"On n'a pas de pétrole mais on a des idées", lançait Giscard en 1976. En fait, on a un peu de pétrole aussi : la France en a produit 800.000 tonnes en 2015 ainsi que du gaz. Cette production d'énergies fossiles sur le territoire national devrait définitivement prendre fin en 2040.
Interdiction progressive
En "laissant les énergies fossiles dans le sous-sol", la France se veut exemplaire en devenant ainsi "le premier pays au monde" à inscrire dans la loi l'interdiction de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures sur son territoire. Un engagement conforme au plan climat présenté début juillet, qui doit contribuer au respect de l'Accord de Paris et à l'objectif de neutralité carbone pour 2050, souligne le ministère de la Transition écologique.
Hormis le gaz et pétrole de schiste, l'interdiction n'est toutefois pas immédiate mais progressive. La future loi va en effet mettre un terme à la recherche de nouveaux gisements d'hydrocarbures mais elle préserve le "droit de suite" des pétroliers qui permet d'exploiter des gisements découverts dans le cadre de permis de recherche déjà accordés. Dans tous les cas, les concessions d'exploitation ne pourront avoir un terme ultérieur à 2040. Le gouvernement entend ainsi clarifier "la situation des nombreuses demandes mises en attente par le précédent gouvernement".
Guyane et gaz de couche posent question
Plusieurs points suscitent toutefois commentaires et interrogations. L'un d'eux concerne la Guyane, dont plusieurs observateurs craignaient qu'elle échappe à l'interdiction. "La loi s'y applique comme dans les autres territoires d'outre-mer", assure Xavier Ploquin, conseiller énergie au cabinet de Nicolas Hulot. Ce qui signifie que le permis "Guyane Maritime" accordé à Total reste valide et pourrait potentiellement déboucher sur une exploitation. En revanche, de nouveaux permis de recherche ne pourront être accordés.
Autre point de friction : les gaz de houille. Si un consensus se dégage sur la nécessité de pouvoir poursuivre la récupération du gaz de mine, les positions divergent sur le gaz de couche. Le collectif "Stop Gaz de schiste" réclame l'interdiction de l'exploration de ce gaz qui échapperait à la loi malgré les impacts environnementaux avérés de son extraction. "Le gaz de houille est touché par la même interdiction de recherche que les autres hydrocarbures", assure de son côté le ministère de la Transition écologique. Ce qui implique aussi que la société La Française de l'énergie peut continuer ses recherches dans le cadre du permis d'exploration qui lui a été accordé, dès lors que ne sont pas en jeu des hydrocarbures non-conventionnels.
Baisse drastique de la consommation nécessaire
Enfin, de manière plus large, se pose la question de la portée réelle de cette loi dans la transition énergétique et la lutte contre les changements climatiques. La production française d'hydrocarbures ne représente que 1% de sa consommation nationale. Son interdiction est donc anecdotique dans l'atteinte de l'objectif de réduction de la consommation d'énergies fossiles de 30% d'ici 2030. Une baisse drastique de la consommation reste donc nécessaire. "Pour limiter les importations d'hydrocarbures à l'avenir, nous devons diminuer notre consommation d'énergie fossile dans les transports et le chauffage", insiste le Cler – Réseau pour la transition énergétique.
L'effet de la décision française reste par ailleurs très faible au plan mondial compte tenu du niveau de sa production. Selon le cinquième rapport du Giec, il est en effet impératif de renoncer à l'exploitation de 80% des ressources d'hydrocarbures si l'on veut limiter le réchauffement planétaire à 2°C. La décision reste toutefois "un symbole fort", reconnaît le directeur général de Greenpeace France Jean-François Julliard. Un symbole dont les autorités françaises espèrent qu'il aura un effet d'entraînement sur les autres pays producteurs de pétrole.