Les Etats membres de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), réunis à Montréal (Canada) pour leur 37e assemblée générale, ont adopté jeudi 6 octobre un accord visant à réduire les émissions de CO2 de l'aviation internationale. Cet accord prévoit de mettre en place un mécanisme de marché mondial (GMBM) obligeant les compagnies aériennes à compenser l'augmentation de leurs émissions de CO2 à compter de 2020. Pour cela, les compagnies aériennes achèteront des "unités d'émission" générées par des projets qui réduisent les émissions dans d'autres secteurs de l'économie. Les Etats ont également approuvé une première norme d'émission pour les avions.
Cet accord est salué comme un rattrapage salutaire dans la mesure où les émissions de l'aviation, qui atteignent près de 3% des émissions globales, étaient mises à l'écart des négociations climatiques et ne sont donc pas couvertes par l'Accord de Paris. Plusieurs observateurs pointent toutefois les insuffisances du compromis trouvé.
Soixante-cinq Etats volontaires
La mise en œuvre du dispositif Corsia prévoit trois phases : une phase pilote de 2021 à 2023, une deuxième de 2024 à 2026 et une troisième de 2027 à 2035. Les deux premières sont volontaires, la troisième sera obligatoire pour les Etats membres de l'OACI. Des exemptions ont toutefois été prévues pour les pays les moins avancés ou ceux dans lesquels le niveau d'activité de l'aviation internationale est très faible.
"Le transport aérien est non seulement le premier secteur industriel majeur à adopter une approche globale de la réduction des émissions internationales, mais surtout des Etats représentant plus de 83% des opérations aériennes internationales se sont portés volontaires pour participer au dispositif dès la première phase en 2021", a vanté le Docteur Olumuyiwa Benard Aliu, président du conseil de l'OACI.
Soixante-cinq Etats ont accepté de participer à la première phase du dispositif, précise la présidente de la COP21 Ségolène Royal. Parmi ces Etats figurent la Chine, les Etats-Unis et tous les Etats membres de l'Union européenne. "Dès la seconde phase, les Etats inclus dans le dispositif représenteront plus de 93% de l'activité aérienne internationale. Ce seront ainsi près de 80% des émissions de CO2 mondiales qui seront couvertes par le dispositif", se félicite Mme Royal.
Insuffisant pour atteindre l'objectif de croissance neutre en carbone
L'accord est effectivement salué par les ONG, mais celles-ci mettent en même temps en lumière ses faiblesses. "Trois cents jours après le coup de marteau historique de la COP21, les pays viennent de répondre à la principale lacune de l'Accord de Paris : la prise en compte des émissions de l'aviation civile internationale. Pour changer la trajectoire des émissions de ce secteur, nous ne sommes encore que sur la ligne de départ", résume Lou Leonard, sous-directeur de l'équipe internationale climat et énergie du WWF.
L'ONG regrette ainsi que des éléments clés aient été retirés de l'accord durant les négociations. "Alors que le monde entier vient tout juste de célébrer l'entrée en vigueur de l'Accord de Paris (…), les pays à l'OACI n'ont pas suffisamment démontré qu'ils comptaient aligner l'ambition de l'aviation internationale avec les objectifs clefs de [cet accord] ", analyse Lou Leonard, qui réclame de ce fait des mesures supplémentaires.
Le dispositif couvrira environ les trois quarts de la croissance attendue des émissions entre 2021 et 2035, analyse la Coalition internationale pour l'aviation durable (ICSA), qui représentait la société civile aux négociations. Cela devrait couvrir 2,5 milliards de tonnes d'émissions de CO2 mais rester insuffisant pour atteindre l'objectif de croissance neutre en carbone de l'OACI à partir de 2020. Et encore faut-il que les critères d'émission n'autorisent que des crédits carbone de haute qualité, pointe la coalition. Or, souligne-t-elle, la réalité des réductions d'émission dépend de règles qui ne sont pas encore définies.
Les ONG saluent en revanche la clause permettant une révision du dispositif tous les trois ans en prenant en compte la croissance projetée des émissions et les objectifs de limitation de la hausse de la température mondiale contenus dans l'Accord de Paris.
Europe : vers une révision de l'ETS
Du côté des institutions européennes, la délégation des eurodéputés à Montréal se félicitent de cette "première étape historique" face aux émissions croissantes de l'aviation. "Des efforts supplémentaires sont nécessaires si les émissions de l'aviation doivent être en ligne avec des réductions d'émissions provenant d'autres secteurs", prévient toutefois la députée britannique Julie Girling, chef de la délégation européenne à l'assemblée générale de l'OACI.
Les parlementaires rappellent en effet que les émissions provenant de l'aviation internationale ont augmenté de 76% depuis 1990 et qu'elles pourraient représenter 40% des émissions totales de gaz à effet de serre (GES) en 2050. En 2014, l'UE avait suspendu l'application du système d'échange de quotas d'émissions de GES (ETS) pour le secteur aérien en attendant le résultat des travaux de l'OACI.
Les institutions européennes doivent maintenant travailler sur la prise en compte de cet accord par la législation communautaire. Prochaine étape : la Commission va présenter un rapport au Parlement et au Conseil présentant les résultats de l'assemblée générale de l'OACI et sans doute proposer une révision du système d'échange de quotas d'émission de GES.