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Les associations de riverains de sites Seveso dénoncent le caractère non dissuasif des sanctions

À l'occasion de la première Journée de résilience face aux risques organisée par le gouvernement, les associations tentent de mobiliser les parlementaires pour qu'ils mettent la pression sur les « chauffards de l'industrie », trop souvent épargnés.

Risques  |    |  L. Radisson
Les associations de riverains de sites Seveso dénoncent le caractère non dissuasif des sanctions

« On veut juste qu'ils respectent la loi à la lettre », exhorte Christophe Holleville, secrétaire de l'Union des victimes de Lubrizol. Cette association, constituée après l'accident de Rouen du 26 septembre 2019, tente avec ses homologues (1) d'autres régions de mobiliser les parlementaires à l'occasion de la première Journée de résilience face aux risques, organisée, le 13 octobre, par le ministère de la Transition écologique. Cette journée constitue l'une des six actions du plan d'action sur les risques présenté, il y a un an, par Barbara Pompili, alors à la tête de ce ministère.

« Est-il raisonnable de ne miser que sur la résilience ? La vraie réponse est d'intervenir en amont, là où la catastrophe veille, là où il est encore temps de la tuer dans l'œuf », estiment les associations dans un courrier adressé aux députés et sénateurs. Or, ajoutent-elles, malgré des normes de sécurité et environnementales strictes, et des contrôles répétés, certains établissements ne les respectent pas. « Pour certains récidivistes de la "mise en danger d'autrui" et de "pollutions chroniques", les mises en demeure prononcées pour donner suite aux passages des inspecteurs de la Dreal ne sont que pures formalités dont ils n'ont que faire. Et pour quelles raisons ? La réponse est simple : l'impunité ! » expliquent les associations.

Mise en demeure préalable

L'arsenal législatif et réglementaire existe pourtant. Les exploitants d'installations classées (ICPE) qui ne respectent pas la réglementation peuvent faire l'objet, à la fois, de sanctions administratives prises par le préfet et de sanctions pénales prononcées par le juge.

Pour ce qui concerne les sanctions administratives, le préfet doit préalablement mettre en demeure les exploitants des installations qui fonctionnent sans l'autorisation ou la déclaration requise, ou qui ne respectent pas les prescriptions qui leur sont applicables, de se mettre en conformité dans un délai donné. En cas de défaut d'autorisation, il peut suspendre l'installation jusqu'à sa régularisation, édicter des mesures conservatoires dont il peut faire procéder à l'exécution d'office et assortir la mise en demeure d'une astreinte journalière. Si l'exploitant n'a pas régularisé sa situation dans le délai imparti, le représentant de l'État doit ordonner la fermeture de l'installation et la remise en état du site.

Dans les deux cas (absence d'autorisation ou non-respect des prescriptions), à l'issue d'une mise en demeure non satisfaite, le préfet peut obliger l'exploitant à consigner une somme correspondant au montant des travaux à réaliser, faire procéder d'office à ces travaux, suspendre l'installation ou infliger une amende administrative de 15 000 euros maximum et une astreinte journalière de 1 500 euros maximum.

« Sanctions dérisoires »

Dans les faits, « les amendes et sanctions sont quasiment inexistantes ou dérisoires », s'indignent les associations. Les industriels, « parfois au potentiel extrêmement dangereux, préfèrent tout bonnement payer des astreintes journalières en se cachant très souvent derrière l'argument qu'ils imposent "l'économiquement acceptable" ». Les suspensions et fermetures administratives se révèlent effectivement très rares. Et les associations de prendre l'exemple de l'usine Synthexim, à Calais, suspendue le 25 août dernier après onze années d'entorses à la réglementation. Le dispositif de vigilance renforcée mis en place, en juillet 2021, par le ministère de la Transition écologique pour les sites faisant l'objet d'incidents ou de non-conformités récurrentes n'est pas satisfaisant à leurs yeux. Le site de production d'engrais de Yara, à Montoir-de-Bretagne, continue à « polluer les eaux, l'air et les sols », tandis que les dirigeants de l'entreprise dénoncent un « acharnement administratif », s'indignent les associations.

“ La répression administrative ne fonctionne pas et l'articulation avec la répression pénale administrée par les procureurs est perfectible ” Jean-Philippe Rivaud, ENPE
Les statistiques en la matière sont publiées au compte-goutte. Les chiffres diffusés par le ministère de la Transition écologique, en 2019, faisaient état, pour l'année 2018, de 2 116 arrêtés préfectoraux de mise en demeure après 18 196 inspections menées dans les 500 000 installations existantes en France. Ces mises en demeure avaient abouti à 433 sanctions administratives, dont 12 % de suspensions d'activité et 8 % de fermetures administratives. Soit 4 % des arrêtés de mise en demeure qui avaient abouti à une suspension ou à une fermeture administrative. Les chiffres que vient de diffuser la préfecture de la région Île-de-France pour l'année 2021 montrent une proportion quasi-identique, avec 7 suspensions d'activité pour 190 mises en demeure.

« La répression administrative ne fonctionne pas. Et l'articulation avec la répression pénale administrée par les procureurs est perfectible », reconnaît Jean-Philippe Rivaud, vice-président du Réseau des procureurs européens pour l'environnement (ENPE). Ce constat avait été fait par la mission d'inspection sur la justice environnementale, dont les travaux avaient été publiés en janvier 2020. Parmi ses recommandations figurait la création systématique de comités opérationnels départementaux de défense écologique (Codde) à l'échelle territoriale en vue de coordonner les services de police administrative et judiciaire. Des structures de coordination sur lesquelles l'actuel garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, a demandé aux procureurs de mettre l'accent, via sa circulaire de politique pénale générale du 20 septembre dernier.

