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Audits de sûreté nucléaire : le chiffrage des investissements focalise l'attention

Les résultats des audits de sûreté nucléaire donnent naissance à une polémique sur les investissements nécessaires au respect des préconisations de l'ASN. Des surcoûts qui devraient impacter les prix de l'électricité.

Energie  |    |  P. Collet
   
Audits de sûreté nucléaire : le chiffrage des investissements focalise l'attention
   

Mardi 3 janvier 2012, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a rendu le verdict de ses évaluations complémentaires de sûreté : les 59 réacteurs nucléaires en fonctionnement ou en construction et les 20 autres installations nucléaires liées au cycle du combustible "présentent un niveau de sûreté suffisant", mais "la poursuite de leur exploitation nécessite d'augmenter (…) leur robustesse face à des situations extrêmes". Les travaux sont évalués à "plusieurs milliards d'euros" par André-Claude Lacoste, le président de l'ASN.

A l'occasion de la remise du rapport, le Premier ministre François Fillon "demande à Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'Ecologie (…) et à Eric Besson, ministre [de l'Energie] de veiller à ce que les exploitants se conforment à l'intégralité des demandes de l'ASN dans le calendrier qui leur est imposé". Les principaux commentaires émis suite à ces audits se concentrent donc sur le coût de cette mise en conformité et sur l'intérêt d'engager ces investissements.

Fessenheim : soulagement à la mairie et chez les employés

"Si la centrale avait dû fermer, les conséquences auraient été catastrophiques", a indiqué à l'AFP Fabienne Stich, la maire de Fessenheim (Haut-Rhin), qui estime que "les habitants défendent la poursuite de l'activité nucléaire à la quasi-unanimité". Si les conclusions de l'ASN ont "rassuré" les riverains de la doyenne des centrales nucléaires françaises, "[ils ne sont] pas sauvés pour autant", indique par ailleurs l'élue dont le budget municipal dépend d'EDF pour moitié.
"On est forcément soulagé par la nouvelle, après tous les efforts qui ont été faits ces derniers mois", indique pour sa part Philippe Huck, délégué syndical CGT chez EDF. "Les recommandations, notamment celle consistant à mettre en place des réserves d'eau supplémentaires pour refroidir les réacteurs en cas de problème, seront mises en place dans les mois qui viennent " avance Thierry Rosso, le directeur de la centrale.
Moins de 2% de hausse par an

Dans une déclaration à l'AFP, Eric Besson a tout d'abord indiqué qu'il réunira les exploitants des sites nucléaires français (EDF, Areva, CEA) le 9 janvier, afin de définir le calendrier de mise en œuvre des demandes de l'ASN. Pour l'instant, l'ASN a fixé un premier rendez-vous au 30 juin 2012 afin que les exploitants lui soumettent leurs propositions relatives au noyau dur de chaque site, c'est-à-dire les équipements, tels qu'un groupe électrogène et une alimentation en eau d'ultime secours, qui doivent à terme équiper chaque réacteur nucléaire français. A cette occasion, une première évaluation des coûts devrait être connue.

En attendant cette première estimation, Eric Besson a jugé au micro de RTL que les mesures imposées par l'ASN représenteront moins de 2% d'augmentation des factures d'électricité par an. "Ca n'est pas rien, mais ce n'est pas la catastrophe économique qu'un certain nombre d'observateurs évoquent", a jugé le ministre, rappelant qu'EDF investit déjà des sommes importantes dans la maintenance des 58 réacteurs en activité. Les analystes du groupe Crédit Agricole, interrogés par l'agence Dow Jones, évaluent pour leur part à 3% la hausse du prix de l'électricité engendrée par ces surcoûts.

Les marchés financiers doutent

L'évaluation de la hausse du prix de l'électricité évoquée par Eric Besson se base sur une première estimation réalisée par EDF. Les travaux de renforcement de la sûreté des installations nucléaires françaises coûteraient quelque 10 milliards d'euros pour les dix ans à venir.

Selon EDF, ce surcoût de 10 milliards d'euros s'ajoute aux 40 milliards d'investissements prévus sur les trois prochaines décennies pour porter à 60 ans la durée de vie des réacteurs français. Une dépense additionnelle qui ne remet pas en cause le modèle économique de l'entreprise, estime l'opérateur.

