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Lutte contre l'artificialisation : le Sénat réduit l'ambition

La Chambre haute a adopté, le 16 mars, la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre de l'objectif ZAN. L'exclusion de grands projets et l'introduction de dérogations remettent en cause son ambition.

Aménagement  |    |  L. Radisson
Lutte contre l'artificialisation : le Sénat réduit l'ambition

La discussion de la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre de l'objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) en 2050 s'est achevée le 16 mars au Sénat sur des crispations. La Chambre haute a adopté le texte (1) en première lecture, mais elle a franchi plusieurs lignes rouges que le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, avait tracées pour que ne soit pas remis en cause cet objectif fixé par la loi Climat et résilience.

« En matière d'artificialisation des sols, le Gouvernement propose des objectifs ambitieux, mais se trompe sur la méthode, très centralisée, peu en prise avec la réalité du territoire », avait résumé Valérie Létard (Union centriste), auteure de la proposition de loi, en ouverture des discussions. « Attention à ne pas créer des gilets jaunes du ZAN ! avait ajouté l'élue du Nord. C'est pourquoi nous proposons des garanties pour les territoires, avec la surface minimale de développement communal. »

Lignes rouges franchies

« Le ZAN est bénéfique pour la lutte contre le dérèglement climatique, pour le maintien de la biodiversité. Un hectare économisé, c'est 190 à 290 tonnes de CO2 non émises, avait rappelé Christophe Béchu. Mettre en œuvre le ZAN, ce n'est pas choisir l'environnement contre le développement. On ne va pas arrêter de construire, mais privilégier l'existant : 170 000 ha de friches et 1,1 million de logements vacants. La priorité est d'organiser la sobriété foncière, de favoriser la décarbonation et la réindustrialisation, tout en continuant à loger nos concitoyens. » En bref, pour le ministre, il s'agissait de fluidifier le dispositif et de prendre en compte les efforts déjà accomplis par certaines communes, et non de remettre en cause les objectifs mêmes de la loi.

Trois lignes rouges avaient été fixées par le ministre de la Transition écologique : le mode de calcul de la garantie rurale, qui vise à préserver une capacité de développement pour les petites communes, l'exclusion de certains grands projets du décompte de l'artificialisation, et le lien de comptabilité entre objectifs d'artificialisation et schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet).

« Potentiel d'artificialisation multiplié par dix »

Les sénateurs ont adopté plusieurs amendements en séance qui franchissent ces lignes aux yeux du ministre. Les premiers touchent à la question de la nomenclature des surfaces artificialisées et non artificialisées qui suscite les passions depuis la publication, fin avril 2022, du décret de la loi Climat et résilience. Christophe Béchu avait reconnu les difficultés présentées par ce texte et annoncé sa réécriture après que l'Association des maires de France avait formé un recours contre le texte devant le Conseil d'État.

“ Pourquoi ne pas faire confiance aux élus locaux pour appréhender les impératifs de densification et de recyclage ? ” Jean-Baptiste Blanc
« Le premier décret est le péché originel, mais nous savons tous qu'un autre décret interviendra. J'ai pris connaissance des grands principes de ce prochain décret : son approche n'est pas la même que la nôtre. Pourquoi ne pas faire confiance aux élus locaux pour appréhender les impératifs de densification et de recyclage ? » a interrogé le rapporteur de la proposition de loi, Jean-Baptiste Blanc (LR).

Les sénateurs ont ainsi adopté un amendement à la propositoin de loi qui considère comme non artificialisées les surfaces occupées par des constructions et des aménagements nécessaires à l'exploitation agricole. Ils ont en revanche repoussé un amendement du Gouvernement qui visait à intégrer les surfaces de parcs et jardins dans les surfaces non artificialisées.

« Si l'article 9 est adopté tel quel, avait averti le ministre, ce n'est plus la surface du terrain qui comptera, mais celle de la construction sur le terrain. Aujourd'hui, nous comptons 10 000 m² pour huit maisons de 100 m² ; demain, ce serait 800 m². Le potentiel d'artificialisation serait multiplié par dix ! On ne peut pas prétendre respecter le ZAN et ouvrir aussi largement la porte. Il y aurait tout intérêt à construire de l'extensif, puis à faire un mitage, au nom de la densification... » Un point de vue que partage le sénateur écologiste Ronan Dantec, qui voit dans la nouvelle rédaction un « changement de logique » qui « remet en cause le ZAN ». L'élu de Loire-Atlantique interroge même la notion d'artificialisation, qui ne serait pas pertinente. « Pourquoi ne pas avoir privilégié une approche fondée sur les espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) ? Un espace naturel, qui a une logique écosystémique, n'est pas comparable à un jardin de fond de parcelle... », a expliqué M. Dantec. Une logique qui est celle retenue pour la première période de réduction de l'artificialisation, qui prévoit de passer d'environ 25 000 hectares à 12 500 hectares artificialisés par an d'ici à 2031.

