "partenariat avec EDF" et le développement renforcé du groupe en Chine. Deuxième axe : l'amélioration de la performance opérationnelle grâce à un plan de compétitivité de un milliard de gain opérationnel par rapport à 2014, un projet de réorganisation de l'ingénierie et de gestion renforcée des projets EPR (Olkiluoto et Flamanville dans la Manche) et du réacteur de recherche Jules Horowitz à Cadarache dans les Bouches-du-Rhône. Ensuite, le groupe va ouvrir un dialogue social. "La situation de l'entreprise, ses orientations stratégiques et ses implications feront l'objet d'une concertation initiée dans les prochains jours", indique l'entreprise.
Concernant les renouvelables, le groupe prévoit la création d'une coentreprise effective avant fin mars dans le domaine de l'éolien offshore. Elle recherche des partenaires dans le solaire.
Faire face à l'endettement
Enfin, Areva va définir un plan de financement sur trois ans qui sera présenté d'ici la publication des résultats semestriels de 2015. Quatre pistes sont avancées : la sélectivité des investissements, la mise en œuvre du plan de compétitivité, des cessions et partenariats comportant un volet capitalistique (filialisation de certaines activités) et le financement des actifs opérationnels associé à une gestion optimisée de la trésorerie.
L'objectif soutenu par le groupe est de retrouver un cash flow positif en 2018. Afficher un objectif de trésorerie disponible pour une entreprise accumulant les pertes peut sembler en décalage avec sa situation financière, tant on attendrait plutôt un retour aux bénéfices. Mais en réalité cet objectif répond à l'impératif de résorption de la dette du groupe, une des urgences du moment, surtout depuis que cette dette a été classée en catégorie spéculative en novembre dernier par l'agence de notation Standard & Poor's. En effet, ce classement renchérit le coût de financement de l'entreprise et la coupe de certains investisseurs. Par ailleurs, en 2014 l'endettement d'Areva a progressé de 1,34 milliard pour atteindre 5,80 milliards.
Or, un cash flow net positif traduit la possibilité pour une entreprise de rembourser ses emprunts et de faire des investissements avec sa trésorerie. Selon les chiffres présentés par le groupe, il devra faire face à des échéances de l'ordre de 400 millions en 2015, de 1,2 milliard en 2016 et de 900 millions en 2017. Reste que la situation devrait se dégrader en 2015 avant de se redresser. En l'état, le groupe prévoit une nouvelle baisse de son bénéfice et une possible dégradation de son cash flow net de 400 millions. Ce dernier devrait s'établir en 2015 entre -1,30 à -1,70 milliards.