Mercredi 12 octobre 2011, Arnaud Gossement, avocat au Barreau de Paris, a remis son rapport "Droit minier et droit de l'environnement - Eléments de réflexion pour une réforme relative à l'évaluation environnementale, à l'information et à la participation du public" à Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'Ecologie. Le code minier fait actuellement l'objet d'une réforme.
Un rapport qui soulève une question lourde de conséquences : ne devrait-on pas intégrer au droit de l'environnement le code minier plutôt que de vouloir les articuler ?
Abandonner le code minier ?
"Il est tout à fait possible de tenir compte des spécificités et impératifs et même de l'histoire de ce droit, sans qu'il soit nécessaire de conserver une police spéciale autonome et un code minier", explique Arnaud Gossement, en préambule des propositions.
Pour l'avocat, il est nécessaire d'"engager une réflexion sur le transfert de la police des mines au sein de la police des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE)", c'est-à-dire l'intégrer au sein du Livre V du code de l'environnement
Une telle réforme serait radicale car elle transférerait au ministère de l'Ecologie un domaine qui jusqu'alors est la chasse gardée du ministère en charge de l'Energie.
Est-ce possible? Il semble, à la lumière d'un précédent rappelé par l'auteur, que la réponse soit positive. "On se souvient que la police des carrières a, d'ores et déjà, été l'objet d'un tel transfert" en 1993, rappelle-t-il, précisant qu'il fut cependant incomplet.
Dans quelle condition est-ce envisageable ? Un tel choix "présuppose plusieurs décisions préalables et notamment, une décision d'ordre politique sur l'organisation des services administratifs concernés", répond-il, ajoutant que "pour évoquer de manière plus claire cet enjeu, au code minier correspond aussi un type d'organisation de la haute fonction publique".
Questionner deux siècles d'histoire
Arnaud Gossement rappelle que "le droit minier correspond à une représentation bien précise de l'intérêt général" et que, pour l'Etat, la question des mines "ne saurait être traitée comme toute autre activité [et cela] d'autant moins qu'une organisation administrative spécifique et qu'un corps de haut fonctionnaires correspondent à ce droit minier". Un corps de haut fonctionnaire à l'histoire bicentenaire et institué par le décret de 1810 organisant le Corps impérial des ingénieurs des mines.
Notons que l'auteur ne fait que présenter cette réflexion et s'abstient de conclure sur une hypothèse qui dépasse l'objectif du rapport. Il s'agissait en effet, d'"étudier l'articulation du droit minier et du droit de l'environnement et la manière de faire évoluer le droit minier dans le sens d'une meilleure information et participation du public et d'une évaluation environnementale renforcée".
Ainsi, une éventuelle disparition du code minier ne fait donc ici l'objet que d'"une « première » étude" et le rapport "part du postulat, conforme à sa lettre de mission, que le code minier conservera, au moins à court terme, son autonomie".
Une publication politique ?
Cette question hautement politique participe probablement à l'intérêt porté par Nathalie Kosciusko-Morizet au travail de l'avocat associé au cabinet Huglo Lepage. Pour la ministre, ce rapport "servira de document de référence dans les travaux en cours de modernisation du code minier".
Une telle réforme, si elle était aboutissait, pourrait aboutir à un transfert définitif de certaines compétences du ministère de l'Energie vers le ministère de l'Ecologie. On se souvient qu'un tel transfert avait donné naissance à un grand ministère de l'Ecologie en 2008.
Le remaniement de novembre 2010 marquait pour sa part un retour de l'énergie à Bercy, la perte du titre de ministre d'Etat attribué précédemment à Jean-Louis Borloo et un déclassement de la deuxième à la quatrième place de l'ordre protocolaire.
Depuis, Nathalie Kosciusko-Morizet et Eric Besson n'ont eu de cesse de mener une lutte d'influence feutrée. Le ministère de l'Energie n'a pas réagi à ce rapport qui concerne pourtant ses services.
Créer un Haut Conseil des ressources minières
Arnaud Gossement émet ensuite 39 propositions plus concrètes. Parmi celle-ci, la création d'un "Haut Conseil des ressources minières, garant, notamment, du pluralisme de l'expertise et du dialogue à cinq [issu du Grenelle de l'environnement]", est présentée par l'auteur comme "l'une [de ses] principales recommandations".
Ce Haut Conseil s'inspirerait de son homologue dédié aux biotechnologies et constituerait "un lieu d'expertise, d'information, de progrès des connaissances scientifiques et de négociation". Concrètement il devrait avoir une compétence large qui dépasse l'"expertise associée à une technique en particulier, à un risque spécifique ou à un territoire donné".
Il "aurait le pouvoir et/ou le devoir" de se saisir d'office, ou à la demande de diverses autorités, de toute question concernant, de proposer toutes mesures de nature à préserver l'environnement et la santé publique, d'émettre un avis sur chaque demande de titre minier et d'autorisations de travaux, de procéder ou faire procéder à toutes expertises, analyses ou études qu'il juge nécessaires, de mettre en oeuvre des méthodes d'évaluation des risques pour l'environnement et la santé publique, de mener des actions d'information et d'établir un rapport annuel d'activité adressé au Gouvernement et au Parlement.
Substituer le politique à l'administratif
Six objectifs soutiennent cette proposition. Il s'agit tout d'abord de l'"indispensable" déclinaison du principe du dialogue à cinq issue du Grenelle. Deuxième objectif, avoir l'assurance "que cette nouvelle gouvernance corresponde tout autant aux critères de la démocratie représentative que de la démocratie directe".
"Le souci [à l'origine du Haut Conseil des biotechnologies] d'arracher ce dossier passionnel aux conflits d'administration et de périmètres ministériels", constitue un troisième objectif. Par ailleurs, cela permettrait d'"[échapper] à la critique – parfois fondée – relative à la multiplication des commissions administratives". Pour cela, le Haut Conseil doit être une institution administrative mais "également une institution politique, au sens où il permet l'organisation d'un débat public spécifique".
Le "[constat frappant] de l'absence de réelle réflexion sur les conditions d'élaboration du droit minier" qui fait du Code minier "d'une certaine manière, […] un droit sans juristes mais véritablement un droit d'ingénieurs" constitue l'avant-dernier argument.
Enfin, le comité proposé permettrait "pourra également être un outil pertinent de gestion des conflits d'intérêts éventuels", qu'ils soient issus de "certains intérêts économiques - industriels notamment - ou écologiques". Il s'agit en particulier "de réduire l'intérêt d'une gestion bilatérale desdits dossiers au moyen de rencontres bilatérales entre responsables politiques et/ou administratifs et lobbyistes professionnels".