Cependant, cet optimisme ne convainc pas nécessairement les marchés financiers puisque l'action EDF marquait le plus fort recul du CAC 40, cédant plus de 4% à la mi-journée, dans un marché en légère baisse (moins de 1%). "A 10 milliards d'euros, c'est significativement au dessus des attentes du marché et des trois milliards pris en compte dans notre évaluation", explique à Reuters Emmanuel Turpin, analyste financier chez Morgan Stanley. Même constat pour la Deutsche Bank qui estime que les risques qui pèsent sur les dépenses ne sont pas pleinement intégrés dans le cours de l'action EDF, rapporte l'AFP.

Areva dans le flou

Quant à Areva, il n'est pas en mesure de chiffrer l'impact des résultats des stress tests. Lors de la présentation de l'ASN, André-Claude Lacoste a expliqué que pour Areva la diversité des installations visées rendait difficile la définition des besoins en matière de noyau dur. Par ailleurs, l'ASN a fait état d'une liste de mesures spécifiques à l'usine de retraitement de La Hague (Cotentin) qui pourraient impacter sensiblement la facture finale. Jusqu'à maintenant, Areva avait prévu d'investir deux milliards d'euros sur les cinq prochaines années afin de renforcer la sûreté de ses installations.

Cependant, le groupe pourrait voir son chiffre d'affaires bénéficier des investissements réalisés par les autres opérateurs. L'impact pourrait être d'autant plus important si les principales mesures préconisée par l'ASN, et en particulier la mise en place de noyaux durs, étaient reprises au niveau européen à l'issue de l'évaluation des audits qui sera réalisée d'ici à mi-2012.

Lors de la présentation du rapport de l'Autorité, André-Claude Lacoste a d'ailleurs fait état d'un espoir : "que se dégage du processus européen un modèle de sûreté", modèle qui se baserait sur les conclusions de l'ASN. Un souhait qui devrait être porté par Philippe Jamet, l'un des cinq membres du collège de l'ASN, qui préside le groupe d'experts chargé d'évaluer la qualité des audits européens.

Pourquoi de tels travaux si les centrales sont sûres ?

Les surcoûts jugés acceptables par Eric Besson et les industriels sont qualifiés, par Europe Ecologie Les Verts (EELV), d'inquiétants au regard de "la situation financière d'Areva et d'EDF". "La lecture du rapport permet d'envisager l'ampleur des travaux à réaliser : le nombre de « prescriptions » que l'ASN annonce prendre prochainement est considérable", estime le parti politique, ajoutant que "de très nombreuses prescriptions vont notamment au-delà de ce que les exploitants (EDF, AREVA, CEA) avaient proposé". EELV appelle ainsi à "démanteler les centrales et non les finances publiques".

Le réseau Sortir du nucléaire (RSN) avance une analyse similaire. "Des travaux colossaux sont à prévoir, nécessitant des investissements massifs", indique le réseau qui juge que "les travaux pourraient se compter en dizaines de milliards d'euros". Pour RSN, "les citoyens, qui devront payer l'essentiel de la facture, sont en droit de se demander le sens de cette conclusion : si le parc nucléaire français est sûr, pourquoi prévoir des travaux pharaoniques, qui s'avèrent lents, compliqués, et immensément chers ?".

Réactions7 réactions à cet article

Comment ? le nucléaire serait plus cher que ce qu'on nous raconte depuis toujours ?
50 milliards d'euros, ça doit faire quelques éoliennes, quelques centrales biomasse à cogénération ...
Finalement c'est ASN qui apporte les meilleurs arguments pour inciter à limitation du nucléaire en France.
La politique énergétique française va être contrainte d'évoluer... AREVA va-t-elle devoir se passer de sa plus belle "référence" (la France) pour exporter sa technologie ?
La France peut-elle se permettre de se tirer une balle dans le pied après tant d'investissements ? Le manque à gagner doit être immense... mais après avoir été aveuglés par les avantages certains (qui sont biens réels), nous (les français en général) sommes bien obligés de regarder en face les inconvénients, qui eux aussi sont biens réels, et loin d'être négligeables.
2012 va être une passionnante !
C'est dans la difficulté que l'on prend les décisions difficiles.

grmx | 05 janvier 2012 à 11h28 Signaler un contenu inapproprié

10 milliards de surcoût, pas plus selon EDF. Oui sauf qu'il n'y a pas de raison qu'il ne passe pas à 20 milliards au fil du temps.

