Les députés ont adopté jeudi 15 avril les dispositions du projet de loi climat et résilience destinées à interdire la création de nouvelles surfaces commerciales en zone naturelle. Mais cette interdiction est loin d'être absolue. De plus, la majorité a refusé les amendements provenant de différents bancs de l'Assemblée en vue de réglementer les entrepôts, en particulier ceux exploités par les acteurs du e-commerce.
Selon le texte résultant des délibérations, l'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être délivrée pour une implantation ou une extension de surface commerciale qui engendre une artificialisation des sols.
Les députés ont adopté une définition de cette notion. Selon celle-ci, « un sol est regardé comme artificialisé si l'occupation ou l'usage qui en est fait affecte durablement tout ou partie de ses fonctions écologiques, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques ainsi que son potentiel agronomique ». Le texte ajoute que « les surfaces de pleine terre ne sont pas considérées comme artificialisées ».
Interdiction pour les surfaces commerciales de plus de 10 000 m2
Mais ce principe général d'interdiction ne concerne que les surfaces commerciales supérieures à 10 000 m2 . « Un seuil bien trop élevé puisque la moyenne des implantation commerciales est de 2 000 m2 », pointent Les Amis de la Terre. Les surfaces inférieures aux 10 000 m2, soit environ 80 % des projets, vont pouvoir échapper à cette interdiction s'ils remplissent certaines conditions fixées par la loi.
« Nous avons durci le dispositif en définissant des critères que nous avons rendus cumulatifs et qui sont désormais précisés de manière explicite », défend le rapporteur Lionel Causse. Pour pouvoir bénéficier d'une dérogation, les projets doivent être implantés en continuité avec les espaces urbanisés « dans un secteur au type d'urbanisation adéquat » et répondre aux besoins du territoire. Ils doivent aussi répondre à un critère alternatif supplémentaire. « Les exonérations prévues sont trop vagues, estime quant à lui le député LR Julien Aubert. Si vous êtes à proximité d'un tissu urbain, si vous correspondez aux besoins d'un territoire, ce qui (…) est vague, et que vous procédez à une compensation, eh bien, vous pouvez bénéficier de l'exonération ».
Rejet des amendements encadrant le e-commerce
Si beaucoup de surfaces commerciales peuvent passer à travers les mailles du filet, c'est encore davantage le cas des entrepôts qui ne sont pas concernés par les autorisations d'exploitation commerciale. La majorité a en effet rejeté tous les amendements qui réclamaient de soumettre les entrepôts logistiques aux mêmes règles que celles applicables aux surfaces commerciales. Trois fédérations professionnelles du commerce (CAMF, CDF, Vitrines de France) étaient montées au créneau avant la discussion pour réclamer un gel sur la création des entrepôts de e-commerce et l'assujettissement des « pure players » à autorisation d'exploitation commerciale. En vain.
« S'agissant des entrepôts, la question posée ne concerne pas vraiment l'artificialisation des sols ; elle a plutôt trait aux places respectives du e-commerce, du commerce et de la logistique. La réponse que nous apportons se situe dans les mesures fiscales envisagées », a expliqué Emmanuelle Wargon pour rejeter ces amendements. Quelques minutes avant, le rapporteur avait fait valoir que « le e-commerce ne représentait que moins de 1 % » du phénomène d'artificialisation « et les zones commerciales à peine davantage ». La ministre a aussi fait valoir la difficulté à définir un entrepôt de e-commerce. « La quasi-totalité des entrepôts sont mixtes. Il s'agit d'entrepôts de distribution et de logistique, dont une partie des produits seront vendus en e-commerce tandis que l'autre partie sera vendue aux magasins physiques ou à travers des enseignes qui, elles-mêmes, vendent par ces canaux », a justifié la ministre.
« Il ne sera plus possible d'implanter une surface commerciale de plus de 10 000 m2 sur un champ mais il sera permis de bétonner 200 000 m2 de terres agricoles ou naturelles pour implanter un entrepôt Amazon ou Alibaba », s'indignent Les Amis de la Terre qui dénoncent le revirement des députés LReM sous la pression du Gouvernement. « Englué dans un soutien aveugle aux implantations e-commerce depuis des années, le Gouvernement refuse de reconnaître que le modèle est destructeur net d'emplois, nocif pour l'environnement et coûte des milliards aux finances publiques », s'indigne l'ONG.
La majorité met toutefois en avant l'adoption de deux amendements pour davantage encadrer les entrepôts. L'un prévoit que l'étude d'impact doit prendre en compte les incidences du projet sur l'artificialisation des sols. L'autre intègre « l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers » parmi les intérêts protégés par la législation des installations classées (ICPE).
« Des mesurettes ! », a cinglé le député LR Julien Aubert.