Faible niveau de répression pénale

Sur le plan pénal, les infractions sont essentiellement des contraventions de 5e classe, punies d'une amende maximale de 1 500 euros pour les personnes physiques et de 7 500 euros pour les personnes morales. C'est le cas du non-respect des prescriptions techniques qui s'imposent à une installation classée, quel que soit le régime administratif dont elle relève (autorisation, enregistrement ou déclaration). Des délits sont toutefois prévus par la loi, avec des peines maximales pouvant maintenant aller jusqu'à 250 000 euros d'amende et trois ans d'emprisonnement pour les personnes physiques depuis la création du délit de mise en danger de l'environnement par la loi Climat et résilience. Les peines sont du quintuple pour les personnes morales. Mais ce nouveau délit a un champ d'application très limité. On retiendra donc plutôt celui de l'exploitation sans l'autorisation requise, puni de 75 000 euros d'amende et d'un an de prison.

Dans les faits, « les sanctions sont complètement dérisoires », dénonce Christophe Holleville. « La plus grosse sanction que j'ai trouvée, c'est 749 000 euros pour trois ou quatre morts. Les trois quarts du temps, on est sur des sanctions de 1 500 euros, 10 000 euros, quelques dizaines de milliers d'euros, pour des entreprises qui, la plupart du temps, brassent des centaines de millions d'euros, voire des milliards. Est-ce que tout cela est dissuasif ? La réponse est non », juge le représentant de l'association de victimes de Lubrizol.

« En droit français, la législation n'offre pas un niveau de répression très élevée, en tout cas par rapport aux exigences de la directive du 19 novembre 2008 sur la protection de l'environnement par le droit pénal », convient Jean-Philippe Rivaud. Aussi, les associations suggèrent d'infliger des sanctions proportionnelles au chiffre d'affaires. Aucun obstacle juridique ne semble s'y opposer. « C'est un mécanisme qu'on connaît déjà dans certaines législations pénales. Ça a été validé par le Conseil constitutionnel. Il faut que ce soit proportionnel aux économies effectuées », explique le procureur.

« Un élan en train de se créer »

Mais, avant même le niveau des sanctions, plusieurs difficultés sont identifiées dans la chaîne pénale. Les inspecteurs des installations classées ne dressent pas beaucoup de procès-verbaux. « La technique même de rédaction d'un procès-verbal est compliquée. Pour un gendarme ou un policier, c'est son métier de tous les jours. Certains inspecteurs de l'environnement sont moins habitués à cela », décrypte Jean-Philippe Rivaud. « Il faut aussi des enquêteurs », ajoute ce dernier, qui salue l'annonce du ministre de l'Intérieur de former 3 000 gendarmes verts. « Les gendarmes sont nécessaires aux magistrats. C'est une machine qui va ensemble : les juges, les procureurs, la gendarmerie et les inspecteurs de l'environnement », explique le magistrat.

Actuellement, seule une très faible proportion des auteurs d'infractions sont finalement punis. Selon une note sur le traitement du contentieux de l'environnement par la justice pénale, publiée en avril 2021 par le ministère de la Justice et portant sur la période 2015 à 2019, moins de 16 % des affaires traitées par le parquet donnaient lieu à des poursuites devant les tribunaux. Et si des peines étaient prononcées, elles étaient faibles : le montant moyen des amendes était de 7 600 euros.

« C'est un droit pénal très compliqué à appliquer pour les magistrats, car il n'est pas très bien écrit », explique Jean-Philippe Rivaud, qui préconise de simplifier les textes. Mais le magistrat est optimiste. « Un élan est en train de se créer dans la justice qui est aussi porté par l'exécutif. On est sur la bonne voie par rapport aux attentes bien légitimes de la société civile », explique-t-il. Les motifs de satisfaction ? La mise en place progressive des pôles judiciaires régionaux spécialisés en matière d'environnement, créés par la loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée. « Le ministère de la Justice a commencé à recruter des assistants spécialisés de niveau ingénieur », se félicite M. Rivaud, compte tenu de la technicité des affaires en matière d'environnement. Autre motif de satisfaction : la montée en puissance de la formation des magistrats.

« Malheureusement, ça prend du temps », admet le procureur. En attendant, sur le terrain, les associations de riverains constatent que les industriels récalcitrants ont encore la vie trop facile.

1. Coordination nationale des associations riveraines de sites Seveso ; Association des sinistrés de Lubrizol ; Association Plus jamais ça, ni ici, ni ailleurs ; Respire ; Notre Maison brûle ; Association de défense des intérêts de la Robertsau ; Association Agir pour un meilleur environnement ; Association dongeoise des zones à risques et du PPRT

Réactions1 réaction à cet article

Ce laxisme habituel auquel les élus ,certains préfets et autres magistrats souscrivent sera bien difficile à réformer ,car il faut dire haut et fort que la corruption fait son office dans notre pays. Sinon toutes ces infractions auraient déjà un code pénal correctemnt ajusté et effectif pour punir les contrevenants.

gaïa94 | 18 octobre 2022 à 19h23 Signaler un contenu inapproprié

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