Dans le nucléaire, il est de coutume de présenter des estimations rassurantes dans un premier temps pour rassurer les adeptes de cette énergie. Est-ce volontaire pour lancer les programme ou le fait de l'incompétence des personnels chargés de ces premières estimations ? Je n'ai pas la réponse mais dans les deux cas ce n'est pas à la gloire des nucléocrates.

Des exemples ?

- L'EPR, environ 3 milliards à l'origine. Le double aujourd'hui.

- Passer les réacteurs à 60 ans ? 400 millions par réacteur (soit environ 23 milliards pour le parc EDF) en 2009 selon les estimations d'EDF. 600 millions par réacteur à la même date selon Greenpeace (soit 34 milliards). Aujourd'hui ? On est à 40 milliards, selon EDF, soit près de 700 millions par unité. Déjà 75% de hausse en deux ans...

- Quant au stockage des déchets HA, il était estimé à 15 milliards en 2006 par la CNE (s'appuyant sur des chiffes de l’Andra de 2002). En 2010 EDF a fait état de ses craintes face à la nouvelle facture : 35 milliards.

Voilà la réalité économique du nucléaire.

wareika | 05 janvier 2012 à 12h32 Signaler un contenu inapproprié

Le plus navrant est qu'on va prolonger des centrales nucléaires qui opèrent avec une technologie obsolète !
Quand va-t-on enfin passer au Thorium à sels fondus ? 200 fois plus de rendement, matière en quantité dans la nature, fusion sûre et peu de déchets. Peut même incinérer des déchets nucléaires !

Pourquoi avons-nous toujours une guerre de retard ?

Dans le domaine énergétique nucléaire, la France n'a malheureusement plus rien à offrir d'innovant (EPR/ITER est une mascarade, etc...)

Chris | 05 janvier 2012 à 12h59 Signaler un contenu inapproprié

Et 10 Milliards c'est une somme toujours faible en comparaison avec les 750 milliards estimés par l'Assemblée Nationale pour le démantèlement du parc nucléaire français (et sûrement sous-estimé) :
http://www.assemblee-nationale.fr/13/budget/plf2012/b3805-tIII-a14.asp

Xavier | 05 janvier 2012 à 13h33 Signaler un contenu inapproprié

Certes Xavier, sauf que ces 59 réacteurs ne pourront être prolongés à vie, il faudra les démenteller un jour et payer la facture de 750 milliard. Ce sera vous, ou bien une dette laissée à vos enfants, mais il faudra dans tous les cas payer.
La question dorénavent est : est ce qu'on continue à gaspiller joyeusement l'électricité et on continue de construire des réacteurs à 6 milliards pièce, qui présenteront toujours un risque potentiel d'incident qui coûterons aux descendants une fortune à démenteller ou bien est ce qu'on amorce en douceur une réduction de consommation énergétique et la mise en place d'alternatives de production à la manière du scenario negawatt ?

Yann | 06 janvier 2012 à 13h03 Signaler un contenu inapproprié

Effectivement Yann, je suis également de l'avis qu'il faut arriver à une sobriété énergétique pour arriver à se passer du nucléaire vu les risques pour notre génération et les générations futures. Parler d'argent n'est pas suffisant, le vrai problème de mon point de vue est qu'on ne sait à l'heure actuelle ni gérer un accident (nombreux rejets), ni gérer les déchets sur le long terme (sans risque important), ni réaliser un démantèlement (cf Brennilis).

@Chris : les Réacteurs à Sels Fondus n'ont existé que sous forme de prototypes. Comme dans toute technologie, des inconvénients pourront apparaître lors de leur utilisation industrielle.

Xavier | 06 janvier 2012 à 15h06 Signaler un contenu inapproprié

Un ami qui travaille en énergie libre depuis une quinzaine d'années me signale les travaux très avancés du Professeur Andrea Rossi (Italie) pour un appareil à faible réaction d'énergie nucléaire prêt pour la production d'ici fin 2012, à usage de chauffage domestique
"The target price will be between $1000-$1500 US for an E-Cat with a power between 10-20 kilowatts. Such an E-Cat is able to give the thermal energy and air conditioning for an average family house".
Il entreprend les certifications pour le marché américain... Mi-2011, il avait conclu avec une entreprise grecque pour produire en Europe, mais l'entreprise s'est révélée incapable de produire cette technologie !!!
Affaire à suivre...
Pour ma part, je suis plus preneuse d'un apport énergétique produit in situ que par grosses centrales. Mais l'un n'exclue pas l'autre.

Chris | 06 janvier 2012 à 19h02 Signaler un contenu inapproprié

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