
Le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le 9 mars la demande de fermeture immédiate de la plus ancienne centrale nucléaire française à Fessenheim (Haut-Rhin), formulée par l'Association trinationale de protection nucléaire (ATPN).
Le collectif qui rassemble des associations et communes françaises, allemandes et suisses, avait saisi en décembre 2008 le tribunal après le rejet en octobre de la même année par le ministère de l'Ecologie de sa demande. L'ATPN dénonce la vétusté de la centrale, mise en service depuis 1977. Selon le collectif, la centrale serait incapable de faire face à des risques sismique et d'inondation et rejette des effluents radioactifs en violation de la loi sur l'eau de 1992, avait expliqué lors de l'audience, Corinne Lepage, l'avocate de l'ATPN et eurodéputée (ADLE/Cap 21).
Si le tribunal administratif de Strasbourg a reconnu que Fessenheim n'était pas en règle avec les prescriptions de la loi sur l'eau de 1992, il a toutefois estimé que les plaignants n'avaient pas apporté ''la preuve du risque grave que font courir ces rejets dans les eaux'', a déploré Mme Lepage, ce qui ne justifie pas l'arrêt définitif de la centrale.
Alors que l'association ATPN mentionne un certain nombre d'incidents survenus récemment, tous sont de niveau 0 ou 1 sur une échelle allant jusqu'à 7. Selon Reuters, le tribunal a indiqué qu'ils n'ont "aucune pertinence ou aucune importance du point de vue de la sûreté", s'appuyant sur les avis de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Le tribunal ''a considéré que les arguments avancés par EDF étaient suffisants ce que bien évidemment l'association conteste'', a déclaré l'avocate qui envisagerait de faire appel.
Le jugement ''reconnaît l'illégalité des rejets chimiques de la centrale, l'absence de cadre législatif autour de ces effluents, sans pour autant s'inquiéter des répercussions sur l'environnement'', a dénoncé l'association Stop-Fessenheim, membre de l'ATPN. L'association locale a fait part de ''sa grande inquiétude quant au fait que, ni le risque sismique particulier auquel la centrale est exposée de par son implantation sur une zone tectonique à potentialité élevée, ni les risques d'inondation liés à son niveau de construction en-deçà de la ligne d'eau du Grand Canal d'Alsace riverain, n'ont été retenus comme dangers suffisants pour obtenir la fermeture de la plus vieille centrale française en activité. Centrale qui d'ailleurs compte bien plus d'incidents que toutes les autres centrales nucléaires françaises''.
Pour le groupe politique Europe Ecologie/ Les Verts, ''cette procédure est en tout cas exemplaire du manque de transparence sur l'énergie nucléaire et de l'influence de ses thuriféraires, en dépit du bon sens (…) La centrale, ces dernières années, a connu de longues et nombreuses périodes d'arrêt qui montrent bien à quel point l'Alsace et les régions voisines peuvent s'en passer !'', estime le parti.
Les deux réacteurs de la centrale bientôt prolongés pour 10 ans ?
"Le tribunal a rejeté la requête et estimé qu'aucun des facteurs de risque ne justifiait la fermeture demandée", s'est de son côté félicité auprès de l'AFP, l'avocat d'EDF Emmanuel Guillaume.
Cette décision judiciaire rejoint les conclusions exposées par le rapporteur public lors de l'audience le 16 février dernier. Elle intervient alors que l'ASN doit rendre en avril son avis autorisant ou non une prolongation de l'exploitation du réacteur n°1 de 900 mégawatts (Mwe) de la centrale pour dix ans supplémentaires. Ce réacteur figure parmi les 34 plus anciens de France (durée de vie moyenne de 27 ans) sur les 58 que compte la France. Un deuxième réacteur de la centrale sera, à son tour, arrêté au cours du deuxième trimestre 2011 par l'ASN qui procédera à de nouvelles visites décennales.