Les sénateurs ont également voté une majoration de la surface minimale de développement communal pour les communes nouvelles. Enfin, ils ont inclus les projets d'intérêt pour la souveraineté économique nationale ou européenne parmi les grands projets afin que leur impact en termes d'artificialisation ne soit pas imputé à la collectivité territoriale qui les accueillent.

« Machine à bouffer de l'espace agricole »

« Il me semble que nous votons deux lois différentes : une amélioration nécessaire de la partie ZAN de la loi Climat et résilience, notamment l'article 6 [prise en compte des efforts de réduction déjà réalisés]. Nous aurions voté pour ! Mais il y a un deuxième ensemble : des remises en cause de la loi Climat et résilience, avec une liste importante de projets remontant au niveau national et un article 9 incompréhensible, remettant en cause le ZAN, machine à bouffer de l'espace agricole. Ce texte est un détricotage », a analysé Ronan Dantec à l'issue de la discussion, justifiant ainsi le vote défavorable du groupe écologiste.

« Les maires partagent l'ambition d'une plus grande sobriété foncière, mais, pour que le ZAN ne se transforme pas en corset paralysant, le Sénat devait agir. (…) En créant un droit à l'hectare, en comptant à part certains projets, nous envoyons un signal d'espoir aux élus locaux. Le ZAN doit prendre en compte les réalités locales », a expliqué de son côté la présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas (LR).

Mais en votant ces dispositions, le palais du Luxembourg s'est trop éloigné des objectifs initiaux du dispositif pour que le Gouvernement puisse soutenir le texte. « Nous nous sommes éloignés, a confirmé Christophe Béchu. L'article 9, sans étude d'impact, s'écarte de la trajectoire, tout comme le compté à part. J'avais pourtant clairement indiqué les lignes rouges et les points sur lesquels nous pouvions bouger. Faute d'accord entre les deux assemblées, mon inquiétude est que, décrets mis à part, nous ne trouvions pas de points d'accord... »

« À l'Assemblée, les députés devront rétablir l'opposabilité de l'objectif ZAN, clarifier la comptabilisation de l'artificialisation des projets nationaux dans le décompte national, inclure les associations environnementales dans le gouvernance du ZAN », a réagi le Réseau Action Climat, fédération d'ONG luttant contre les changements climatiques, à l'issue du vote.

Mais, pour l'heure, la proposition de loi n'est pas inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et l'exécutif pourrait être tenté de changer de vecteur législatif en privilégiant une autre proposition de loi sur le sujet : celle que les députés de la majorité ont déposé, le 14 février, sur le bureau de l‘Assemblée  nationale.

1. Télécharger la proposition de loi telle qu'adoptée par le Sénat
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-41390-PPL-ZAN-senat.pdf

Réactions2 réactions à cet article

La Chambre haute ne se grandit pas quand elle prétend simplifier l' application de la loi sur la ZAN. La chambre haute sape le principe même de la ZAN, s'en remettant aux élus qui, dans la plupart des cas, justement voudront faire comme avant, agrandir leur communes de constructions logements, parkings ..
Les nouvelles constructions doivent prendre les emplacements de logements à réhabiliter, des maisons abandonnées .. tas de pierres, anciens sites industriels, Déjà le PLU Agricole n'est pas révisé à chaque fois qu'un chemin est ajouté le long d'une parcelle, et on rencontre même dans le 37, une décharge SNCF 1,7 ha pleine à ras bord, qui est maintenant surmontée d'un pylone synérail. Elle est restée en PLU Agricole, et ne figure même pas sur le site géorisque. Combien d'hectares Agricoles sont ainsi dans une autre utilisation quasi irréversible ?? J'ai sollicité la DREAL en 2013 concernant cette décharge. Le courrier de réponse reprenait le mot décharge, et précisait même les 2 parcelles constituant cette emprise ! Mais Rien n'a été entrepris. J'ai sollicité de nouveau la DREAL en 2021 et début 2022 avec des photos de lixiviats provenant de cette décharge, mais la DREAL n'a pas répondu à ma demande de caractériser la décharge, et d'effectuer des analyses ! J'ai fait 3 recours auprès du ministère de l'écologie qui n'ont pas abouti, car ils n'ont simplement pas été enregistrés. Vous avez une pollution dûe à une décharge ? Facile ! faites une requête !

J Cl M 44 | 21 mars 2023 à 22h19 Signaler un contenu inapproprié

"Pourquoi ne pas faire confiance aux élus locaux pour appréhender les impératifs de densification et de recyclage ?" : ben justement, parce qu'ils n'en veulent pas, des contraintes d'aménagement du territoire de la loi ZAN ! Une majorité des élus locaux veulent pouvoir continuer à artificialiser - pardon : mettre en valeur ! - leur territoire comme bon leur semble (souvent avec l'appui du syndicat agricole majoritaire du moment que ses attentes ont été comblées, de la chambre d'agriculture, de la SAFER...) pour accueillir toujours plus de recettes comptables.
Si dans certains cas, construire du neuf se justifie (pour répondre au manque de logements dans les secteurs tendus par exemple), les abus sont légion et la France va continuer à être défigurée et la nature réduite en miettes.

Pégase | 13 avril 2023 à 20h38 Signaler un contenu inapproprié

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