Société de conseil spécialisée sur les nouvelles énergies et le climat, Ecofys s'est penché sur le bilan carbone des énergies fossiles et des biocarburants, en adoptant une méthodologie différente de celle de la Commission européenne.
La directive énergies renouvelables et la directive sur la qualité des carburants comparent en effet l'intensité carbone des biocarburants à celle des énergies fossiles utilisées aujourd'hui sur le marché européen. Le rapport d'Ecofys, lui, imagine les énergies fossiles qui seraient sur le marché en l'absence de biocarburants. Selon Ecofys, dans cette situation, l'UE aurait recours à des hydrocarbures non conventionnels. Or les sables bitumineux et les schiste bitumineux ont une intensité carbone de 115 gCO2eq/MJ (gramme d'équivalent CO2 par mégajoule). Selon les estimations de l'UE, l'intensité carbone moyenne des mélanges traditionnels est de 83,8 gCO2eq/MJ.
Le comparateur actuel de l'UE sous-estimerait donc les avantages des biocarburants d'environ 32 gCO2eq/MJ, comme le révèle l'étude d'Ecofys. Une différence "du même ordre de grandeur que les facteurs de CASI mentionnés pour les biocarburants". Le changement indirect d'affectation des sols, ou CASI, est un moyen de compensation pour la production de biocarburants sur des terres agricoles auparavant destinée à la production alimentaire. Cela implique que cette production alimentaire doit être recréée ailleurs dans le monde, grâce à la conversion de forêt en terres cultivables, par exemple.
Même en acceptant l'approche de la "moyenne" utilisée par les législateurs européens, le comparateur devrait être ajusté afin de tenir compte des émissions de gaz à effet de serre engendrées par l'utilisation marginale de combustibles fossiles. Les combustibles non conventionnels représentent une part croissante du marché européen et leur empreinte carbone est bien plus élevée que celle du pétrole traditionnel. Leur empreinte écologique particulièrement élevée est notamment liée aux difficultés rencontrées lors de leur extraction et de leur production. Comme les réserves de pétrole se tarissent, l'utilisation de ces combustibles non conventionnels progresse, requérant des opérations d'extraction plus complexe concentrées sur des champs d'exploitation plus réduits. La difficulté croissante de l'extraction se combine à l'augmentation des parts de marché représentées par ces combustibles, générant une double élévation de l'empreinte carbone de ce secteur.
Conséquences pour les politiques européennes
Selon l'étude d'Ecofys, les biocarburants pourraient contribuer à la "décarbonisation" du secteur très polluant des transports. Cette étude concerne donc à la fois la directive relative aux énergies renouvelables, avec son objectif de 10% de renouvelables dans les transports d'ici 2020, et la directive sur la qualité des carburants, qui promeut une réduction de 6% des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020. Dans le cadre de la directive sur le changement indirect d'affectation des sols, des amendements à ces deux directives sont examinés au Parlement, après avoir été acceptés par le Conseil en juin.
La Commission a quant à elle publié une proposition qui ajuste le comparateur à 94,4 gCO2eq. Selon cette proposition, la comparaison se ferait néanmoins encore entre les moyennes des combustibles fossiles à 83,8 gCO2eq et les biocarburants.
Selon les écologistes, l'utilisation de biocarburants en Europe a toutefois des conséquences désastreuses, notamment la destruction de forêts tropicales, l'accélération du changement climatique et la progression de la faim dans le monde.