Dans les prochains jours, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, présentera son projet de loi pour accélérer le développement des énergies renouvelables en Conseil des ministres. Simplification des procédures administratives, libération du foncier, partage de la valeur, les mesures d'urgence proposées par le gouvernement sont particulièrement attendues par de nombreux professionnels, dont les adhérents du syndicat de la filière solaire photovoltaïque, Enerplan. Cependant, selon ce dernier, le projet de loi comporte un oubli de taille : l'autoconsommation. « C'est un point frustrant, car le contexte penche en faveur de l'autoconsommation, a déclaré Laetitia Brottier, vice-présidente d'Enerplan, ce mardi 20 septembre à l'occasion de la cinquième Université annuelle de l'autoconsommation photovoltaïque à Paris. L'autoconsommation peut aider les collectivités, les entreprises et les particuliers à amortir l'inflation de leurs factures énergétiques. C'est une source de stabilité à cultiver. »
En juin 2022, au total, près d'un gigawatt (GW) de la puissance électrique de source renouvelable était au moins en partie en autoconsommation – une hausse de 52 % depuis juin 2021. Pour plus de 850 mégawatts (MW), il s'agit d'installations solaires photovoltaïques. Et il en reste encore 207 MW en cours d'installation, selon le gestionnaire du réseau, Enedis. Le volume de ces projets d'autoconsommation a augmenté de 168 % en dix mois. Et cette tendance à la hausse peut encore être accélérée, selon Enerplan. D'environ 400 MW supplémentaires déjà raccordés en 2022 (pour 250 MW sur toute l'année 2021), le syndicat mise sur un rythme de 1 GW par an en 2023 et de 1,5 GW dès 2024 ou 2025. En outre, ce triplement pourrait s'articuler dans le sens de la stratégie solaire de l'Union européenne, présentée conjointement au plan RePowerEU, qui table sur l'équipement en panneaux solaires des toits de chaque nouveau bâtiment résidentiel dès 2029. Pour y parvenir, il existe un plan : le « giga-bouclier solaire ».
Simplifier les démarches
Les mesures encouragées par Enerplan s'orientent, quant à elles, autour de quatre axes. Avec en premier lieu, une simplification des démarches administratives pour les particuliers, notamment par la suppression de celles à entreprendre auprès de la mairie ou d'Enedis, et avec la garantie d'un « droit à l'autoconsommation ». En parallèle, Enerplan milite pour le lancement d'une « grande campagne d'équipements solaires pour les ménages précaires », en permettant le financement dans le cadre des certificats d'économies d'énergie (CEE) « précarité » et en appliquant une TVA réduite pour les petites installations de moins de 36 kilowatts (kW).
Par ailleurs, le syndicat propose d'accentuer la compétitivité des entreprises et des collectivités grâce, par exemple, à un accès à des dettes à taux réduit pour amortir leurs investissements ou à un forfait de raccordement, pour réduire son coût dans certaines zones mal desservies par le réseau. À cela s'ajouterait l'instauration de contrats longs dans le Code des marchés publics, avec un plus haut plafond de puissance éligible (10 MW au lieu de 3 MW), pour mieux stabiliser les budgets. Enfin, s'inspirant également d'une récente note de la Fabrique écologique sur l'intérêt des circuits énergétiques courts, les experts d'Enerplan prônent la création d'un fonds public de garantie pour rassurer les assurances, parfois frileuses face à ce genre de projets.
Allier autoconsommation avec rénovation ?
Si Enerplan mise autant sur ces mesures comme autant d'éventuels amendements à apporter à la prochaine loi d'accélération des énergies renouvelables, c'est parce que le potentiel de l'autoconsommation solaire semble actuellement bloqué. « Il y a aujourd'hui un véritable engouement pour l'autoconsommation, a assuré Audrey Zermati, directrice stratégie de l'entreprise Effy, spécialisée dans la rénovation énergétique. Mille à deux mille personnes nous contactent tous les jours pour se renseigner sur l'autoconsommation solaire. Pourtant, de nombreux freins les poussent à s'arrêter en milieu de chemin. »
Pour les débloquer, « l'incitation fiscale est un enjeu primordial », d'après Audrey Zermati. La directrice stratégie d'Effy rappelle qu'une seule aide existe actuellement pour les projets d'autoconsommation individuelle : une prime à l'investissement de 10 % sur le prix du devis de l'installation. À titre de comparaison, jusqu'à 90 % des travaux de rénovation énergétique peuvent être compensés entre MaPrimeRénov' et les CEE. De plus, le versement de la prime en question reste échelonné. Auditionnée par la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, le 13 septembre dernier, la ministre de la Transition énergétique s'est néanmoins déjà engagée à autoriser le versement de la prime d'investissement en une seule fois. Cela étant, pour la spécialiste, il serait plus logique à l'avenir de coupler rénovation et autoconsommation.
Le chantier, aussi bien réglementaire que fiscal, demeure donc vaste. Cependant, malgré l'oubli de l'autoconsommation (ou encore de l'agrivoltaïsme) dans le projet de loi, le ministère de la Transition énergétique assure être décidé à soutenir toutes les initiatives possibles en sa faveur. « L'autoconsommation est, pour nous, un levier essentiel pour sortir de notre dépendance aux énergies fossiles russes et pour constituer une économie neutre en carbone, a affirmé Agnès Pannier-Runacher, dans un discours délivré à distance. Et nous sommes, pour cela, particulièrement à l'écoute des propositions de la filière solaire. »