Entre projets d'aménagement du Grand-Paris et tradition agricole, le plateau de Saclay est emblématique des tensions qui parcourent le territoire francilien. Dans ce contexte, l'étude TerriBio (Territoires d'interface et biodiversité urbaine en Île-de-France) contribue à confirmer l'importance des jardins domestiques dans le métabolisme agroalimentaire des zones urbaines et périurbaines.
5 000 ingénieurs, 20 agriculteurs
Pour Dorian Spaak, de Terre et cité, une association qui œuvre notamment à l'animation de la ZPNAF et qui a contribué aux enquêtes de terrain, « on se trouve sur un territoire qui regroupe une petite région agricole et naturelle qui, historiquement, alimentait Paris et, aujourd'hui, rassemble quelque 5 000 ingénieurs sur le projet d'aménagement Paris-Saclay. En face, il ne reste qu'une vingtaine d'agriculteurs sur ces sols, parmi les plus fertiles d'Europe ». Ce territoire nourricier saisi par l'artificialisation conjugue des espaces ouverts, agricoles ou semi-naturels, et des espaces plus ou moins densément urbanisés.
Le projet TerriBio a ainsi étudié́ comment les tissus fonciers complexes, imbriquant espaces ouverts et espaces urbanisés, font l'objet d'une régulation à différentes échelles. Il a également produit une cartographie détaillée des espaces ouverts du territoire d'étude, notamment ceux de type jardins. Cette analyse de la gouvernance et de la structuration de l'espace du territoire s'est accompagnée de recherches auprès des acteurs et usagers du territoire sur leur perception des aménités environnementales produites par les espaces ouverts, jardins et champs. Des enquêtes se sont intéressées aux trajectoires personnelles des utilisateurs du territoire, pour mieux cerner leurs motivations, leur rapport à la nature, ainsi que leur inscription dans les réseaux d'échange informels à l'échelle du voisinage.
L'étude porte sur les jardins pavillonnaires et les champs, vus comme potentiels vecteurs de biodiversité et de représentation sociale, et objets d'une action publique locale. L'enquête a eu lieu à l'échelle individuelle et territoriale. Les chercheurs se sont également intéressés à la portée sociale des jardins. Alors que les espaces pavillonnaires sont souvent vus comme le domaine de l'entre-soi, plusieurs études sociologiques montrent le contraire. Le projet a également examiné la contribution des jardins à la consommation des ménages et les conséquences de l'interdiction de l'emploi de substances phytosanitaires par les non-professionnels. Au final, les chercheurs ont clarifié les services rendus par ces espaces ouverts et cultivés, appréciés des habitants périurbains. L'idée est de fournir aux décideurs un complément d'information pour ajuster les projets d'aménagement.
Attachement à une nature spontanée
Cette étude a aussi permis d'analyser comment les traits de personnalité des Français ont un impact sur leur rapport à la nature. Des citoyens ont dû choisir entre des paires de photos, l'une présentant une nature spontanée, l'autre une nature plus disciplinée. La préférence pour un jardin à une nature visuellement plus spontanée a été́ identifiée en croisant plusieurs critères tels que le besoin de structure, l'identité environnementale, la ruralité du lieu de vie durant l'enfance et l'âge. Ainsi, 83 % des répondants préfèrent la photo avec un jardin public dans lequel la nature est plus spontanée. Les personnes qui ont choisi une nature plus ordonnée présentent un besoin de structure plus élevé.
TerriBio s'est intéressé aux potagers et aux pratiques d'autoproduction alimentaire. En Île-de-France, en 2019, 1 303 jardins collectifs ont été́ identifiés, soit 703 jardins familiaux et 338 jardins partagés, représentant 800 hectares. Pour rappel, environ 3 000 hectares de maraîchage, horticulture et vergers sont recensés sur le périmètre. Sur le territoire de Saclay, 4 201 potagers représentant 41 hectares ont été́ recensés. En moyenne, 3,5 % des maisons ont un carré potager (dans certaines communes, ce taux atteint 10 %). En quinze ans, le nombre de potagers a augmenté. En revanche, leur surface diminue. La crise sanitaire de la Covid-19 et le confinement ont favorisé leur développement.