"Bras armé" du conseil général des Côtes d'Armor, le Service d'appui technique aux exploitants de station d'épuration (Satese 22) s'est lancé dans une étude de "caractérisation et proposition de valorisation et d'élimination des sables usagés issus de l'assainissement", financée à 50% par l'agence de l'eau Loire-Bretagne. Sur les 115 stations d'assainissement collectif (AC) communales de faible capacité (moins de 1.000 équivalents-habitants – EH) qu'il suit, 60% relèvent du traitement extensif des eaux usées par cultures fixées sur support fin (filtres à sable enterrés - FSE – et bassins d'infiltration percolation – BIP) et 40% sont des filtres plantés de roseaux. "Nous observons un colmatage plus ou moins important de ces stations, conduisant parfois à un dysfonctionnement, mais pas sur les filtres à sable en assainissement non collectif (ANC)", a annoncé Hubert Carpier, chef de service du Satese 22, en introduction de la présentation de cette étude lors du 15e Carrefour des gestions locales de l'eau à Rennes ce 29 janvier.
Le colmatage des massifs filtrants des filières extensives de traitement collectif par cultures fixées sur support fin est un problème majeur mis en évidence par les travaux du groupe de l'Irstea sur l'Evaluation des procédés nouveaux d'assainissement des petites et moyennes collectivités (EPNAC) à la demande de l'Onema. Cela entraîne un ralentissement ou un arrêt de la percolation des effluents à travers le massif filtrant, suivi d'un affleurement des effluents en surface, voire leur débordement hors du filtre. Réhabiliter l'existant implique de laver le matériau d'origine ou de le remplacer par un matériau neuf. "La solution curative est d'enlever le sable souillé, confirme Hubert Carpier. Mais alors, qu'en faire ?".
Le conseil général ayant la charge du schéma départemental de l'assainissement mais aussi du plan départemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés (PDEDMA), l'équipe du Satese 22 a jugé bon de considérer les sables souillés comme des déchets.
Valoriser ces sables souillés, un vain espoir
Changer le sable des massifs filtrants tous les 15 ans représenterait un gisement de 3.150 t/an en provenance de ces petites installations d'assainissement collectif, et 16.600 t/an en provenance de l'assainissement non collectif (ANC), soit près de 20.000 t/an. "Ce maigre gisement représente peu d'intérêt par rapport aux 6,652 Mt/an de granulats extraits des carrières du département", commente Gaëlle Lequellennec, chargée de l'ANC au sein du Satese 22. Utiliser ces sables souillés en remblais routiers semble aussi peu convaincant, du fait qu'ils ne respectent pas les critères physiques de la norme NF P11-300, c'est-à-dire de granulométrie. Les utiliser dans la fabrication de béton suppose de les transporter jusqu'à une centrale à béton, ce qui représente un coût de transport estimé à 10 € HT/t.
Autre solution de valorisation : laver le sable de ses souillures. La présence de stations de lavage de granulats dans les carrières rend la pratique envisageable. Mais le lavage a pour effet de déstructurer ce sable, ce qui suppose de le reconstituer en un sable roulé fin respectant les préconisations du groupe EPNAC. "Ce à quoi s'ajoute le traitement des eaux usées produites lors du lavage, précise Gaëlle Lequellennec. Le lavage du sable représente un coût estimé à trois fois le coût de sa production, sans compter le ré-assemblage"…
Ces sables souillés, une nouvelle catégorie de déchets
Ces sables souillés provenant de massifs filtrants de stations d'assainissement collectif ne sont pas spécifiés dans la nomenclature des déchets. Ils entrent dans la classe 19 08 99 des déchets provenant d'installations de traitement des eaux usées, ce qui autorise à les enfouir en installation de stockage de déchets non dangereux (ISDND). Mais il n'en existe qu'une sur le département... Et "cela représente un coût dix fois supérieur à l'enfouissement en installations de stockage de déchets inertes (ISDI), dont le coût est d'environ 15 € HT/t, précise M. Lequellennec. Mais pour qu'ils soient autorisés en ISDI, ils doivent être inertes et conformes à l'arrêté du 28 octobre 2010. Ce qui est le cas des sables inertes issus des installations d'ANC, qui relèvent de la classe des déchets de terres de dragage 17 05 04".
Dans ce contexte local, l'équipe du Satese 22 s'est attachée à caractériser l'innocuité sanitaire de ces sables souillés : très grande siccité et peu de matière organique en surface, pas de traces d'hydrocarbures ni de métaux lourds, bactéries témoins de contamination fécale (oeufs d'helminthes, Escherichia coli, Clostridium perfringens), etc. "Les eaux usées arrivant sur les eaux superficielles du massif filtrant, les Clostridium perfringens anaérobies disparaissent dans les 20 à 30 cm supérieurs, explique M. Lequellennec. Et dès qu'on stoppe l'arrivée des effluents, les teneurs en bactéries pathogènes diminuent".
Cette caractérisation suffira-t-elle à convaincre le préfet des Côtes d'Armor de changer le statut de ces sables souillés, en les faisant passer de "déchets non dangereux" à "déchets inertes", ce qui autoriserait leur stockage en ISDI ? En attendant, l'Irstea se montre intéressé par une présentation de cette étude lors des prochaines journées techniques nationales d'EPNAC.